Bouchard: Sans Kadri, point de salut?
Notre chroniqueur explique pourquoi les Maple Leafs se retrouvent en difficulté sans leur centre numéro deux
par Olivier Bouchard @oli_bou / Chroniqueur LNH.com
La première ronde est encore bien jeune et les Maple Leafs de Toronto sont déjà dans une posture bien embêtante. Les Bruins de Boston ont dominé la série jusqu'ici et on doit maintenant trouver le moyen d'utiliser l'avantage de la glace pour bloquer un peu l'élan des Bruins.
Mike Babcock en a vu d'autres et il dispose de ressources abondantes sur le plan offensif. Mais il a un problème. Nazem Kadri, suspendu pour encore deux matchs, est de loin son meilleur centre défensif et, de manière générale, son homme à tout faire. Sans lui, il doit trouver le moyen de moyenner et, sur le terrain des Bruins, les choses se sont mal déroulées.
Ce n'est, jusqu'ici, qu'une fois encaissé un retard de trois buts, dès la première période du deuxième match, que les Maple Leafs ont pu aller chercher un certain avantage aux tirs vers le filet. Mais de manière générale, il n'y a jusqu'ici pas photo, les Bruins dominent bel et bien cette série.
Dans le détail, on constate que ça n'est certainement pas parce que Babcock n'essaie pas de bouger les pièces sur l'échiquier. D'être contraint d'envoyer ses joueurs avant son adversaire sur les mises en jeu a en effet confronté l'entraîneur de Toronto aux ambitions de ses adversaires. En creux, on lui a aussi révélé quelles devaient être ses cibles pour les duels à Toronto.
D'un côté, donc, il y a les confrontations voulues par l'adversaire. Au premier chef, bien sûr, Patrice Bergeron sur Auston Matthews. Et, lorsque Bergeron n'est pas disponible, David Backes et Noel Acciari sont envoyés. Surtout, Zdeno Chara et Charlie McAvoy sont les défenseurs envoyés en priorité contre Matthews.
Même avec l'avantage de la glace, Babcock ne peut probablement pas éviter le premier duo défensif des Bruins à son jeune prodige. Mais il peut certainement cibler les confrontations entre attaquants. Si Matthews accuse en deux matchs un déficit de moins-8 aux tirs tentés contre Bergeron, son différentiel passe à plus-3 contre Backes et plus-6 contre David Krejci, qu'il n'a pourtant presque pas vu.
Plus encore, si on garde l'œil sur les différentiels de tirs, on constate que Tyler Bozak, Connor Brown et James van Riemsdyk ont jusqu'ici un différentiel de plus-14 contre Backes. La faiblesse à exploiter et les instruments à utiliser sont donc assez clairement identifiés. Reste à survivre hors de ces moments favorables.
Si on se fie aux mouvements de personnel effectués par Babcock jusqu'ici, ça n'inspire pas confiance outre mesure.
C'est là où l'absence de Kadri fait mal. Le numéro 43 des Maple Leafs a la mèche courte, ce qui a mené à sa perte lors du premier match, un coup asséné à Tommy Wingels lui valant une suspension de trois matchs. Or, s'il a un tempérament volatile, Kadri reste un formidable joueur de hockey. Kadri est un buteur, on le sait, mais il est aussi un joueur qui obtient systématiquement la confiance de Babcock pour les missions défensives. Il a, selon Corsica.Hockey, participé à 458 mises en jeu en zone défensive, contre 314 pour Matthews. Qu'on l'évalue par le temps de jeu ou par les différentiels de buts attendus, son coefficient d'adversité est identique à Matthews. Enfin, s'il prend des pénalités, il en attire encore plus : pour sept visites au cachot, il en cause 11 chez ses adversaires.
On comprendra donc que si Matthews est pourchassé par les meilleurs, Kadri, lui, est de ceux qu'on envoie à la chasse. Et que sans lui, Babcock semble dépossédé des éléments nécessaires pour construire un blocus défensif à opposer aux Bruins.
On le constate d'abord par le fait que l'entraîneur des Maple Leafs semble s'attaquer à une combinaison défensive importante. Depuis le début de la saison, Ron Hainsey est le bras droit du meilleur défenseur de l'équipe, Morgan Rielly. En 76 matchs, celui-ci a eu Hainsey comme associé 75 fois. Or, depuis le début de cette série, on voit Babcock hésiter de plus en plus à les garder ensemble.
Babcock est coincé. Rielly et Jake Gardiner se sont séparé la tâche contre Bergeron et ni l'un ni l'autre n'a pu tenir le coup jusqu'ici : Gardiner affiche un différentiel de moins-9 aux tirs tentés face à Bergeron, Rielly un différentiel de… moins-17!
Lors des deux premiers matchs, il a donc dû finasser avec ses duos; on a vu un peu Travis Dermott (doué, mais terriblement inconstant) et beaucoup Roman Polak (stable, mais d'une lenteur tectonique). Ça n'est vraiment pas idéal.
On l'a aussi vu brasser la soupe autour de Matthews. Habituellement associé à William Nylander et Zach Hyman, on a vu apparaître Leo Komarov, puis Patrick Marleau aux côtés de Matthews.
De toute évidence, on cherche à consolider les positions défensives de Matthews en l'associant à un vétéran, mais force est d'admettre que Komarov est plus à sa place au flanc de Tomas Plekanec. Quant à Marleau, si on l'associe à Matthews, c'est alors Mitch Marner, habituellement avec lui sur les flancs de Kadri, qui se retrouve sans repères familiers.
On regarde les noms défiler, Babcock a beaucoup d'armes à sa disposition. Mais l'expulsion de Kadri a exposé une faiblesse fondamentale de sa défensive : c'est par l'action essentielle du deuxième centre que les tâches ingrates sont menées à terme et le chemin ouvert pour Matthews et les autres.
Sans lui, il semble que Babcock se sente contraint de construire une opposition à Bergeron autour de Matthews, alors qu'on devrait normalement tenter de donner à ce dernier le plus de temps loin du numéro 37 des Bruins pour aller y faire des dommages. On va découvrir au début du match quelle combinaison sera décrétée pour quelle mission. L'avantage de la glace offre un peu d'espoir, mais le trou à combler est béant.