Arseneau marcotte

ABBOTSFORD, C.-B. -Vincent Arseneau est un vrai dur. En fait, il fait probablement partie de la dernière lignée de durs à cuire du hockey professionnel. Encore là, même si jeter les gants fait encore partie de son style de jeu, il n'a pas eu le choix d'apporter des ajustements à son approche pour s'accrocher à une carrière de 10 ans dans les circuits mineurs du hockey.

Arseneau semble filer le parfait bonheur à l'autre bout du pays dans l'uniforme des Canucks d'Abbotsford. Il n'aurait d'ailleurs pas pu choisir plus loin en frais de distance de sa région natale, les Îles-de-la-Madeleine, pour y poursuivre sa carrière.
« Je n'ai fait que suivre le club-école des Canucks dans son déménagement! », a souri Arseneau lorsqu'on lui fait part des quelque 6000 kilomètres séparant Abbotsford des Îles.
C'est précisément ce qu'il y a de fascinant dans le parcours d'Arseneau : le fait que les Canucks lui ont réitéré leur confiance à plusieurs reprises au cours des dernières années malgré un rôle appelé à disparaître. Il en est à sa sixième saison dans la Ligue américaine avec eux et il a fait partie des meubles qui ont traversé le continent au complet après la saison 2020-2021 quand les Canucks ont voulu rapatrier leur club-école beaucoup plus près de la maison, lui qui était à Utica dans l'État de New York. Vétéran apprécié de tous, le dur au cœur tendre se réjouit d'avoir en poche une entente encore valide en vue de la saison prochaine.
« Je ne suis pas dupe, je sais qu'un jour les bagarres vont disparaître et que les joueurs de mon style n'existeront plus, a avoué Arseneau. Déjà, je remarque que plusieurs équipes ont tendance à ne plus garder dans leur équipe un gars comme moi. Aujourd'hui, un bagarreur ne peut plus juste faire ça. Il faut que tu sois capable d'apporter autre chose et je pense que je suis capable de le faire. J'ai un style robuste, oui, mais je suis aussi en mesure d'en taper une dans le filet une fois de temps en temps. »
Arseneau allait donner une pleine mesure de son apport à la formation dans les heures suivant notre entretien, face au Rocket de Laval le 3 décembre dernier. Il a bousculé plusieurs rivaux au fil du match, dont le jeune Jan Mysak qui a goûté à sa médecine sur une solide mise en échec qui l'a forcé à quitter le match. Le Madelinot allait ensuite marquer le sixième but des siens, en troisième période, dans un gain de 7-5 des Canucks.
« J'ai réussi avec le temps à exercer un impact positif dans la formation en amenant de la robustesse tout en restant discipliné, a poursuivi Arseneau. J'essaie de prêcher par l'exemple et de travailler le plus fort possible. En fait, je n'ai jamais arrêté de travailler, que ce soit sur la glace ou dans le gym. J'espère que la façon dont je me comporte peut inciter mes jeunes coéquipiers à faire la même chose. »
N'allez pas croire que les choses ont toujours été faciles pour le robuste attaquant qui a eu à déménager ses pénates à maintes reprises depuis une dizaine d'années. Il a disputé 147 matchs dans l'ECHL pour 4 formations différentes en tentant de saisir les moindres opportunités d'améliorer son sort au niveau supérieur. Il a même enfilé l'uniforme des Cuttthroats de Denver dans la défunte Ligue Centrale, fusionnée depuis avec l'ECHL, avec lesquels il a accumulé 120 minutes de pénalité en seulement 47 parties.
Selon le site de référence en la matière, HockeyFights.com, Arseneau a été impliqué dans 134 bagarres en carrière. Le principal intéressé se considère encore en excellente forme, malgré plusieurs cicatrices au visage et des mains endommagées. Malgré tout, on ne sent aucun regret dans le ton d'Arseneau et surtout pas de honte à avoir pratiqué son métier.
« Je suis très fier de ce que j'ai fait et de la carrière que j'ai, a estimé Arseneau. J'ai fait ce que je devais faire pour faire carrière dans le hockey, un sport qui me passionne. J'ai pris beaucoup de plaisir à protéger mes coéquipiers au fil du temps. Le rôle est appelé à changer, mais quand je vois des gars comme Nicolas Deslauriers (un ancien défenseur transformé en attaquant robuste) ou encore mon ancien coéquipier Zack MacEwen, je me rends compte que des gars comme moi ont encore leur place. Ce sont de bons joueurs de hockey appréciés de leur équipe, mais les bagarres font partie de ce qu'ils apportent sur la glace. J'admire ces gars-là parce que je sais que ce n'est pas un travail facile à faire soir après soir. »
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Impossible d'avoir une discussion avec Vincent Arseneau sans parler de la situation des Îles-de-la-Madeleine, qui viennent d'être touchées sévèrement par l'ouragan Fiona en septembre dernier.
Arseneau, qui possède une maison sur l'archipel et y passe tous ses étés, a heureusement évité le pire malgré quelques dommages mineurs à son domicile.
« On a été vraiment chanceux parce que notre côté (de l'île) a été le moins touché, a-t-il expliqué. J'ai eu quelques débris sur ma maison, mais rien de vraiment sérieux. J'ai un peu de travail qui m'attend à mon retour en mai ou juin. »
Il s'inquiète de plus en plus des changements climatiques qui touchent de près les gens de sa communauté.
« On se rend bien compte chez nous que l'eau monte chaque année, que les tempêtes sont plus fréquentes et qu'il n'y a pratiquement plus de glaces qui se forment autour de la banquise, a-t-il expliqué. Dorénavant, les vagues frappent les berges 12 mois par année, ce qui cause une érosion beaucoup plus rapide. Chaque petit geste compte pour contrer les changements climatiques. »
Arseneau confirme avoir bel et bien traversé le pays au complet en voiture, des Îles-de-la-Madeleine jusqu'à Vancouver, en septembre dernier avant le camp d'entraînement. Une longue épopée qui aura duré six jours! Aucun doute possible, il connaît son pays natal désormais comme le fond de sa poche.