Les données publiées par le site Hockey-Reference nous permettent de bien le voir. Ce site propose en effet une version « ajustée » des buts et passes cumulés par les joueurs au fil de l'histoire de la ligue. Cette formule d'ajustement tient compte du débit offensif de la ligue à une époque donnée et normalise ainsi la production de chaque joueur.
Au terme de sa 12e saison, Maurice Richard a 384 buts à sa fiche en 657 matchs. Parce que les saisons sont plus courtes et parce qu'il a souvent été blessé, le Rocket accuse un retard notable sur le Tsar, même après ajustement. Ajusté à l'époque, il a obtenu 455 buts.
Les 544 buts d'Ovechkin se transposent quant à eux en un total ahurissant de 648 buts après ajustement à l'époque. On l'oublie trop souvent, mais les progrès incroyables des gardiens de but ont complètement chamboulé la donne depuis 20 ans. C'est un fait qui n'est pas encore totalement accepté de nombre d'observateurs
À titre de référence, Gordie Howe obtient 489 buts ajustés lors de ses 12 premières saisons, un total qui monte à 529 si on tient compte de ses saisons jouées aux mêmes âges qu'Ovechkin et Richard, soit entre 20 et 32 ans. Si on fait glisser la fenêtre de 12 ans sur l'ensemble de sa carrière dans la LNH, Howe va chercher un sommet de 537 buts entre 21 et 32 ans.
En fait, en observant la liste des joueurs ayant obtenu le plus de buts au cours de leurs 12 premières saisons, seul Wayne Gretzky s'approche d'Ovechkin. À ses 12 premières saisons, la Merveille obtient un total ajusté de 579 buts. Lorsqu'on fait glisser la fenêtre de 12 saisons au fil de sa carrière, ce total se maintient au-delà des 500 buts pour trois autres années, une extraordinaire démonstration de longévité pour un joueur qu'on a toujours (à raison) vanté pour ses talents de fabricant de jeux.
Mario Lemieux va lui aussi passer la barre des 500 buts ajustés pendant 12 saisons, atteignant son sommet entre ses deuxième et treizième saisons, avec 535 buts ajustés.
Brett Hull arrive dans la LNH à 22 ans et ne joue alors que cinq matchs. Il y a lieu de se demander s'il n'aurait pas pu faire concurrence à Ovechkin si on lui avait donné sa chance quelques années plus tôt. On peut faire glisser la fenêtre de 12 saisons jusqu'à sa 17e campagne sans que le total ne tombe sous les 500 buts ajustés. Entre 1989-90 et 1999-2000, il atteint un sommet de 570 buts ajustés.
Je ne sais pas si Ovechkin sera capable de tenir le rythme encore longtemps. Sa moyenne de tirs par match oscille autour de quatre tirs, alors qu'il affiche une moyenne de cinq tirs en carrière. Mais il continue à obtenir ses buts en avantage numérique, et l'unité d'attaque à cinq des Capitals continue (selon Corsica.Hockey) à obtenir environ 25 chances de marquer par heure jouée, un score qui les place confortablement dans le premier tiers de la LNH. Reste que ses huit buts obtenus dans cette situation à la mi-saison se transposeraient en son plus faible total depuis la saison 2011-12. Son compère de toujours Nicklas Backstrom, est lui aussi encore au sommet de son art et Evgeny Kuznetsov semble plus qu'apte à prendre sa relève comme fabricant de jeux attitré au Tsar si, d'aventure, le Suédois était appelé à connaître une baisse de régime.
Mais, peu importe ce qu'il fera à l'avenir et au-delà de ce qu'on peut légitimement trouver à redire sur ces formules d'ajustement historique, il est désormais clair qu'Ovechkin peut déjà, à 31 ans à peine sonnés, légitimement prétendre être le meilleur buteur de l'histoire de la ligue. Reste à voir jusqu'où il saura repousser les limites de ce qu'on croyait possible.