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Les anecdotes et les souvenirs se sont multipliés sur le parvis de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, alors que d'anciens coéquipiers et adversaires de même que des personnalités des milieux politique et culturel ont afflué pour assister aux funérailles nationales de Guy Lafleur, mardi.

Larry Robinson, qui a fait partie avec Lafleur de la dynastie du Tricolore des années 1970 qui a remporté la Coupe Stanley à cinq reprises, n'a pu choisir un souvenir précis lorsqu'il lui a été demandé de parler de ses meilleurs moments avec le Démon blond.
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« C'est comme ouvrir une caisse de bières, et de dire laquelle des bières était la meilleure, a imagé Robinson. J'ai énormément de bons souvenirs de Guy. C'est une journée triste, c'est certain, mais il suffit de regarder autour de nous pour voir ce qu'il signifiait pour les gens de Montréal. »
Des centaines de partisans s'étaient en effet massés devant la cathédrale afin de témoigner pour une dernière fois leur amour envers le numéro 10 et pour regarder la cérémonie retransmise sur des écrans géants.
La présence de tous ces gens ne surprenait aucunement ceux qui ont eu la chance de l'observer à l'extérieur de la patinoire au fil des ans.
« Guy Lafleur, c'est un petit gars de Thurso qui n'a jamais changé malgré son statut de supervedette, a souligné Mario Tremblay. Nous, les plus jeunes, on a appris de ça, voir ces gars-là connaître du succès, mais rester humbles. Quand on parle de passer le flambeau, ça fait partie de ça. Quand on a gagné la Coupe Stanley dans les années 1970, tout le monde laissait son égo à la porte, et ça venait de joueurs comme Guy Lafleur, Jean Béliveau et Serge Savard. »
Lafleur, qui a été intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1988, a transcendé les époques. Ses exploits ont été racontés d'une génération à une autre, ce qui fait que même ceux qui n'ont pas partagé le même vestiaire que lui avaient conscience de l'importance de son héritage.
C'est notamment le cas de l'entraîneur par intérim des Canadiens de Montréal Martin St-Louis, qui était accompagné de tous ses joueurs, incluant le capitaine Shea Weber, et de son père Normand.
« C'est une personne qui a touché tellement de générations, a noté St-Louis. Il a été ma première idole et il était l'idole de mon père.
« Ce que je retiens le plus de Guy, c'est son éthique de travail. Tu peux avoir tout le talent au monde, mais si l'éthique de travail ne suit pas, tu n'atteindras jamais ton plein potentiel. »
Lafleur était non seulement une inspiration et un modèle pour plusieurs joueurs, il était aussi source de bons conseils pour ceux qui se tournaient vers lui dans des moments difficiles.
« En 1996, alors que j'étais capitaine, j'avais de la difficulté offensivement et l'équipe n'allait pas bien non plus, a raconté Vincent Damphousse. Je lui ai parlé au cours d'un événement, je lui ai confié que je ressentais le besoin de dire quelque chose au groupe, mais que j'hésitais parce que je ne livrais pas la marchandise de mon côté.
« Il m'avait toutefois poussé à le faire quand même, et ça s'est très bien passé. J'ai débloqué peu de temps après et l'équipe s'est mise à mieux jouer. D'entendre Guy Lafleur me dire d'y aller m'avait donné le courage de faire face à mes responsabilités. »
Nul besoin non plus d'avoir été le coéquipier de Lafleur pendant de nombreuses saisons pour être frappé par sa stature, sur la glace comme en dehors.
Joe Sakic, actuel directeur général et vice-président de l'Avalanche du Colorado, a eu la chance d'être le cochambreur de Lafleur sur la route lors de son passage de deux saisons avec les Nordiques de Québec. Sakic disputait sa deuxième saison dans la LNH lorsque le Démon blond est débarqué avec les Nordiques.
« Guy était un joueur exceptionnel, mais une personne encore meilleure, a affirmé Sakic. J'étais un jeune joueur qui arrivait dans la Ligue, et il était le vétéran.
