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La cérémonie d’intronisation 2025 du Temple de la renommée aura lieu le 10 novembre. La cuvée de cette année inclut Jennifer Botterill, Zdeno Chara, Brianna Decker, Duncan Keith, Alexander Mogilny et Joe Thornton, ainsi que Jack Parker et Danièle Sauvageau dans la catégorie des bâtisseurs. Aujourd’hui, la journaliste de NHL.com Mike Zeisberger dresse le portrait de Thornton.

ST. THOMAS, Ontario – La distance entre St. Thomas, en Ontario, et le Temple de la renommée du hockey, situé au centre-ville de Toronto, est d'environ 204 km.

Pour Joe Thornton, la fierté locale, le chemin vers son intronisation au Panthéon a été un parcours mouvementé et merveilleux, ponctué de longues barbes et de savantes passes, et un nombre presque incalculable de points, de farces et d'anecdotes, le tout avec un panache et une touche d'originalité qui ont fait de lui l'une des plus grandes personnalités du sport de son époque.

Le seul qualificatif qu'il est impossible d'associer à son parcours, c'est ennuyeux. Car Joe Thornton est tout sauf cela.

« C'est comme ça qu'il est. C'est un personnage plus grand que nature », a résumé Patrick Marleau, son coéquipier de longue date chez les Sharks de San Jose, son ami et confident.

Il suffit de venir à St. Thomas pour comprendre à quel point cette description lui correspond parfaitement.

Perchée sur une falaise surplombant la ville, à seulement trois kilomètres de la maison où il a grandi et où ses parents vivent toujours, se trouve une statue de Jumbo l'éléphant, l'une des figures les plus emblématiques de l'histoire de cette collectivité et qui a inspiré le surnom « Jumbo » de Thornton.

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Le 18 septembre 1885, Jumbo l'éléphant, qui était en tournée dans la ville avec le cirque Barnum & Bailey, était ramené à son wagon lorsqu'il a été percuté et tué par un train de marchandises.

P.T. Barnum avait estimé que Jumbo mesurait 4 mètres de haut. Thornton, qui mesure 1,93 mètre, est peut-être deux fois plus petit, mais il partage la même caractéristique que Jumbo : celle d'être un « personnage plus grand que nature », pour reprendre les mots exacts de Marleau.

En 1985, 100 ans après la mort tragique de Jumbo, la ville de St. Thomas a autorisé l'installation d'une statue en sa mémoire. Thornton a passé une partie de son enfance dans l'ombre de cette statue. D'où son surnom.

Aujourd'hui, 40 ans après l'érection de la statue, Jumbo, le joueur de hockey, aura droit à son propre monument commémoratif, qui prendra la forme d'une plaque dans le légendaire Grand Hall du Temple de la renommée du hockey en tant que membre de la cuvée 2025.

Et on peut compter sur Thornton pour réagir à la nouvelle de son intronisation avec son style toujours coloré et direct.

Ses statistiques prouvent sans conteste qu'il mérite amplement cet honneur, avec 1714 matchs disputés en saison régulière entre 1997 et 2022 avec les Bruins de Boston, les Sharks de San Jose, les Maple Leafs de Toronto et les Panthers de la Floride. Il se classe au sixième rang de tous les temps pour le nombre de matchs, au 14e pour les points (1539) et au septième pour les mentions d'aide (1109). En 2005-06, saison au cours de laquelle il a été échangé par Boston à San Jose dans une transaction majeure, il a remporté le trophée Art-Ross à titre de meilleur marqueur de la Ligue avec 125 points (29 buts, 96 passes) et a mis la main sur le trophée Hart à titre de joueur le plus utile de la LNH.

Il n'a jamais réussi à remporter cette insaisissable Coupe Stanley qu'il convoitait tant, atteignant la finale en 2016 avant de s'incliner en six matchs face aux Penguins de Pittsburgh. Il a toutefois fait partie de l'équipe canadienne médaillée d'or aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, un moment qu'il considère comme l'un des plus marquants de sa carrière.

Tout au long de sa carrière, il a démontré le brio et le talent unique qui le caractérisaient et le caractérisent encore aujourd'hui.

Ce fut certainement le cas le 24 juin lorsque Ron Francis, président du comité d'intronisation au Temple de la renommée du hockey, et Lanny McDonald, président sortant, l'ont appelé pour lui annoncer qu'il avait été élu.

