Bergeron Chara badge Chaumont

MONTRÉAL – Patrice Bergeron a connu Zdeno Chara, le défenseur qui fera son entrée au Temple de la renommée du hockey lundi soir prochain à Toronto. Mais il a aussi découvert l’homme fascinant qui se cache sous cette charpente de géant.

Toujours à Boston depuis qu’il a accroché ses patins à la fin de la saison 2022-23, Bergeron a interrompu sa routine matinale pour répondre en moins de cinq minutes à un message texte.

« Quand j’ai vu que tu souhaitais me parler de “Z” et de son entrée au Temple, je n’avais pas le choix de trouver du temps rapidement », a dit Bergeron en retournant l’appel du représentant de LNH.com le matin du mercredi 22 octobre.

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Bergeron savait que son grand ami finirait par obtenir l’ultime reconnaissance avec une place parmi les immortels du hockey.

« Il n’y avait aucune surprise, a affirmé Bergeron. Pour moi, c’était une question de temps avant de le voir entrer au Temple. Je me disais qu’il méritait d’y arriver dès sa première année d’admissibilité. Et c’est exactement ça. Il a accompli tellement de choses dans la LNH.

« Z était un grand leader, un grand défenseur et il a aussi connu du succès sur la scène internationale. Si je ne me trompe pas, il détient le record pour le plus grand nombre de matchs joués par un défenseur (1680). Il a aussi révolutionné sa position avec son style de jeu. Il pouvait tout faire sur une glace. Il était bon défensivement, mais aussi offensivement avec son puissant tir. Il avait également une présence imposante avec son gabarit. Z était un pilier pour les Bruins. »

Coéquipiers pendant 14 saisons avec les Bruins à Boston, Bergeron et Chara ont développé des liens qui s’étendent bien au-delà du hockey. Ils ont gagné la Coupe Stanley en 2011, mais ils ont aussi connu la douleur d’une défaite en finale à deux reprises (2013 contre les Blackhawks de Chicago et 2019 contre les Blues de St. Louis).

Chara n’a pas obtenu son billet pour le Temple de la renommée du hockey uniquement en raison de son talent brut. Son travail et sa détermination lui ont ouvert les portes.

« Z voulait toujours repousser ses limites. Il n’était jamais satisfait, il cherchait de nouvelles choses pour s’améliorer. Il se donnait des défis, a rappelé Bergeron. Et il le fait encore à la retraite. Ce n’est pas un secret des dieux, mais il s’est lancé dans les marathons et les Ironman. Après une aussi longue carrière dans la LNH, il pourrait relaxer un peu. Il pourrait garder ses pieds sur le pouf du divan. Mais ce n’est pas son style. »

Un personnage unique

À l’intérieur du vestiaire, dans l’avion pour de nombreux voyages ou à table pour des soupers, Bergeron a découvert la véritable personnalité du défenseur de 6 pieds 9 pouces. S’il n’a jamais eu la chance de parler en français avec lui, plusieurs anciens coéquipiers des Bruins l’ont fait dans leur langue maternelle. Chara parle couramment le slovaque, le tchèque, l’anglais et le russe. Il se débrouille également en allemand, en polonais et en suédois.

Quand on parle du côté polyglotte de Chara, Bergeron en profite pour raconter une anecdote savoureuse à son sujet. Mais qui n’a rien à voir avec les langues.

« Il est un homme très intelligent. Il voulait toujours apprendre. On a déjà raconté l’histoire à Boston, mais vers la fin de sa carrière avec les Bruins, il avait subi une blessure à un genou. Les médecins lui avaient parlé d’une absence de quatre à six semaines, de mémoire. Pendant ce temps, il a acquis sa licence pour devenir un agent immobilier. Il a passé ses examens. Il avait meublé son temps perdu en étudiant. Il ajoutait une autre carte à son jeu. »

Les moments mémorables de Chara avec les Bruins

Une autre histoire illustre le côté unique de Chara. Dans son programme estival d’entraînement, il a souvent recréé de véritables étapes du Tour de France.

