LOS ANGELES – Luc Robitaille a une impression de déjà-vu cette semaine.
Le président des Kings de Los Angeles a été bombardé d’appels dans les derniers jours de gens qui veulent voir Alex Ovechkin à l’œuvre jeudi, au Crypto.com Arena, alors qu’il n’est qu’à neuf buts d’établir le record absolu de la LNH à l’aube du duel entre les Capitals de Washington et les Kings (22 h 30 HE; FDSNW, MNMT2, SN, TVAS).
Ovechkin totalise présentement 886 buts en carrière. Wayne Gretzky, détenteur actuel du record, en totalise 894.
« C’est incroyable. Tout le monde m’appelle, tout le monde veut voir le match et être dans l’amphithéâtre pour le voir de leurs propres yeux, a indiqué Robitaille. Près du record comme il est, Ovechkin crée un engouement partout où il passe. »
Robitaille avait vécu de près ce même genre de frénésie il y a 31 ans, lorsqu’il était coéquipier de Gretzky alors qu’il s’apprêtait à éclipser la marque de 801 buts de Gordie Howe. La Merveille avait finalement pris le tout premier rang lors d’un match contre les Canucks de Vancouver au Great Western Forum le 23 mars 1994.
Admis au Temple de la renommée du hockey en 2009 grâce à une carrière de 668 buts, le 13e plus haut total de l’histoire de la LNH, Robitaille se souvient très bien de l’engouement décuplant de match en match, à mesure que Gretzky s’approchait de Howe.
« Peu importe où nous allions, tout le monde en parlait, s’est-il remémoré. Gordie était dans les parages. C’était incroyable. Nous savions que nous allions voir l’histoire s’écrire sous nos yeux, nous savions que ce serait incroyable. La beauté d’un tel moment est la mise en scène avant, car tu sais que ça s’en vient. Tu ne sais pas encore quand et comment, mais tu sais que ça va arriver.
Chaque but nous faisait devenir un peu plus partisan, même comme joueur. Tout le monde ayant déjà joué au hockey a ce côté partisan dans ces moments. »
C’est ce que les joueurs des Capitals vivent présentement, alors qu’ils se nourrissent de cette chasse au record et de l’énergie des différentes foules. Même si Ovechkin n’a pas trouvé le fond du filet contre les Ducks d’Anaheim, mardi, les Capitals ont remporté 7-4 au Honda Center le premier de leurs trois matchs en Californie. À noter qu’Ovechkin a tout de même récolté trois aides dans cette victoire.
Même lorsqu’ils sont à l’étranger, les Capitals entendent bien les « Ovi! Ovi! » de la foule. Ils étaient plusieurs à scander le surnom du capitaine lorsqu’il a inscrit son 885e but au Madison Square Garden, le 5 mars, lors d’un duel contre les Rangers de New York.
Des moments spéciaux pour tous ceux qui en sont témoins.
« Lorsque nous jouions avec Wayne Gretzky à l’époque, nous nous demandions : « À quel point suis-je chanceux d’avoir cette occasion? », a raconté l’ancien attaquant des Kings Tony Granato. « Pouvoir, en plus, occuper un minime rôle dans cette chasse au record revêt quelque chose de très spécial. »
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Comme c’est le cas pour Ovechkin cette saison, Gretzky espérait s’emparer du record absolu avant la fin de la saison 1993-94. Ç’aura pris du temps avant qu’il marque les 37 buts nécessaires à l’atteinte de l’objectif, mais il y est finalement parvenu. Ovechkin doit quant à lui se rendre à 42 buts cette saison. Avec 17 matchs à jouer, il en compte 33.
