Marc-André Fleury avait encore toute l'insouciance et la naïveté d'un jeune homme de 22 ans qui tente de faire sa marque dans la LNH quand il a lancé une phrase qui prend désormais tout son sens.
« Si je peux réussir à faire la moitié de ce qu'il a accompli au cours de sa carrière, je pense que ce serait super », avait alors lancé le gardien des Penguins de Pittsburgh au sujet de Martin Brodeur, son homologue des Devils du New Jersey.
Brodeur accueille Fleury dans la « famille »
Les quatre gardiens les plus victorieux de l'histoire de la LNH sont désormais québécois

C'était en février 2007, plus de deux ans avant que Brodeur ne surpasse Patrick Roy et devienne le gardien le plus victorieux de l'histoire de la LNH en signant sa 552e victoire - une marque qu'il a repoussée à 691 jusqu'à sa retraite au cours de la saison 2014-15.
Avance rapide, 14 ans plus tard. Grâce à un gain de 6-2 des Golden Knights de Vegas face aux Kings de Los Angeles, mercredi, voilà que Fleury s'est emparé seul du quatrième rang de l'histoire pour les victoires (485) rejoignant du même coup ses compatriotes Brodeur, Roy (551) et Roberto Luongo (489) dans ce club sélect entièrement québécois.
Un groupe dans lequel il sera accueilli avec grand plaisir par son idole de jeunesse.
« C'est pas mal spécial de voir ça, on peut être fiers de ce qu'on a tous accompli. Comme athlète, tu joues pour ton équipe et pour toi, mais tu essaies aussi de laisser une marque et d'inspirer les autres », a lancé Brodeur en entrevue téléphonique avec LNH.com
« En grandissant et en commençant ma carrière, moi je regardais Patrick. J'analysais la façon dont il jouait et la constance qu'il affichait dans ses performances chaque année. C'est toujours plaisant quand quelqu'un connaît du succès, surtout quand c'est quelqu'un comme Marc-André qui essaie de répéter ce que j'ai fait. »
Maintenant âgé de 36 ans, on peut dire que Fleury a respecté les attentes qu'il s'était fixées à l'époque. Et plus encore. Il devrait en principe se hisser au troisième rang, devant Luongo, d'ici la fin de la présente saison et il est désormais à 66 victoires de la marque de Roy.

« C'est un honneur. On dirait que je n'y crois pas encore vraiment, a commenté le principal intéressé après sa 485e victoire. Martin et Patrick ont été mes idoles en grandissant et ils ont dicté la façon dont je joue aujourd'hui. Je me souviens du harponnage de Brodeur et du papillon de Roy. J'ai aussi suivi Roberto durant ses années juniors et j'ai eu la chance de jouer contre lui pendant quelques années.
« Je ne sais pas (si la marque de Roy est atteignable). Chaque match que je joue, j'essaie de gagner juste parce que c'est plus le fun. Ce n'est pas pour rattraper quelqu'un. C'est sûr qu'il me reste moins d'années devant qu'il y en a derrière. J'essaie de profiter de chaque moment. Mais d'en avoir quelques-unes de plus, ce serait plaisant. »
Ce ne sera évidemment pas une mince affaire compte tenu de son âge et du rôle un peu plus limité qui lui est confié à Vegas. Ce n'est toutefois pas impossible. S'il joue jusqu'à 42 ans - comme l'a fait Brodeur - ça lui laisse encore six autres saisons pour gravir peu à peu les échelons.
Au stade de sa carrière et avec tous les obstacles qui se sont dressés sur son chemin ses dernières années, qui oserait parier contre ses chances d'y parvenir? Il a quand même fait fi de la perte de son poste de partant à Pittsburgh et à Vegas, lors des dernières séries, pour revenir au sommet de la LNH cette saison.
« Marc-André, c'est une véritable leçon de détermination, et tout va avec sa personnalité, a vanté Brodeur, qui a été son coéquipier lors des Jeux olympiques de 2010. Les bonnes choses arrivent aux bonnes personnes. Il a toujours le sourire accroché au visage et c'est la seule manière de passer à travers ce qu'il a vécu. »
On sait qu'il a la résilience et le talent nécessaire pour connaître encore de bonnes campagnes. Là n'est pas la question. Reste à savoir s'il tombera éventuellement dans la fontaine de Jouvence ou bien s'il découvrira le secret de la longévité. À ce sujet, Brodeur n'a pas hésité à partager quelques conseils à son jeune poursuivant.
« C'est de rester jeune, a-t-il lancé en rigolant. Quand tu commences à vieillir, tu vois les jeunes arriver autour de toi et tu te demandes ce que tu fais là. C'est vraiment l'amour du sport et la capacité d'adaptation qui fait la différence. J'ai joué dans ma vingtaine, dans ma trentaine et dans ma quarantaine. Le jeu a changé énormément.
« L'aspect que j'ai trouvé le plus difficile, ç'a été d'ajuster mon style de jeu à travers les années. J'ai dû travailler fort pour apprivoiser la nouvelle game et les nouvelles techniques. C'est une question de volonté. On a tous le talent, il faut simplement être prêt à faire les sacrifices pour y arriver. »
Le dernier des Mohicans
Maintenant que Fleury a en quelque sorte bouclé la boucle entamée par Roy, il y a plus de trois décennies, on peut se demander qui sera le prochain gardien à menacer le record de Brodeur - et même les marques respectives des autres membres du quatuor fleurdelisé.
Sur la touche depuis le début de la saison en raison d'une opération à cœur ouvert, Henrik Lundqvist est le seul autre joueur actif présent dans le top-10. À 39 ans, le cerbère des Capitals de Washington pointe au sixième rang sur la liste grâce à ses 459 victoires.
Avec les systèmes d'alternance de plus en plus en vogue devant les filets de la LNH et la grande parité qui existe entre les équipes, l'époque des gardiens qui amorcent 70 matchs par saison et celle des grandes dynasties est assurément révolue. Bien installé sur son trône, Brodeur peut donc dormir sur ses deux oreilles.
« Ça va être dur pour un gardien de reproduire ça avec la réalité actuelle, a reconnu le membre du Temple de la renommée. Marc-André a eu la chance de jouer beaucoup de matchs à ses premières années. Il n'y a plus beaucoup de gardiens qui vont disputer 60 ou 65 matchs par saison dans des équipes dominantes année après année.
« Je lui souhaite quand même. Après tout, les records sont faits pour être battus. J'étais fier de battre et d'améliorer le record de Patrick. Il a encore beaucoup de chemin à faire, mais juste le fait qu'on en parle est un exploit en soit. S'il y arrive, ça va rester dans la famille québécoise de toute façon! »

