« Ce n’est pas une légende urbaine, a répliqué le Québécois de 40 ans. Il parcourait des étapes du Tour de France à vélo. Il attendait le passage des cyclistes pour connaître les parcours et il pouvait refaire la même étape une semaine plus tard. Il partait en avion de chez lui et il invitait des amis à le suivre. Il connaissait plusieurs personnes dans le monde du cyclisme. Il avait des amis qui trippaient sur le vélo et qui avaient les capacités pour de longues distances, souvent en montagne. Z se tenait derrière son groupe de cyclistes, mais il suivait. Il se gardait dans le peloton. Ça lui servait de préparation pour sa prochaine saison de hockey. Quand je dis qu’il repoussait les limites, c’est un autre bel exemple.

« Il ne m’a jamais invité à le suivre pour faire une étape du Tour », a-t-il poursuivi en ne pouvant s’empêcher de rire. « J’aurais été vraiment intimidé. Au début de notre amitié à nos premières saisons à Boston, je m’étais entraîné avec lui en Floride. Je voulais apprendre à le connaître puisque nous faisions partie des meneurs avec les Bruins. J’étais renversé par son sérieux à l’entraînement et sa motivation. Il était déjà un des cinq meilleurs défenseurs de la LNH, si ce n’est pas un des trois meilleurs, mais il ne voulait jamais ralentir. Je me suis inspiré de lui. J’avais 22 ou 23 ans quand je l’avais suivi dans son espèce de camp pour m’entraîner. »

Un peu comme Obélix, Chara était tombé dans une espèce de potion magique dans son enfance.

« À 6 pieds 9 pouces, il avait la génétique pour être une force de la nature, a mentionné Bergeron. Mais il a aussi hérité de gènes d’un bon sportif avec son père qui était un lutteur olympique (Zdenek Chara a représenté la Tchécoslovaquie aux Jeux olympiques de Montréal de 1976 en lutte gréco-romaine). Il ne s’est toutefois pas assis sur son bagage naturel. Il n’a jamais accepté un non, il a toujours voulu plus. Il avait un mélange unique pour un joueur de hockey. »

Les valeurs d’un capitaine

Acquis sur le marché des joueurs autonomes à l’été 2006 après quatre saisons avec les Sénateurs d’Ottawa, Chara a joué le rôle de capitaine dès sa première année avec les Bruins. Bergeron, qui a hérité de ce titre lors de la saison 2020-21, était prêt à assumer ses fonctions après le départ de son coéquipier pour les Capitals de Washington.

« J’ai gardé plusieurs valeurs importantes, a-t-il dit. La première chose, c’est le sérieux au travail. Pour la deuxième valeur, je dirais le besoin de guider l’équipe. Tu dois toujours donner l’exemple à tes coéquipiers. Tu ne veux pas d’un capitaine qui tourne les coins ronds. Ton capitaine doit bloquer des tirs, il doit se replier défensivement et il ne doit pas se soucier de son temps de jeu. Le capitaine veut gagner et il doit avoir une énergie contagieuse.

« Z m’a toujours dit qu’il n’y a personne de plus gros que l’objectif principal de l’équipe. Le logo passe toujours avant le nom. J’ai toujours eu cette philosophie. »

S’il a suivi Chara comme capitaine à Boston, Bergeron devrait aussi le suivre dans un avenir rapproché à Toronto au Temple de la renommée. Mais quand on lui parle de cette possibilité, le centre se braque un peu.

« Je n’imaginerai pas ma propre entrée. Je ne pense pas encore à cela, a-t-il répliqué. Je vivrai cette intronisation pour mon ami en faisant le voyage à Toronto. Je suis juste fier de lui. C’est mérité. Mais il est le genre de gars qui restera modeste. Avec son humilité, il dira qu’il rentre au Temple grâce à ses coéquipiers. C’est important pour nous de lui rappeler qu’il a sa place. »