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L'élimination hâtive des Blackhawks de Chicago a laissé des traces. Le DG Stan Bowman avait promis des changements et il a rapidement livré la marchandise. Parce qu'il n'a pas vraiment de marge de manœuvre sur le marché des joueurs autonomes, il ne lui servait à rien d'attendre à la dernière minute.
On pouvait s'attendre à ce que les Blackhawks transigent avec les Golden Knights de Vegas pour les débarrasser d'un contrat embêtant, mais il n'en fut rien. On a donc perdu au repêchage d'expansion un jeune défenseur prometteur à qui on ne finissait plus de finir par faire une place, Trevor van Riemsdyk.

Bowman devait tout d'abord s'ajuster au départ de Marian Hossa. L'étoile slovaque a en effet annoncé qu'il ne jouerait pas l'an prochain, craignant pour sa santé à cause des médicaments qu'il doit prendre pour endurer une allergie à son équipement. Hossa avait commencé à ralentir, mais il était encore un membre important du top-9 de la ville des vents.
L'excellent site datarink.com nous apprend qu'avec Ryan Hartman et Marcus Kruger, Hossa a contribué à créer trois buts par heure jouée à forces égales, une production similaire à celle du premier trio de l'équipe, composé de Patrick Kane, Artem Anisimov et Artemi Panarin. Hartman et Kruger sont d'honnêtes joueurs défensifs et on n'a pas besoin d'un dessin pour comprendre que c'est Hossa qui, malgré qu'il ait ralenti, poussait ce troisième trio à produire comme un premier. Comme quoi les joueurs d'élite savent, même au crépuscule de leur carrière, se rendre indispensables si on les place dans la bonne situation.
Pour s'ajuster, Chicago n'a aucune marge de manœuvre financière. L'équipe, selon CapFriendly.com, dépend de la présence de Hossa sur la liste des blessés à long terme pour se conformer au plafond salarial. Ce n'est pas un drame en soi, dans la mesure où l'alignement est complet, avec 14 attaquants, 6 défenseurs et 2 gardiens sous contrat. Mais dans ce contexte, les changements se font à l'intérieur d'une marge de manœuvre bien mince.
Joel Quenneville a déjà annoncé la couleur : le jeune Nick Schmaltz commencera l'an prochain la saison avec Kane et Panarin sur le premier trio, un mouvement jeunesse qu'on verra aussi probablement se perpétuer ailleurs dans l'alignement (je pense au jeune Alex Debrincat, qui à 19 ans, vient de pulvériser la ligue junior de l'Ontario). En défensive, il semble qu'on va faire plus de place à Michal Kempny et Gustav Forsling.
C'est dans ce contexte qu'on a effectué deux échanges majeurs. Le premier a envoyé Niklas Hjalmarsson aux Coyotes de l'Arizona en retour de Connor Murphy, et le deuxième a rapatrié Brandon Saad des Blue Jackets de Columbus en retour d'Artemi Panarin.
L'échange Saad-Panarin est exceptionnel : deux attaquants de premier plan, au sommet de leur art… Outre l'échange Subban-Weber, on n'a pas beaucoup de parallèles ces dernières années. Pour regarder la chose brièvement du point de vue des Blue Jackets, Panarin est un contributeur exceptionnel sur le jeu de puissance, qui s'ajoute à une des meilleures unités de la ligue. Mais Panarin est aussi
un remarquable contributeur à forces égales
. Depuis deux ans, Patrick Kane, son principal coéquipier chez les Blackhawks, voit sa part de tirs obtenus chuter de 54 à 45 pour cent lorsqu'il est séparé de Panarin, alors que ce dernier, séparé de Kane, voit la sienne passer à 49 pour cent. Panarin est un joueur complet, dynamique, un sensationnel contributeur dans toutes les facettes du jeu.
Mais les Blackhawks, étranglés par leurs choix salariaux des dernières années, n'avaient pas les moyens de garder Panarin encore longtemps. Achevant son contrat recrue l'an dernier, on lui a fait parapher une entente de deux ans seulement, au terme de laquelle il sera joueur autonome sans compensation.
Ces deux saisons à coût plus que raisonnable sont la raison pour laquelle Panarin peut rapporter autant sur le marché des échanges. Parce qu'on ne doit pas se méprendre : si Brandon Saad n'a pas obtenu les points de Panarin, il n'en est pas moins un formidable attaquant, qui a le mérite d'être un peu plus jeune (24 ans contre 25) et sous contrat pour plus longtemps (quatre saisons au lieu de deux) pour le même salaire.
