Kesler-Johansen

NASHVILLE -- Le méchant portait un capuchon noir sur la tête et, évidemment, il affichait le sérieux d'un homme qui s'apprêtait à disputer un match important. Le joueur de centre des Ducks d'Anaheim Ryan Kesler était debout, adossé au mur, et il a levé les yeux au plafond en soupirant quand les journalistes se sont mis à l'entourer. Il était prêt.
Quelle a été sa réaction initiale quand il a entendu les commentaires du joueur de centre des Predators de Nashville Ryan Johansen à son endroit?
« J'ai ri », a-t-il dit.

Non seulement Kesler est-il à l'aise dans le rôle de méchant dans cette Finale de l'Association de l'Ouest, il le savoure à l'approche du troisième match de la série, qui aura lieu mardi soir au Bridgestone Arena (20h HE ; TVA Sports, CBC, SN, NBCSN).
La série quatre de sept est égale 1-1 après que Kesler et Johansen se soient livré un duel acharné au cours des deux premiers matchs, au Honda Center. Ils se sont alors généreusement disputés et enguirlandés, frappés et donné des coups de bâton.
À la suite de la victoire de 5-3 des Ducks lors du deuxième match, dimanche, Johansen a dit de Kesler: « Les membres de sa famille et ses amis qui le regardent jouer, je ne sais pas comment ils font pour encourager un joueur comme lui. Sa façon de jouer au hockey n'a aucun sens. J'essaie juste d'aller sur la glace et de jouer au hockey, et [c'est moche] quand tu dois enlever un bâton de ton aine à chaque présence sur la patinoire. »
Mais c'est là du Kesler typique, comme ç'a toujours été le cas - un bâton dans l'aine, une épine dans le pied, un empêcheur de tourner en rond. Qu'on aime ça ou pas, la façon dont il joue au hockey est tout à fait logique.
Il est devenu le premier joueur à être nommé cinq fois finaliste au trophée Selke, remis au meilleur attaquant défensif de la LNH, et il a remporté cet honneur en 2011, en bonne partie parce qu'il agit en petite peste. Il est difficile à affronter. Il est frustrant. Il vous force à penser à lui au lieu de votre propre jeu.
Ça ne le dérange pas quand on le critique. Ça ne fait que l'encourager à poursuivre dans la même veine.
« J'ai reçu beaucoup de textos d'amis et de membres de ma famille, qui m'ont dit qu'ils continuaient de m'encourager, a indiqué Kesler. Il peut dire ce qu'il veut, par contre. Je ne changerai rien à ma façon de jouer. Je suis ici pour une raison, et une seule raison : pour remporter des matchs et, en bout de ligne, remporter la série. »
Johansen en a-t-il fait une affaire personnelle ?
« Je pense que c'était le cas un peu, mais peu importe, a déclaré Kesler. Ce n'est pas mon ami. Il ne deviendra pas mon ami. Il peut dire ce qu'il veut. »
Cela signifie-t-il que Kesler fait bien son travail ?
« Ouais, a répondu Kesler. Évidemment, on dirait bien qu'il était un peu ébranlé. Je vais simplement jouer mon match comme je le fais toujours. »
Le plus drôle, c'est que Kesler et Johansen ont des amis en commun. Ils ont le même agent, Kurt Overhardt. Et devinez qui est le dépisteur en chef en Amérique du Nord pour KO Sports?
Mike Kesler, le père de Ryan.
Celui-ci n'était pas disponible pour commenter, mais vous pouvez gager qu'il est fier de son fils. Un ancien joueur dans les rangs universitaires et un entraîneur de longue date dans les rangs juvéniles au hockey, il a enseigné à Ryan qu'il fallait patiner aussi fort en se repliant en défensive qu'en fonçant à l'attaque. Il obligeait Ryan à faire « l'exercice du sous-sol » s'il ne donnait pas un effort maximal : équipement complet, pas de patins, une demi-heure de cardio.
« J'ai dit, 'Je vais exiger que tu donnes 100 pour cent à moins d'une blessure ou d'être malade. Tu dois toujours travailler fort' », avait déclaré Mike Kesler lors d'une entrevue réalisée en 2011.
Le jeune Kesler n'était pas un joueur vedette dans les rangs juvéniles. Mais après avoir adopté de bonnes habitudes de travail, il s'est mis à progresser. Il est devenu une star avec les Canucks de Vancouver. En 2010-11, il a marqué 41 buts et remporté le Selke. Il a ensuite amassé 11 points (cinq buts, six aides) en six matchs contre les Predators au deuxième tour des séries éliminatoires de la Coupe Stanley, ce printemps-là.
Cette série là était égale 1-1 au moment de disputer le troisième match au Bridgestone Arena, comme c'est le cas présentement. C'était la première fois qu'un match de deuxième tour avait lieu à Nashville, tout comme la ville du Tennessee s'apprête maintenant à accueillir le premier match de finale d'association de son histoire. En prolongation, Kelser avait provoqué une pénalité imposée au défenseur des Predators Shea Weber pour avoir accroché en emprisonnant le bâton de Weber sous son bras droit, puis il était allé se stationner devant le filet durant le jeu de puissance. La rondelle l'avait atteint et trouvé le fond du filet, produisant ainsi le but gagnant.
Les Predators avaient crié leur indignation sur le coup. Kesler ne leur avait offert aucune excuse.
« Nous étions l'équipe qui a travaillé le plus fort ce soir, avait alors dit Kesler. Nous la méritions celle-là. »
Les Ducks ont fait l'acquisition de Kesler, le 27 juin 2014, dans le but de se doter d'une plus grande profondeur au poste de centre, pour améliorer leur taux de succès sur les mises en jeu et pour exploiter sa capacité à agir en petite peste. Ils se sont rendus en finale d'association en 2015. Ils ont été éliminés en sept matchs par Nashville au premier tour, le printemps dernier, même si Kesler avait marqué quatre buts, dont un à chacune des trois dernières rencontres. Les voilà de retour en finale d'association, et voilà que Kesler fait de nouveau ce qu'il sait si bien faire.
Kesler n'a pas tenu Johansen en échec lors des deux premiers matchs ; ce dernier a récolté quatre points (un but, trois aides). Mais il a amené Johansen à écoper de deux pénalités pour avoir donné un coup de bâton.
« Ça n'a aucune importance si j'ai réussi à lui entrer dans la tête ou non, a dit Kesler. Si j'ai réussi, tant mieux. Ça veut dire que j'ai fait mon travail. Si je n'ai pas réussi, vous savez, je vais continuer à faire les mêmes choses, à me replier en défensive comme je l'ai fait…
« Pour moi, c'est ça jouer au hockey, je joue avec ardeur. Évidemment, je sais maintenant qu'il n'aime pas ça, mais je ne vais pas relâcher juste parce qu'il a dit quelque chose. »