« Je ne sais pas s’il y a un jeu plus difficile à faire au hockey que celui qu’il vient de réaliser », a dit son coéquipier Mattias Ekholm.
À vitesse réelle, c’est presque flou. Le match est égal, les Oilers sont en avantage numérique. McDavid envoie un joueur adverse du mauvais côté, il en contourne un autre et il remet la rondelle de la gauche vers la droite à l’attaquant Leon Draisaitl, qui marque sur réception pour faire 3-2 Edmonton à 12:37.
Jack Michaels, le descripteur des matchs des Oilers, a mentionné que ses paroles n’arrivent pas à suivre la vitesse de McDavid.
« J’ai appris au fil des années que moins, c’est plus, a affirmé Michaels. Si tu essaies d’utiliser un superlatif que tu juges approprié, tu ne rends quand même pas justice au moment. Il vaut donc mieux se concentrer sur les détails, puis recréer – ou du moins essayer de recréer. »
Justement, tentons de récréer ce jeu au ralenti.
McDavid reçoit une passe de Draisaitl au haut du cercle gauche. Il feinte de la tête le joueur de centre Aleksander Barkov, qui a remporté le trophée Selke à titre de meilleur attaquant défensif de la LNH cette saison pour la troisième fois de sa carrière.
Barkov se lance d’un côté, et McDavid va de l’autre en coupant derrière lui au cercle gauche. Barkov tourne sur lui-même, mais la rondelle bouge toujours. Aaron Ekblad, un vétéran défenseur de 6 pieds 4 pouces, allonge alors son bâton pour couper le jeu, puis McDavid sort un autre lapin de son chapeau.
« Il n’utilise pas très souvent la feinte où tu tires brusquement la rondelle vers toi (curl and drag), car ça ne fonctionne pas vraiment dans cette ligue », a expliqué Jackson.
McDavid évite le bâton d’Ekblad de cette façon et place la rondelle bien à plat sur la glace en prenant à droite entre Ekblad et Barkov, à l’extrémité du cercle gauche.
« Parfois, quand il feinte et te met dans l’embarras, et que la rondelle bondit un peu, c’est là que les joueurs adverses pensent avoir une chance d’attaquer », a souligné l’attaquant des Oilers Connor Brown. « Et c’est justement à ce moment-là qu’il cherche à exploiter les failles chez les joueurs. »
McDavid envoie la rondelle entre le joueur de centre Anton Lundell et le défenseur Gustav Forsling jusque sur la lame du bâton de Draisaitl au bas du cercle droit. Draisaitl trouve le fond d’une cage béante, alors que Sergei Bobrovsky s’étire latéralement, en vain, et tombe sur le ventre.
Jackson mentionne souvent que McDavid a un meilleur GPS que quiconque sur la glace.
« La passe traverse un joueur et aboutit directement sur la lame du bâton de Leon, de façon à ce qu’il puisse immédiatement décocher, a dit Jackson. Au final, c’est sa capacité à analyser le jeu qui fait la différence, car tout se déroule d’un coup. Il attire la rondelle vers lui, il voit où est Leon, il repère le défenseur et son bâton, et du point de vue du timing, tout doit être parfait.
« Je ne sais pas comment il fait ça. C’est presque sensoriel, et tout est une question de timing. »
Alors, comment a-t-il fait?
Après l’entraînement d’Edmonton dimanche, McDavid s’est fait demander ce qu’il dirait à un enfant qui se pose cette même question. Il n’aime pas parler de lui et n’a pas dit grand-chose, mais peut-être qu’après tout, il n’y a pas de réponse.
« Beaucoup de choses entrent en ligne de compte, a répondu McDavid. Je ne sais pas. »
Il s’est mis à rire.
« Sérieusement, je ne sais pas, a-t-il ajouté. Je ne sais pas quoi répondre à ça. »
Assis à la droite de McDavid au podium, Draisaitl a tenté une réponse.
« Tu ne peux pas apprendre ça », a-t-il lancé, provoquant les rires.
C’est facile de dire que le jeu a été le produit d’un talent élite peaufiné par des années de perfectionnement des habiletés. C’est facile de dire que c’est McDavid qui fait du grand McDavid.
Mais personne ne devrait tenir ça pour acquis. McDavid est unique et il a réussi ce jeu contre de la compétition de haut calibre en finale.
« Je suis peut-être coupable de minimiser ses exploits – probablement plus que quiconque dans les médias – car je suis devenu habitué, a dit Michaels. Ce qui ajoute au jeu de McDavid, c’est le contexte et les joueurs contre qui il l’a réussi.
« Ce n’est pas seulement contre Barkov et Ekblad. Il l'a fait dans une série de championnat disputée à un niveau excessivement élevé. »
Le temps d’un jeu, la finale a ressemblé à du hockey junior.
« Je fais des blagues à ce sujet, mais à Erie, il faisait tout le temps ça », a raconté Brown, qui a également joué avec McDavid chez les Otters d’Erie, dans la Ligue de hockey de l’Ontario, de 2012 à 2014. « Je le vois tout le temps à l’entraînement et dans les matchs. C’est génial que le monde au complet en soit témoin sur la plus grande scène. »