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La Coupe du monde de hockey s'amorce bientôt et, comme dans tous les tournois du type depuis plus d'une décennie, le Canada formera encore une fois l'équipe à battre. Si on donne aujourd'hui d'emblée ce statut aux porteurs de l'unifolié, c'est en grande partie l'œuvre d'une génération de joueurs qui, d'ici aux Jeux olympiques de 2018, va chercher à consolider son statut de dynastie. On l'appelle, ici et là, la génération en or.
Le Canada a eu quelques épisodes de domination complète au Championnat mondial junior de la FIHG. Le plus remarquable reste cette séquence de huit médailles en dix ans, entre 1988 et 1997. Cependant, en 1998, Équipe Canada junior rate le podium et rafle ensuite quatre fois l'argent et deux fois le bronze lors des six tournois suivants. De 2005 à 2009, les Canadiens collent cinq médailles d'or, battant les Russes trois fois, puis les Suédois deux fois. Le groupe de joueurs au cœur de cette séquence mérite pleinement le titre de « génération en or ». Nés entre 1985 et 1990, ils ont été au cœur de deux médailles d'or olympiques et touché à la Coupe Stanley presque chaque année depuis 2006. On oublie souvent qu'Andrew Ladd était de l'alignement des Hurricanes de la Caroline lors de leur marche vers la Coupe, et seuls les Red Wings de 2008 ne comptaient pas de membre de cette génération dans leurs rangs.

Lorsqu'on additionne médailles et conquêtes de la Coupe Stanley, on constate que 13 des membres de l'édition actuelle d'Équipe Canada en vue de la Coupe du monde font partie de cette génération ayant gagné une médaille du championnat junior entre 2005 et 2009. Pour faire bonne mesure, six autres joueurs de l'équipe ont (tout de même) gagné une médaille olympique ou une Stanley.

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En fait, c'est assez simple : de l'édition actuelle de l'équipe canadienne, seuls Logan Couture, Brent Burns, et Braden Holtby n'ont « rien gagné ». Comme bouche-trous, on a vu pire…
Les aînés de cette génération arrivent graduellement sur la pente descendante de leur carrière. On voit, déjà, un peu les effets de l'âge sur certains des noms les plus connus du groupe. Outre Jeff Carter, un des meneurs de la classe de 1985, certains « grands frères » ont aussi dû passer leur tour. Duncan Keith soigne encore une blessure au genou de la saison dernière, alors que Chris Kunitz, qui arrive à 37 ans, n'est tout simplement plus considéré. Kunitz, s'il est plus vieux, a été un témoin privilégié de la progression de cette génération. Après avoir accompagné Ryan Getzlaf et Corey Perry lors de leur conquête de la Coupe Stanley en 2006, il fait de même à deux reprises à Pittsburgh avec Sidney Crosby, en plus de participer aux médailles d'or de 2010 et 2014. Il semble bien qu'on ait désormais décidé de donner son rôle à Brad Marchand.
Ce changement de garde qui pointe tranquillement à l'horizon n'est pas le seul élément qui inscrit ce tournoi comme nouveau chapitre d'une histoire qui dure depuis un moment déjà. Les plus formidables adversaires de l'équipe canadienne dans ce tournoi font depuis un bon moment déjà office de souffre-douleurs et certains d'entre eux semblent bien positionnés pour prendre leur revanche.
L'équipe américaine en est une. Erik et Jack Johnson, Patrick Kane, James van Riemsdyk, Kyle Okposo, Max Pacioretty ont tous été vaincus par cette génération en or depuis les rangs juniors jusqu'aux Jeux olympiques, tombant chaque fois à court. Ce n'est qu'à partir de 2010 que les États-Unis reprennent le dessus au niveau junior (et une autre fois en 2013), et en 2010 comme 2014, l'équipe américaine olympique a vu ses espoirs de médaille d'or (une fois en finale, l'autre en demi-finale) s'estomper devant la puissance canadienne. Je ne sais pas jusqu'à quel point les Américains ont cette fois-ci les bons ingrédients pour traverser les Canadiens, mais ils sont nombreux, dans cette équipe, à trouver dans près d'une décennie d'amères défaites et d'espoirs déçus une source de motivation non négligeable.
Il en est de même pour l'équipe russe. S'ils ont systématiquement déçu aux Jeux olympiques, on oublie que les Russes ont, depuis l'émergence d'Evgeni Malkin et Alex Ovechkin, été les principaux rivaux du Canada lors des premières années juniors de cette génération, en 2005, 2006 et 2007, les Russes sont vaincus par le Canada lors du match de la médaille d'or, pour ensuite se « contenter » du bronze en 2008 et 2009. Ils profiteront à leur tour de la baisse de régime des juniors canadiens pour rafler l'or en 2011. Cette équipe championne a mûri et donné quelques talents remarquables à la formation russe actuelle : Artemi Panarin, Vladimir Tarasenko Evgeny Kuznetsov et Dmitry Orlov.
Autres adversaires de longue date, les Suédois semblent cette fois-ci avoir réuni les éléments nécessaires pour donner du fil à retordre à quiconque les affrontera dans ce tournoi. Pour Henrik Lundqvist, d'abord, la motivation doit être particulièrement grande. King Henrik, extraordinairement dominant depuis 10 ans, n'en finit plus depuis quelques saisons de se casser les dents sur cette fameuse génération en or. En 2013, ses Rangers se font sortir en demi-finale par les Bruins de Patrice Bergeron. En 2014? Il perd le match de la médaille d'or à Sotchi contre l'équipe canadienne et, quelques mois plus tard, regarde Jeff Carter et Drew Doughty parader sous son nez avec la coupe Stanley. En 2015, le Lightning de Steven Stamkos arrête la course des Rangers en finale d'association. Et en 2016, les Penguins de Crosby étouffent ces mêmes Rangers dès la première ronde, en route vers la Coupe. Le roi Henrik est encore, à 34 ans, au sommet de son art, mais le temps passe vite. Bâtie autour d'un groupe de joueurs qui a talonné la génération en or aux tournois juniors de 2008 et 2009, ainsi que d'une nouvelle génération qui pousse autour des médaillés d'or de 2012 (Filip Forsberg et Rickard Rakell ont fait le club et je demeure surpris de l'absence de John Klingberg), les Suédois ont un club complet, appuyé sur un gardien destiné au Temple de la renommée qui voit probablement dans ce tournoi une de ses dernières chances de remettre la monnaie de leur pièce à ceux qui, depuis un bon moment déjà, ont pris l'habitude de le vaincre en route vers les grands honneurs. La table est mise.