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LAVAL - Adam Cracknell n'est un membre du Rocket de Laval que depuis le 30 novembre dernier, mais il s'avère déjà un morceau très important d'une équipe impliquée dans une course aux séries éliminatoires.
Quand le directeur général Larry Carrière a annoncé la transaction qui faisait passer l'attaquant de 32 ans au Rocket en retour de Peter Holland, les avis étaient mitigés. On laissait partir un joueur produisant à un rythme d'un point par match pour en acquérir un autre ne revendiquant que deux petits buts en 15 matchs avec le Wolf Pack de Hartford. Et bien au-delà de ses insuccès sur la glace, Cracknell faisait aussi face à la plus grande épreuve de sa carrière.

Adam Cracknell n'aurait pu demander mieux à l'approche de cette troisième année complète dans la LNH. Il venait de terminer une première année chez les professionnels au sein d'une seule et même formation, les Stars de Dallas, sans devoir partager son temps avec une autre formation de la LNH ou bien avec un renvoi dans la Ligue américaine. Nouvellement père d'une petite fille prénommée Lynde, Cracknell venait d'emménager dans une nouvelle demeure en banlieue de Dallas. Une situation idéale, donc, pour amorcer sa nouvelle vie familiale.

Cracknell

« Ça ne s'est pas produit comme je l'aurais souhaité. Les Stars ont fait plusieurs changements au cours de la saison morte. Je me sentais toutefois à l'aise avec l'idée de conserver mon poste, puisque je considère avoir joué le meilleur hockey de ma vie l'an dernier. Je me sentais en confiance, jusqu'au jour où on a commencé à me faire sauter quelques tours lors des matchs préparatoires pour faire de la place aux plus jeunes. Un de mes bons amis, Curtis McKenzie, a ensuite été soumis au ballottage. C'est là que j'ai commencé à être vraiment nerveux », a commencé par expliquer Cracknell lors d'un long entretien à la Place Bell avec LNH.com.
Retranché lors du match d'ouverture qui opposait les Stars aux Golden Knights de Vegas, Cracknell a été inséré dans la formation lors du match suivant, à St. Louis.
« Je n'ai pas obtenu beaucoup de temps de glace lors de cette défaite. Et comme si ça n'allait déjà pas assez mal, notre avion a eu des ennuis avant le décollage pour notre retour à Dallas. Nous avons donc été cloués au sol. C'est là que j'ai croisé le regard du directeur général (Jim Nill) et j'ai su tout de suite que quelque chose se passait… »
L'intuition ne lui jouait pas de tours, il allait être soumis au ballottage le lendemain. Il savait qu'une autre formation de la LNH allait sûrement lui faire signe, mais encore là, où?
« Ce n'est pas une situation inconnue pour moi, mais ça ne rend pas ça plus facile pour autant. Les 24 heures suivant l'annonce du ballottage ne sont jamais faciles pour aucun joueur, car on ne sait jamais où on peut se retrouver. C'est une situation de stress difficile à gérer pour les joueurs, mais surtout pour les familles qui sont directement touchées par la situation » a expliqué Cracknell qui allait se retrouver chez les Rangers de New York quelques heures plus tard.
Le vétéran devait donc laisser derrière lui son épouse Teresa et sa petite fille de cinq mois seulement. Pour des raisons évidentes, il valait mieux partir seul pour l'instant et laisser les deux femmes de sa vie derrière, ne serait-ce que pour quelques mois. Cracknell n'allait pas être au bout de ses peines.
« Le point le plus bas de ma carrière »
« J'étais content de me joindre aux Rangers, une des six formations originales dans la Ligue nationale. Mais là encore, ça ne s'est pas passé comme je l'aurais souhaité. Pour toutes sortes de raisons, je ne me suis jamais senti à l'aise à New York. Je ne me sentais pas à l'aise de laisser ma famille derrière moi et sur la glace, je me sentais comme une recrue qui ne veut pas faire d'erreurs. Après quatre matchs difficiles à New York, je sentais que quelque chose allait se passer. »