« Oh (censuré), Ron! » a répondu Thornton avec joie. « Bon sang. Bon sang. Bon sang, les gars. Oh mon Dieu. Je tremble. Merci, les gars. Bon sang. C'est incroyable. »

On peut affirmer sans risque de se tromper qu'il n'y a jamais eu une telle réaction à un appel d'intronisation.

Mais il n'y a jamais eu non plus de personnalité comme Jumbo Joe au Temple de la renommée.

* * * *

Il y a tout d’abord sa barbe caractéristique. Sa carte de visite, en quelque sorte.

Il l’a arboré pour la première fois en 2015-16. Il avait déjà porté la barbe auparavant, certes, mais jamais une de cette longueur et de cette densité, avec cette couleur poivre et sel qui lui donnait toute sa beauté.

Lorsque l’auteur de ces lignes lui a posé une question au sujet de sa barbe au cours de la journée des médias en marge de la finale de la Coupe Stanley 2016, il a éclaté de rire et a déclaré : « Mon chat l’adore. Mon épouse, pas tellement. »

Comme il porte encore cette barbe aujourd’hui, il semblerait que son épouse Tabea ait changé son fusil d’épaule depuis.

Mais cette barbe, comme son propriétaire, a vécu quelques aventures.

Le 4 janvier 2018, Nazem Kadri, qui évolue alors pour les Maple Leafs de Toronto, en arrache un morceau au cours d’une bagarre avec Thornton. L’attaquant des Maple Leafs a plus tard déclaré : « Je pensais que j’étais un joueur de hockey, pas un barbier. »

« C’était quelque chose », avait lancé en riant celui qui était l’entraîneur des Sharks à l’époque, Pete DeBoer. « J’ai vu beaucoup de choses en plus de 25 ans comme entraîneur, mais je n’avais encore jamais vu une touffe de barbe sur la glace auparavant. »

La touffe de poils a rapidement été ramassée et placée dans un sac Ziplock avec l’étiquette « Pour les gars ».

Au cours de ce processus, une tendance a émergé.

Selon Marleau, les Sharks ont tenté au cours d’une année de prendre une touffe de leurs cheveux et de la placer dans un sac chaque fois qu’ils remportaient un match des séries alors qu’ils tentaient de remporter la Coupe. Il s’agissait d’un moyen de suivre leur progression à mesure qu’ils se rapprochaient de leur objectif. Et, comme Marleau l’a confirmé, cette idée portait la signature de Thornton.

Tout comme la fois où, à la fête de Noël des Sharks, les joueurs ont procédé à un échange de cadeaux. « Je ne me souviens plus de quel défenseur il s’agissait, a raconté Marleau, mais je me souviens que Joe lui avait donné un cône. »

L’évocation de ce souvenir a poussé Marleau à éclater de rire. Il s’agit d’une réaction qui a aussi été observée chez plusieurs anciens entraîneurs et coéquipiers lorsqu’il leur a été demandé de revenir sur la carrière colorée qui a mené Thornton au Temple de la renommée.

« Je me souviens avoir dirigé Joe et Patrick Marleau avec le Canada au tournoi des moins de 18 ans en 1995-96, s’est remémoré DeBoer. Nous avions une journée de congé, et l’équipe est allée faire de canot sur un lac de la région. Le lendemain, nous avons reçu un appel qui nous disait que le canot que Joe avait utilisé était tout endommagé. Qui sait ce qui est arrivé?

« Avec Joe, ce n’est jamais ennuyeux. Par exemple, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui était nu plus souvent que lui. »

Pardon?

« Voici un exemple, a poursuivi DeBoer. Je me souviens qu’au cours de la finale de la Coupe Stanley de 2016, Brent Burns et lui marchaient dans la ville de Pittsburgh sans chandail, comme si de rien n’était. Et rappelez-vous toutes les entrevues qu’il a données sans chandail. »

Aujourd’hui, William Nylander se présente souvent devant les médias torse nu. L’attaquant des Maple Leafs a admis la semaine dernière qu’il s’agissait d’une habitude qu’il avait empruntée à Thornton, qui avait lancé cette tendance quelques années auparavant.

« C’est parce que quand vous êtes sexy comme nous, il faut le montrer », a rétorqué Thornton lorsqu’il a été mis au courant qu’il était l’inspiration du choix de Nylander de faire l’impasse sur son chandail.

« C’est lui qui m’a enseigné ça », a ricané Nylander lorsque les propos de Thornton lui ont été rapportés. « Il a montré la voie, alors je me suis dit que je pourrais le suivre.