L'une des grandes différences entre les deux joueurs tient au temps d'utilisation en avantage numérique. Saad a joué l'an dernier 128 minutes à 5-contre-4 sur la deuxième vague du jeu de puissance (les données qui suivent proviennent de hockeyanalisys.com), y obtenant quatre maigres points. Panarin, en 236 minutes, a obtenu 16 points à 5-contre-4. À 5-contre-5, c'est beaucoup plus serré : Saad a obtenu 42 points en 1137 minutes, Panarin 44 points en 1258 minutes.
Le pari des Blackhawks semble ici être que la relève (je pense à Schmaltz et Debrincat) peut compenser pour la perte de Panarin en avantage numérique, mais que rien ne semble s'annoncer de bon pour prendre le flambeau à 5-contre-5. Et à voir la situation financière du club, Panarin ne pouvait que partir sous d'autres cieux plus tôt que tard.
Saad, donc, est d'abord et avant tout un ajout essentiel à forces égales. En compagnie de Nick Foligno et Alex Wennberg, il a contribué massivement aux succès des Blue Jackets dans cette situation, ce trio obtenant 53 pour cent des tirs lorsque réunis. Plus encore, Wennberg comme Foligno voyaient leur part de tirs obtenus plonger de 8 pour cent lorsque séparés de Saad, alors que ce dernier voyait le sien augmenter de 3 pour cent. Saad est, du peu que nous révèlent ces données, un formidable contributeur à 5-contre-5, autant sinon plus que Panarin.
Il n'est pas accidentel, dans ce contexte, que Quenneville ait annoncé que Saad serait associé l'an prochain à Jonathan Toews, et on revient ici par la bande au déclin de Marian Hossa. Ce dernier a été le sbire attitré du capitaine des Blackhawks dans toutes les missions difficiles depuis la saison 2012-13. Mais Hossa, on l'a dit, ne suivait plus le train. Saad vient combler un trou important qui se creusait depuis deux ans sans qu'on puisse renverser la tendance (n'en déplaise aux fans de Richard Panik). Bowman a bougé à coût nul, mais il a concentré ses ressources sur un point faible de son alignement.
L'arrivée de Connor Murphy est moins spectaculaire, mais je me demande si là, on n'a pas fait une bêtise. Hjalmarsson arrive à 30 ans, âge auquel les hockeyeurs ralentissent souvent rapidement. Pour un défenseur défensif, ça n'est jamais une bonne chose.
Mais Hjalmarsson n'est pas Alexei Emelin. Les
données de hockeyanalysis sont révélatrices
: depuis son accession au statut de régulier en 2009-10, Hjalmarsson permet aux Blackhawks de concéder 47 tirs tentés par heure jouée. En l'absence de ses trois coéquipiers les plus fréquents, il garde le même ratio de tirs concédés. Mais ses principaux coéquipiers voient leurs taux de tirs donnés monter, parfois légèrement (Toews et Duncan Keith montent un peu en haut de 50), parfois massivement (Johnny Oduya passe à 55 tirs). Le constat est important, parce qu'on n'a jamais utilisé Hjalmarsson dans un rôle offensif; en sa compagnie, le tiers des mises en jeu sont en zone défensive, une proportion qui passe à un quart en son absence. Tout ça, bien sûr, en étant systématiquement opposé aux meilleurs trios adverses.
Connor Murphy, pendant ce temps,
a surtout joué avec l'exceptionnel Oliver Ekman-Larsson.
En sa compagnie, il aide les Coyotes à obtenir 47 pour cent des tirs, une proportion qui descend à 45 pour cent privé du grand suédois. Et OEL, sans Murphy, monte à 49 pour cent. Rien pour inspirer confiance.
On semble ici miser lourdement sur Brent Seabrook, qui devient le seul véritable pilier à droite. Mais Seabrook arrive à 32 ans, je ne sais pas jusqu'à quel point tout ça peut fonctionner.
Un mot sur les Coyotes, en terminant. Si on associe OEL à Hjalmarsson et que ce dernier est encore en pleine possession de ses moyens, les amateurs de l'Arizona vont voir à pied d'œuvre l'une des plus prometteuses paires défensives des dernières années. Je suis très curieux de voir l'impact qu'ils auront lorsqu'ils seront associés au nouveau venu Derek Stepan.
Mais revenons aux Blackhawks. Stan Bowman a frappé un grand coup en sacrifiant Panarin pour rapatrier Saad, un coup qui selon moi va être très payant. Mais je crains fort que Connor Murpy déçoive à Chicago. A-t-il les reins assez solides pour remplacer Hjalmarsson? Quenneville nous a habitués à des stratégies d'utilisation de joueurs des plus originales et ses commentaires sur Saad et Schmaltz laissent entendre qu'il a déjà un plan clair en tête. Il a certainement une idée claire de ce qu'il attend de Murphy. Reste à voir si ce dernier saura répondre.