Jaromir Jagr ne s'attarde pas aux statistiques
Deuxième pointeur de l'histoire de la LNH, l'attaquant de 44 ans des Panthers joue pour l'amour du sport, et non pour les statistiques
par Nicholas J. Cotsonika @cotsonika / Chroniqueur NHL.com
Les points ne sont pas l'essentiel.
Jaromir Jagr a maintenant récolté 1887 points, le deuxième plus haut total dans l'histoire de la LNH, après avoir obtenu trois passes dans la victoire en tirs de barrage des Panthers de la Floride contre les Sabres de Buffalo, mardi.
Encore un point, et il aura amassé plus de points que Mark Messier (1887), plus que Gordie Howe (1850), plus que Ron Francis (1798), plus que Marcel Dionne (1771), plus que Steve Yzerman (1755) et plus que Mario Lemieux (1723).
La Ligue nationale de hockey existe depuis presque 100 ans, et presque 6000 joueurs y ont joué, et avec un point de plus, il aura récolté plus de points que tous ces hommes, à l'exception d'un, la Merveille, Wayne Gretzky (2857), dont le total de points absurde pourrait fort bien ne jamais être égalé.
Il a également marqué plus de buts (755) que tout le monde à l'exception de Gretzky (894) et Howe (801).
Jagr n'est toutefois pas revenu dans la LNH à l'âge de 39 ans après trois saisons passées en Sibérie pour récolter plus de points. Il ne s'est pas entraîné bien après la fin des matchs avec des vestes lestées et il n'a pas patiné en solitaire tard le soir pour améliorer sa place dans le livre des records. Il ne joue pas encore à l'âge de 44 ans pour rehausser ses statistiques, à l'exception du temps de glace et du nombre de matchs joués.
« Il ne joue pas seulement en raison de la personne qu'il est », a déjà dit son ancien coéquipier Stéphane Robidas. « Il joue parce qu'il le peut encore, et parce qu'il adore ça. […] Il arrive que nous ne nous sentions pas très bien certains jours, et vous le voyiez arriver dans le vestiaire, et lui, il sourit, la vie est belle. »
Jagr a subi une merveilleuse métamorphose.
Il a quitté la LNH en 2008 après avoir passé 17 saisons avec les Penguins de Pittsburgh, les Capitals de Washington et les Rangers de New York, alors qu'il était déjà assuré de faire son entrée au Temple de la renommée du hockey après avoir remporté la Coupe Stanley à deux reprises, le trophée Art Ross, remis au meilleur pointeur de la saison, cinq fois, et le trophée Hart, remis au joueur le plus utile, à une occasion. Il n'avait pas à revenir d'Omsk dans la Ligue continentale de hockey. Il n'avait plus rien à prouver.
Lorsqu'il est revenu en 2011, il était passé du statut de supervedette à celui de bourreau de travail, de sage et de vagabond du hockey. Il a été apprécié d'une manière dont il ne l'avait jamais été auparavant, soit pour son éthique de travail, pour sa volonté d'apprendre une chose ou deux aux jeunes freluquets, et pour avoir effectué des arrêts avec les Flyers de Philadelphie, les Stars de Dallas les Bruins de Boston les Devils du New Jersey et les Panthers, et avoir adoré cela.
Le trophée Bill Masterton est souvent remis au joueur qui effectue le plus beau retour de l'année, mais il est censé revenir au joueur qui personnifie le mieux la persévérance, l'esprit sportif et le dévouement au hockey. Au terme de la dernière saison, il a été remis à Jagr.
« Lorsqu'il est arrivé à Pittsburgh, il nous a impressionnés avec sa puissance, son talent et son jeu en général, puis plus tard au cours de sa carrière, il nous a tous inspirés avec sa passion et son dévouement, a mentionné Messier. Dans mon esprit, il a joué assez longtemps pour vraiment comprendre l'importance de ce sport pour lui en tant que personne et joueur. La seule manière dont il est possible de jouer et de réussir ce qu'il accomplit en ce moment est de vous assurer que vous investissez du temps dans votre conditionnement physique et que vous prenez soin de vous, et il faut aussi que vous ayez une profonde passion pour ce sport. »
Se demander à quoi ressembleraient les statistiques de Jagr s'il n'avait jamais quitté la LNH ne sert à rien.
Le classement des meilleurs pointeurs de la LNH a été influencé par de nombreux facteurs : le temps passé dans d'autres ligues, les problèmes de santé, les conflits de travail. Où se trouveraient, disons, Howe et Bobby Hull s'ils étaient demeurés dans la LNH plutôt que d'avoir passé un aussi long moment dans l'Association mondiale de hockey? Où figureraient, disons, Lemieux et Bobby Orr s'ils étaient demeurés en santé? Où auraient terminé plusieurs autres, dont Jagr, si des conflits de travail n'avaient pas effacé l'équivalent de presque deux saisons complètes en 1994-95, 2004-05 et 2012-13?
« Tout le monde sait que vous ne pouvez rattraper le temps que vous avez perdu et dire : "Oh, oui, j'aurais dû faire cela", a déjà déclaré Jagr. Nous ne saurons jamais ce qui serait arrivé si j'étais resté ici. Peut-être que je ne jouerais plus aujourd'hui, ou peut-être que je serais encore meilleur. C'est difficile à juger. Je ne veux pas le faire en ce moment. J'ai simplement fait ce qui semblait être le mieux pour moi dans cette situation. D'un côté, cela m'a aidé, car j'ai pu me regrouper mentalement. Ce fut un changement. J'avais probablement besoin d'un changement. J'ai joué moins de parties là-bas. Je jouais dans une ligue différente. Lorsque je suis revenu, j'étais probablement plus excité mentalement à propos de la LNH. »
Les points sont un produit du talent ainsi que de la longévité, de l'évolution et de la passion, ainsi qu'un reflet de ces trois facteurs. L'important est de jouer, d'aimer ce que vous faites chaque jour et de voir où cela va vous mener. Pour Jagr, cela l'a mené à 1887 points, avec d'autres à venir.
« Vous jouez [tant et aussi longtemps] que vous aimez ce sport, que vous voulez être associé à lui, a mentionné Jagr un jour. Je dirais que c'est comme un mariage. Auriez-vous imaginé que vous resteriez avec votre épouse aussi longtemps? Et bien, vous l'aimez. Vous allez demeurer avec elle le plus longtemps possible. […] C'est la même chose avec le hockey pour moi. J'aime tout simplement ce sport. »