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KIRKLAND, Québec - Guy Lapointe éclate de rire en se remémorant ce qu'il avait prédit aux Canadiens de Montréal pour la saison 2020-21 en plongeant dans sa boule de cristal en décembre dernier, quelques jours avant le début de leur calendrier de 56 matchs.

« Ils vont être dans la course, et il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'ils vont participer aux séries », avait lancé le légendaire défenseur des Canadiens. « Ils se sont améliorés à chaque position durant la saison morte, devant le filet, à la ligne bleue et à l'attaque. Ils n'auront pas d'excuse cette année. Ils devront livrer la marchandise. »
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Pendant les sept mois suivants, Lapointe a été témoin, incrédule, du parcours des Canadiens, avec qui il a remporté six fois la Coupe Stanley dans les années 1970. Montréal a terminé au quatrième rang de la section Nord Scotia avant de franchir trois rondes des séries et de s'incliner contre le Lightning de Tampa Bay en cinq matchs en Finale de la Coupe Stanley.

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« Beaucoup de gens m'ont demandé mes prédictions quant à la saison de Montréal l'an dernier, et je vais être honnête, je n'ai jamais prédit qu'ils allaient atteindre la Finale », a admis Lapointe samedi, dans le cadre d'une séance de signature d'objets de collection en banlieue de Montréal.
L'homme de 73 ans parlait avec son optimisme habituel, alors qu'il est en rémission du cancer de la gorge.
« Les Canadiens ont surpris beaucoup de gens, a affirmé Lapointe. Ils se sont rassemblés, ils ont joué en équipe, et ça devrait les aider cette année. Ils ont des souvenirs de ce qu'ils ont accompli l'année dernière. Ils savent qu'ils doivent travailler fort en équipe lors de chaque présence dans chaque rencontre.
« Ce ne sera pas facile pour eux de répéter ce qu'ils ont fait l'année dernière en revenant dans la section Atlantique avec un calendrier de 82 parties. Mais ils ont effectué beaucoup de changements durant l'entre-saison, dont certains sont positifs. Et ils sont en bonne posture avec Carey Price et Jake Allen devant le filet. »

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À la ligne bleue, il y aura un trou béant de 6 pieds 4 pouces et 230 livres avec l'absence du capitaine Shea Weber. Le défenseur devrait rater toute la saison, lui qui est aux prises avec une pléthore de blessures.
« Je pense que le leadership de Weber va leur manquer », a argué Lapointe, qui a été un membre du Big Three en défense chez les Canadiens avec Serge Savard et Larry Robinson. Les trois sont au Temple de la renommée du hockey, et leur numéro flotte dans les hauteurs du Centre Bell de Montréal.
« Shea est un bon joueur, un compétiteur respecté par ses coéquipiers. Je suis convaincu que ce sera une grosse perte à combler. Ce sera aux autres joueurs de prendre la relève. »
Pendant deux heures samedi, Lapointe s'est entretenu avec des partisans, dont plusieurs étaient trop jeunes pour l'avoir vu jouer un match. Il portait sa bague commémorant son entrée au Temple de la renommée en 1993 sur la main droite ainsi que sa bague de la Coupe Stanley de 1979 avec les Canadiens sur la main gauche.

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Plus tôt durant la semaine, Lapointe s'était joint à quelques anciens coéquipiers pour célébrer le 70e anniversaire de la légende des Canadiens Guy Lafleur, alors que six membres du Temple de la renommée étaient des festivités. Le tableau de chasse combiné de Lapointe, de Lafleur et des anciens capitaines des Canadiens Bob Gainey, Guy Carbonneau, Yvan Cournoyer et Savard est ahurissant : 37 conquêtes de la Coupe Stanley ainsi que les trophées Selke (sept fois), Conn-Smythe (quatre), Art-Ross et Ted Lindsay (trois fois chacun), Hart (deux) et Bill Masterton (une).
Lapointe, Cournoyer et Savard ont également été coéquipiers avec le Canada contre l'équipe d'étoiles de l'Union soviétique lors de la Série du siècle 1972, 49 ans avant le moment où ils ont fêté Lafleur.
Lapointe a disputé 884 matchs répartis sur 16 saisons dans la LNH entre 1968 et 1984, les 777 premiers avec les Canadiens avant d'en jouer 62 avec les Blues de St. Louis et 99 autres avec les Bruins de Boston. Il a cumulé 622 points (171 buts, 451 passes), alors que son différentiel cumulé de plus-329 le place à égalité avec le membre du Temple de la renommée Stan Mikita au 20e rang de l'histoire de la LNH.

