Guy Lafleur, pour une dernière fois
Le grand no 10 des Canadiens de Montréal a été conduit à son dernier repos mardi

En compagnie des fils de Guy Lafleur, Martin et Mark, Guy Lapointe, Pierre Bouchard, Mario Tremblay et Yvon Lambert, l'ancien attaquant des Canadiens de Montréal a porté le cercueil du Démon blond à l'intérieur de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, mardi, à l'occasion de ses funérailles nationales.
À LIRE AUSSI : Pluie d'éloges et d'anecdotes pour Guy Lafleur
« J'imagine que c'est un peu comme une dernière mention d'aide », a lancé le no 22 à sa sortie de l'église. « Nous avons été inséparables pendant tellement d'années. C'est assez difficile pour moi. […] Il aurait probablement été gêné par tout ça. Il n'a jamais prétendu être autre chose qu'un joueur de hockey.
« C'est tout ce qu'il était. Il a toujours été humble, et c'est la raison pour laquelle les gens l'aimaient. »
Sur le coup de 11h, des centaines d'amateurs ont applaudi tout en scandant le fameux « Guy! Guy! Guy! » quand le corbillard s'est arrêté au pied du parvis, et qu'on en a sorti le cercueil recouvert d'un grand drapeau des Canadiens. À l'intérieur, on a accueilli le cortège dans un silence respectueux rempli de compassion.
La cérémonie s'est amorcée avec les hommages du propriétaire des Canadiens Geoff Molson, de quatre anciens coéquipiers, de son fils Martin et de sa belle-sœur Francine Barré. Tous les interlocuteurs ont été présentés, comme il se devait, par la voix du Centre Bell, Michel Lacroix.
Yvan Cournoyer s'est remémoré la première retraite de Lafleur et les trois années au cours desquelles il se faisait un devoir de prendre des nouvelles du no 10 parce qu'il sentait que l'inactivité le rongeait.
« Prendre sa retraite, c'est très difficile, surtout à 31 ans, a souligné le Roadrunner. Nous abandonnons ce qu'on aime le plus dans la vie, être un joueur de hockey. […] Un jour, il m'a dit qu'il avait lavé sa voiture… trois fois. C'est pourquoi je n'étais pas surpris qu'il fasse un retour.
« Guy, tu nous as laissés trop tôt. Si tu veux faire un autre retour, tu es le bienvenu. Guy, Guy, Guy! »
Patrick Roy a d'ailleurs des souvenirs bien précis de ce retour puisqu'il a fait les frais du légendaire attaquant à son premier match au Forum de Montréal dans l'uniforme des Rangers de New York. Acclamé par la foule montréalaise, Lafleur n'avait pas déçu en inscrivant deux buts.
« Dès l'échauffement, la foule était en délire et scandait son nom, s'est souvenu l'ancien gardien. C'était une soirée magique. Tellement magique que quand il m'a scoré deux buts, j'ai reçu une ovation. […] Ce soir-là au Forum, on a tous réalisé à quel point il nous avait manqué. »
L'ancien capitaine Guy Carbonneau a souligné la générosité de celui qui a été son idole d'enfance, alors qu'il grandissait à Sept-Îles en rêvant d'enfiler le chandail bleu-blanc-rouge.
« À mon premier camp avec les Canadiens, j'ai dû me pincer parce qu'on m'a jumelé avec Steve Shutt et Guy Lafleur, a-t-il amorcé. De mémoire, je ne pense pas avoir touché à la rondelle une seule fois de peur de les décevoir. Mais j'étais sur la glace avec mon idole de jeunesse. »
Tous ont mis l'accent sur l'humilité et l'accessibilité de l'homme dans le vestiaire de l'équipe, malgré son statut de vedette. Il était « one of the boys », a résumé Carbonneau.
« Je réalise que notre relation a été à l'image d'un match de trois périodes marquantes, a ajouté Roy. Comme coéquipiers, comme adversaires et ensuite comme anciens. Devant le vide immense que crée ton départ, j'avoue que j'aurais bien pris une prolongation, mais je comprends que tu gardes ça pour le monde en haut. »
Parlant de là-haut, Larry Robinson a envoyé un avertissement aux Dieux du hockey après avoir lu un court discours en français et en anglais.
« Le paradis peut maintenant compter sur Mike Bossy et sur Guy Lafleur, a-t-il dit. J'espère seulement qu'ils ne sont pas à la recherche d'un gros défenseur en ce moment. »
Après les témoignages, la chanteuse Ginette Reno - une amie du défunt - a fait vibrer la cathédrale en entier en interprétant « L'essentiel », une des chansons préférées du natif de Thurso. La grande dame de 76 ans s'est permis un petit ajout fort symbolique à la fin d'un couplet.
« C'est quand notre prénom a l'air d'un mot gentil… Guy », a-t-elle chanté avec aplomb.
Au terme de près de deux heures de cérémonie présidée par l'archevêque de Montréal, Christian Lépine, et par son homologue de Québec, le cardinal Cyprien Lacroix, les centaines de gens réunis à l'intérieur ont réservé une dernière ovation à Lafleur, alors que la chanson « My Way » de Frank Sinatra s'est mise à résonner aux quatre coins de l'imposante cathédrale.
« C'était une grande cérémonie, a conclu Shutt. Une belle façon de lui dire un dernier au revoir. Il méritait ça… Il a tout fait pour le mériter. »
Photo : Paul Chiasson / La Presse canadienne

