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Pour une deuxième fois en quelques semaines, Cracknell était soumis au ballottage, mais cette fois dans l'intention de le céder dans la Ligue américaine, chez le Wolf Pack de Hartford. Après quelques heures d'attente, c'est effectivement ce qui est arrivé. Une claque au visage d'un vétéran possédant pourtant un contrat garanti de la LNH encore valide pour une saison.
« Je vais être très honnête, ce renvoi à Hartford a été une dure épreuve pour moi. Non seulement je laissais ma famille derrière moi à Dallas, mais en plus, je devais me retrouver dans la Ligue américaine. Ce fut vraiment difficile, ça m'a ébranlé. […] Chaque athlète fier peut difficilement accepter le fait qu'une carrière puisse tirer à sa fin. Tu ne veux pas abandonner. C'est pour ça que c'est si difficile d'aborder un tel sujet avec ton épouse. Elle aussi fait des sacrifices pour t'appuyer dans ta carrière. C'était très délicat d'en parler avec elle. Ce fut des jours sombres, je ne le cacherai pas », confie avec pudeur Cracknell.
Le vétéran s'est beaucoup promené au cours de sa carrière. En faisant son bilan, on se rend compte que le chiffre trois est important. Il a été impliqué dans trois transactions, a été réclamé au ballottage à trois reprises, tout comme il a signé comme joueur autonome avec une équipe différente trois fois. Tout ça sur une période de seulement huit ans!
« Le ballottage, il ne faut pas que tu en fasses une affaire personnelle. Ce n'est souvent pas contre toi, mais souvent en raison des contraintes du plafond salarial. Tu ne connaîtras jamais vraiment le fond de l'histoire. C'est dur à avaler, mais il faut constamment montrer que tu n'abandonnes pas, que tu as encore espoir d'y retourner (dans la LNH). Ça fait de toi une meilleure personne, quelqu'un qui sait faire face à l'adversité », a philosophé ce grand voyageur.
Un nouveau souffle à Laval
Vivant à l'hôtel pendant un mois à Hartford, Cracknell avait visiblement la tête ailleurs. Un maigre temps de glace de 7 ou 8 minutes par match, et seulement trois petits points au compteur en 15 rencontres. Sans le demander, le natif de Prince Albert en Saskatchewan souhaitait avoir une autre chance ailleurs.
« Je n'avais pas d'attentes en arrivant avec le Rocket. Tout ce que je souhaitais, c'était d'obtenir une vraie chance de me faire valoir (sur un trio offensif). Après un match moyen à Syracuse, ça a vraiment décollé le lendemain avec mes deux premiers buts à LeHigh Valley. Il s'est tout de suite créé une belle chimie avec (Daniel) Audette et (Chris) Terry. Vous ne pouvez pas savoir comment ça fait du bien pour un athlète de se sentir respecté comme leader dans la chambre. C'est gros pour moi et je l'apprécie beaucoup », a exprimé Cracknell au sujet de sa nouvelle terre d'accueil, sa 14e en carrière chez les professionnels.
« Ce qu'il apporte à notre équipe va bien au-delà de ses performances sur la patinoire, soutient l'entraîneur Sylvain Lefebvre. C'est un excellent meneur pour nos jeunes joueurs, car il est toujours prêt à les aider peu importe la situation. Il est un bon grand frère pour eux. Avec tout son bagage chez les professionnels, il est capable de bien le partager à ses coéquipiers. Il apporte une contribution très importante dans notre vestiaire. »
Le principal intéressé retiendra la date du 20 décembre 2017 longtemps dans sa mémoire. Ce retour à la maison pour le Rocket après un court voyage à Charlotte coïncidait avec l'arrivée en ville de Teresa et Lynde. Après deux mois et demi sans voir son épouse et sa fille, Cracknell avait des ailes. Ses deux buts et une mention d'aide ont mené le Rocket à un gain convaincant de 5 à 2 face au Crunch de Syracuse. C'est avec la petite Lynde dans les bras que le héros du jour avait répondu aux questions des journalistes ce soir-là.
« C'était une grande soirée. C'était super de les avoir avec moi. Ce fut une bouffée d'air frais dans ma vie, de revenir à la maison et de me consacrer à mon nouveau rôle de père. J'espère avoir la chance de jouer encore six ou sept ans, question qu'elle puisse courir avec d'autres enfants dans le vestiaire. Le hockey, c'est une histoire de famille. Chaque fois qu'on me place au ballottage, ma femme s'y retrouve aussi… »
S'inspirer de l'histoire de Deslauriers
Adam Cracknell garde les yeux sur ce qui se passe à Montréal, en attendant d'obtenir la chance de se faire valoir. Après un bref passage à Laval en début de saison, Nicolas Deslauriers avait forcé le Tricolore à le rappeler et il est rapidement devenu un incontournable de la formation de Claude Julien. Cracknell dit s'inspirer de cette belle histoire.
« J'ai énormément de respect pour Nick. Je le connais depuis quelques années et il sait ce que ça prend pour avoir du succès. De se rendre à la LNH, c'est bien, mais c'est encore plus difficile d'y rester. Nick n'a jamais abandonné et je n'ai pas l'intention de le faire non plus.
« Je veux leur prouver que je peux encore jouer à ce niveau. Je n'irai pas jusqu'à cogner à leur porte, ils savent où me trouver. Mon jeu est de retour, ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi à l'aise sur la glace. Il faut toujours être prêt à recevoir l'appel. Je suis heureux d'où je suis rendu dans la vie, avec ma femme et ma fille à mes côtés. Le prochain objectif est de devenir un membre du Canadien de Montréal », a souhaité Cracknell.
Question de s'immiscer encore plus dans la culture québécoise, la nouvelle vedette du Rocket a visité la région de Québec pendant le temps des fêtes. Il en est revenu sous le charme.
« Ce fut merveilleux. On ne pouvait pas trouver un plus bel endroit pour passer notre premier Noël en famille. Je n'avais jamais eu la chance de visiter cette ville superbe plus tôt dans ma carrière. Les gens sont super accueillants et nous avons eu beaucoup de plaisir. J'espère demeurer ici (au Québec) pour quelques années », a terminé Cracknell en laissant savoir qu'il souhaiterait avoir la chance de demeurer dans l'organisation du Canadien la saison prochaine.