« Il a fait tant de choses au fil des années, a dénoté Granato. Il a déjà établi plusieurs records de buts dans la LNH. Le record absolu semblait difficilement à sa portée, mais d’année en année et de mois en mois, nous l’avons vu s’en approcher et maintenant, nous savons qu’il va l’établir. »
En plus d’être un redoutable marqueur, Gretzky était un passeur naturel. Il a pris sa retraite en 1999 avec un total de 1962 aides. À titre comparatif, Jaromir Jagr, le deuxième meilleur pointeur de l’histoire de la LNH (1921), a moins de points que Gretzky a d’aides.
Mais marquer des buts vient avec plus de pression, surtout dans une situation comme celle d’Ovechkin où le public s’attend à une telle réussite chaque match. Ovi semble bien gérer cette pression, lui qui n’a jamais passé plus de trois rencontres sans toucher la cible cette saison.
Gretzky avait connu un creux de vague alors qu’il n’était qu’à quatre buts d’établir le record. Après avoir inscrit son 798e but, il n’a marqué qu’une fois à ses sept sorties suivantes. Malgré cette « léthargie », si on peut la désigner ainsi, Gretzky n’a jamais semblé ébranlé.
« Je n’ai jamais vu Gretzky crouler sous la pression, a affirmé l’ancien gardien des Kings Kelly Hrudey. C’est intéressant, car j’ai joué huit ans avec Wayne à L.A., et à notre sixième ou septième année ensemble, je lui ai demandé s’il lui arrivait d’être nerveux, car il ne semblait jamais l’être. Il m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : ‘’Je suis nerveux pour chaque match.’’
« Il se mettait de la pression sur lui-même, comme tous les bons joueurs, mais je ne m’en étais jamais vraiment aperçu, même lorsqu’il avait ralenti la cadence avant d’établir le record. »
Comme Ovechkin le fait cette saison, Gretzky tentait autant que possible de rediriger l’attention vers la tenue de son équipe, les Kings, alors que les gens préféraient épier ses faits et gestes.
« Chaque journée avait l’allure d’un cirque, a imagé Robitaille. Ça devenait difficile pour Wayne et je suis sûr qu’il est en est ainsi pour Ovi aussi. L’attention est constamment dirigée vers lui. Ça devient une corvée, en quelque sorte, car chaque joueur veut garder son énergie afin de se préparer pour les matchs.
« Lorsque tu es en quête d’un tel record, tout de ton quotidien est un peu plus long, car tout le monde veut rencontrer Alex. »
Gretzky avait retrouvé le droit chemin en marquant son 799e but et en récoltant trois aides dans une victoire de 7-0 contre les Sénateurs d’Ottawa. Trois matchs plus tard, il a inscrit ses buts numéros 800 et 801 dans un match nul de 6-6 face aux Sharks de San Jose.
Granato se mord encore les doigts lorsqu’il se remémore avoir raté une passe qui aurait possiblement permis à Gretzky de réussir un tour du chapeau et d’établir le record dans les derniers instants de cette rencontre au San Jose Arena.
« Après son 801e but, j’ai filé à 2-contre-1 avec lui. Jayson More était le défenseur, et je crois qu’il a joué ce 2-contre-1 différemment qu’il aurait joué n’importe quel autre 2-contre-1, a opiné Granato. J’ai gardé le disque, puis attendu, attendu, attendu… J’ai essayé de faire un Wayne de moi-même en patientant avant de passer le disque, mais entretemps, More avait déjà eu le temps d’enlever Wayne de l’équation et j’ai été contraint de tirer au but. »
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Gretzky a marqué son 802e but lors du match suivant, contre les Canucks, en complétant un jeu en relance lors d’une supériorité numérique, à 14:47 de la deuxième période. Alexei Zhitnik avait amorcé la relance en interceptant une remise de Geoff Courtnall en zone défensive avant de repérer Robitaille à l’aile gauche.
Robitaille a transporté le disque le long de la ligne bleue, puis l’a remis à Gretzky. Gretzky et son coéquipier Marty McSorley se sont ensuite échangé la rondelle avant que la Merveille mette la touche finale, déjouant Kirk McLean du bas des cercles.