« Je me souviens encore de la manière dont il traitait ses partisans. Au cours de son dernier voyage dans l'Ouest canadien, nous étions à Winnipeg, et nous attendions tous Guy dans l'autobus pendant qu'il signait des autographes pour des partisans. Il était resté là pendant une heure ou une heure et demie. À Edmonton, il a signé des autographes pendant trois ou quatre heures après le match.
« Guy traitait tout le monde de la bonne manière, et c'est pourquoi autant de gens l'ont adoré. »
Le respect qu'imposait Lafleur sur la glace ne se limitait pas aux joueurs de sa propre équipe. De nombreux anciens adversaires ont fait le déplacement vers Montréal au cours des derniers jours, que ce soit à l'occasion de son exposition en chapelle ardente au Centre Bell dimanche et lundi, ou encore pour ses funérailles mardi.
Brendan Shanahan, Rick Vaive, Tie Domi, Lanny MacDonald et Glenn Healy font partie de ceux qui ont été aperçus dans la métropole québécoise au cours des derniers jours.
Healy, ancien gardien de la LNH qui a porté les couleurs de quatre équipes au cours de sa carrière de 15 saisons et qui est aujourd'hui le président de l'Association des anciens joueurs de la LNH, possède un lien unique avec Lafleur, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons.
« C'est moi qui lui ai accordé son dernier tour du chapeau dans la LNH, a lancé Healy en riant. Je me souviens encore de la date, le 27 février 1989. Si je devais accorder un tour du chapeau à quelqu'un d'autre que Mario Lemieux ou Wayne Gretzky, aussi bien que ce soit à lui.
« Il a été l'un des plus grands de tous les temps. Guy a pavé la voie à des joueurs comme moi, et j'ai eu la chance d'emprunter cette route qu'il a bâtie pour nous. »
Le rassembleur par excellence
Les personnalités politiques de tous les horizons sur la scène municipale, provinciale et nationale ont laissé leurs différends de côté pour rendre hommage au Démon blond.
Le premier ministre du Canada Justin Trudeau et son épouse Sophie Grégoire ont fait l'éloge d'un « homme d'exception » doté d'une « profonde humanité » et d'une « grande sensibilité », qui a été « au service de nous tous, comme Québécois et comme Canadiens ».
Le premier ministre du Québec François Legault a de son côté salué l'impact qu'avait eu Lafleur sur le peuple québécois au cours de sa carrière de joueur.
« Quelle fierté il nous a donnée à toute la nation québécoise, a-t-il mentionné. Il aura réussi quelque chose de grand, de réunir tout le monde. »
Le rôle de rassembleur auprès de la population du Québec est souvent revenu dans les propos des nombreuses personnalités politiques. Étaient notamment sur place les anciens premiers ministres du Québec Philippe Couillard et Jean Charest, le chef du Parti Québécois Paul St-Pierre-Plamondon, le porte-parole de Québec Solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, la cheffe du Parti libéral du Québec Dominique Anglade ainsi que le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet.
« Les joueurs de hockey ont souvent une carrière dans une ville, et lorsqu'on habite dans une ville rivale, on se dit que ces joueurs sont d'ailleurs, mais Guy Lafleur était un joueur du Québec », a souligné Bruno Marchand, maire de la ville de Québec. « Il venait de Thurso, il y a eu son glorieux passage à Montréal et il a été de passage à Québec avec les Remparts et les Nordiques.
« Être capable de rallier les Canadiens et les Nordiques, il faut le faire! »
Michel Bergeron, qui a été l'adversaire, l'entraîneur et un grand ami de Lafleur, a bien résumé le sentiment général qui régnait, quelques minutes avant l'arrivée du cortège funèbre, qui a été accueilli par les applaudissements et les cris « Guy, Guy, Guy ».
« Il va nous manquer, mais il nous sera impossible d'oublier Guy Lafleur. »
Photo : Paul Chiasson / La Presse canadienne