Allen Montembeault badge Thibault

Choix de première ronde des Nordiques de Québec au repêchage 1993 de la LNH, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons et il est désormais propriétaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 32 filets de la Ligue.
Après des années de règne incontesté de Carey Price devant la cage des Canadiens de Montréal, il faut croire qu'on était dus pour un bon vieux débat sur l'utilisation des gardiens dans la métropole.

J'insiste sur le mot débat plutôt que controverse parce qu'on est encore loin de l'épisode Halak ou Price, qui avait divisé la province, il y a une dizaine d'années. Cette fois, les difficultés que connaît Jake Allen semblent ouvrir la porte à Samuel Montembeault, solide depuis le début de la saison.
Il est légitime de se demander si le gardien québécois mérite davantage de départs que son homologue, compte tenu de ses performances, mais je ne vois pas ça comme une opposition entre les deux. Et si le Tricolore ne comptait pas tout simplement sur un duo capable d'effectuer le travail?
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C'est une tendance que l'on observe de plus en plus à travers la LNH. Certaines équipes naviguent à travers les hauts et les bas de la saison en envoyant le gardien qui leur donne le plus de chances de gagner, sans étiquette et sans objectif précis de nombre de départs. Ce n'est pas de la physique quantique.
On l'a vu, l'an dernier, chez les Bruins de Boston avec un partage tout à fait équitable des tâches - 41 matchs chacun - entre Linus Ullmark et Jeremy Swayman. Le départ canon d'Ullmark vient fausser les données, cette saison, mais vous comprenez l'idée : une équipe n'est pas obligée de nommer un numéro un et de le favoriser, qu'importe son rendement.
Pour revenir à la situation chez le Tricolore, je pense que Jake Allen a encore une longueur d'avance malgré ses quatre derniers départs - moyenne de buts alloués de 4,74 et taux d'efficacité de ,853. Mais il n'y a pas de mal à potentiellement confier 35 matchs à Montembeault s'il les mérite et qu'il offre à l'équipe des départs de qualité. C'est le seul critère d'évaluation, au fond.
Si le partage des tâches permet à Martin St-Louis d'obtenir neuf départs de qualité sur dix - une règle d'or dans la LNH - qu'importe le gardien qui est devant le filet, alors il est en business. Ça ne se traduira évidemment pas par neuf victoires sur dix, mais ça signifie qu'il sera dans le coup la majorité du temps.
C'est ça l'important, après tout. Au moment d'écrire ces lignes, il est assez clair que Montembeault donne une meilleure chance à l'équipe de gagner. Il serait donc tout à fait normal de lui donner davantage de départs le temps qu'Allen travaille sur son jeu et retrouve ses repères. Si les rôles s'inversent d'ici quelques semaines, le vétéran reprendra la pole, et c'est bien correct ainsi.
Il ne faut pas oublier, malgré le bon début de saison, que les Canadiens demeurent dans un processus de transition. On ne peut pas s'attendre à ce que les gardiens aient la vie facile et qu'ils passent leur temps à corriger les erreurs d'une aussi jeune défensive. Disons que les hommes masqués n'ont pas beaucoup de marge de manœuvre; s'ils ont une sortie ordinaire, ça va se traduire sur la feuille de match.
Les deux gardiens ont réussi à arracher des points à eux seuls et à camoufler les lacunes défensives de l'équipe à quelques occasions depuis le début de la saison. Mais l'inverse sera plus rare.
Ça fait quelques semaines que l'on voit davantage les erreurs défensives de l'unité de cinq. Ce sont souvent de gros revirements qui ont le potentiel de coûter cher - je pense par exemple aux deux échappées accordées en moins de dix secondes aux Blue Jackets de Columbus, mercredi. Si le gardien n'est pas au sommet de son art, les choses peuvent rapidement dégringoler.
D'un point de vue positif, je trouve intéressant de voir la troupe de St-Louis se maintenir au classement malgré tout. Elle a connu un très mauvais match contre les Sabres de Buffalo et elle a été en mesure de se ressaisir dès le lendemain à Columbus, notamment grâce à des arrêts clés de Montembeault.
Pour moi, c'est le signe qu'il est en possession de ses moyens et qu'il offre une option plus qu'intéressante pour éviter de surexposer Allen en plein cœur d'un creux de vague.
Du calme
Cela dit, j'inviterais tout le monde à prendre son gaz égal. Je sais qu'on a tendance à partir en peur et à s'enflammer à Montréal. Montembeault fait bien en ce moment, mais il est inutile de se mettre à spéculer sur son avenir et à évoquer la possibilité qu'il soit le dauphin de Price.
Je ne dis pas qu'il ne pourra pas l'être et qu'il n'a pas le potentiel de mériter le poste de numéro un à court ou moyen terme. Je dis simplement qu'on devrait le laisser jouer comme il le fait présentement sans ajouter de pression supplémentaire sur ses épaules. Les choses vont bien pour lui, profitons-en simplement.
Ça ne donne rien de créer une controverse. On évaluera son travail à la fin de l'année et on essaiera de se projeter dans l'avenir si la situation le commande.
Pour l'instant, je vois un gardien qui arrive à maturité, plus en confiance et plus à l'aise dans son poste. On dirait qu'il sent davantage qu'il a sa place dans la LNH. Ç'a un impact sur son niveau de confiance, et automatiquement sur la constance qu'il affiche dans son jeu. Souhaitons que ça se poursuive!
\Propos recueillis par Guillaume Lepage, journaliste LNH.com*