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Robuste et solide comme le roc, Lapointe était parfois utilisé par l'entraîneur Scotty Bowman comme attaquant sur le dangereux jeu de puissance de Montréal. Ses coéquipiers du Big Three Savard et Robinson dirigeaient l'attaque depuis la ligne bleue.
À la retraite depuis qu'il a été dépisteur pour le Wild du Minnesota, Lapointe s'estime chanceux d'avoir passé à travers une bataille contre un cancer de la gorge qu'on lui a diagnostiqué en décembre 2019. Parmi ses traitements, il a eu trois séances de chimiothérapie et 36 doses de radiothérapie, « un traitement assez agressif », dit-il.
L'année dernière, on a confirmé qu'il était en rémission. Ayant perdu la moitié de sa langue, Lapointe a parfois de la difficulté à parler. Sa bouteille d'eau est sa « meilleure amie », puisqu'il a constamment la bouche sèche. Lui qui est amateur de bonne bouffe et de bon vin, il est aux prises avec une diète très limitée. Au début de ses traitements, avaler une soupe poulet et nouilles était un véritable défi.

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Il y a un an, Lapointe a perdu le goût, mais pas son légendaire sens de l'humour.
« Je me sens un peu comme une poubelle : on ouvre le couvercle, on lance de la nourriture dedans et on le referme », avait-il lancé, à la blague, à ce moment-là.
Mais Lapointe a indiqué samedi qu'il a retrouvé le goût, « donc c'est très positif. J'ai passé beaucoup de temps à jouer au golf, mais chaque fois, je dois apporter mon propre repas afin de pouvoir manger entre les trous. Mon jeu n'est pas trop mal et je joue entre 90 et 95. J'arrive encore à frapper quelques bons coups. Certaines journées sont plus difficiles que d'autres, mais être sur le terrain de golf est une bonne chose pour mon esprit. Je peux relaxer et penser à autre chose. »
Le cancer n'est pas le premier souci de santé de Lapointe. Il se souvient d'avoir reçu une rondelle déviée au visage lors d'un match en 1977, alors qu'il avait passé tout près de perdre son œil gauche.

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« Ça m'avait pris un bout de temps pour me remettre de ça, et quand tu reviens au jeu, tu es nerveux quand une rondelle vole dans les airs, a-t-il raconté. J'avais l'habitude de bloquer beaucoup de tirs, et à mon retour, je n'ai pas changé mon style. »
Lapointe n'a pas non plus changé son attitude joviale avec les partisans, qui a fait de lui l'un des joueurs les plus populaires des Canadiens à son époque, et encore aujourd'hui. Si la pandémie et un système immunitaire faible durant ses traitements contre le cancer l'ont empêché de se mêler aux partisans qu'il adore, il reprend tranquillement du service et profite de chaque seconde. Il est impatient de retourner au Centre Bell cette saison pour assister au plus grand nombre de matchs possible des Canadiens.
« Je m'ennuie de manger un bon steak et de boire du bon vin, mais je vois le bon côté des choses, a-t-il affirmé. Si j'avais eu ce cancer quelques années plus tôt, je ne serais peut-être même pas ici aujourd'hui. Je dois remercier l'avancée de la médecine et de la technologie. Ça m'a sauvé la vie. »
Photos : Dave Stubbs; Temple de la renommée du hockey, Getty Images