« Il est unique. J’ai tellement de bons souvenirs de l’époque où je jouais avec lui et où j’apprenais à la connaître. C’est super qu’il soit intronisé au Temple. J’ai tellement de bons souvenirs. »

L’entraîneur des Red Wings de Detroit Todd McLellan, qui a dirigé Thornton avec San Jose entre 2008 et 2015, a fait écho à ces sentiments, même s’il a refusé de se mouiller lorsqu’il lui a été demandé de raconter certaines des anecdotes les plus, disons farfelues de Jumbo.

« Il y a eu plusieurs épisodes, a admis McLellan. Mais si je vous le disais, je risquerais de mourir demain. Tout ce que je peux vous dire, c’est que les joueurs peuvent donner leurs entrevues torse nu, mais pas les entraîneurs. Nous gardons nos chandails.

« Plus sérieusement, ce que je peux dire au sujet de Joe, c’est que sa passion envers le hockey est aussi de taille jumbo. Sa capacité à influencer un match était aussi jumbo, tout comme sa personnalité et son impact sur le hockey à San Jose. »

À un point tel que samedi dernier, la ville de San Jose a annoncé que le 23 novembre allait être la « Journée Joe Thornton », soit le jour où les Sharks vont retirer son numéro 19. Au cours de la conférence de presse où cette annonce a été faite, le maire de San Jose, Matt Mahan, a raconté qu’il avait été demandé à certains des anciens coéquipiers de Thornton de le décrire en un mot. Parmi les trois réponses les plus populaires, on retrouvait « légende », « icône » et, bien sûr, « barbe ».

Thornton a ensuite offert sa propre réponse, le type de réponse que seul Jumbo Joe peut offrir.

« J’aurais probablement utilisé le mot “sexy”, monsieur le maire », a-t-il lancé.

Évidemment que c’est ce qu’il aurait fait.

Après tout, il est Jumbo Joe.

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À la base, derrière les rires, les blagues et sa joie de vivre enfantine, Jumbo est un homme de famille, un trait dont il a hérité de ses parents Mary et Wayne.

Le domicile de Wayne et Mary à St. Thomas est un temple dédié à leurs enfants, rempli de trophées, de chandails de hockey, et de tout ce dont vous pouvez penser. Il y a un jeu de shuffleboard de table personnalisé aux couleurs des Bruins au sous-sol, en l’honneur de Joe, sélectionné au tout premier rang par Boston au repêchage 1997, où figurent les autographes authentiques de membres du Temple de la renommée comme Bobby Orr et Phil Esposito. Des dizaines de chandails qu’a portés Joe dans la LNH ou dans le junior se trouvent partout où vous posez le regard, tout comme des articles de journaux écrits au cours des trois dernières décennies. Ils ont même une figurine de terre cuite où pousse des plants de Chia (Chia Pet) à l’image de « Jumbo » Joe Thornton. Nylander a trouvé cet item hilarant lorsqu’il a vu une photo de l’objet en question.

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Wayne et Mary sont devenus eux aussi des légendes dans le monde du hockey en parcourant toute l’Amérique du Nord en voiture afin d’aller voir les matchs de Joe. Plutôt que de prendre l’avion et de demeurer dans des hôtels, ils sautent dans leur caravane et font le trajet entre les villes, et dorment à l’arrière dans le cadre de leurs aventures.

Une fois, lorsqu’un responsable des Bruins a appris que Wayne allait dormir dans sa caravane à l’extérieur de l’aréna après un match, il a offert au père de Jumbo de venir dormir chez lui.

Cette personne, c’était le membre du Temple de la renommée Bobby Orr.

Wayne a poliment décliné l’offre. Il aimait beaucoup trop son aventure.

Tel père, tel fils.

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Aujourd’hui, Thornton est marié et a deux enfants, une fille de 15 ans, Ayla, et un fils de 12 ans, River. Ils hébergent aussi, pour une deuxième saison consécutive, l’attaquant de 19 ans des Sharks Macklin Celebrini, le premier choix au total du repêchage 2024.

« Il est toujours tellement positif, tellement de bonne humeur, a louangé Celebrini. Il ne connaît jamais de mauvaise journée. »

McLellan a noté que Thornton avait toujours agi ainsi, à titre de mentor avec les jeunes joueurs des Sharks lorsqu’il jouait au sein de l’organisation. Il les emmenait manger et leur offrait des conseils chaque fois que c’était possible. Il a fait de même lors de sa seule saison avec les Maple Leafs en 2020-21, et il a eu un tel impact sur Auston Matthews que le capitaine de Toronto a choisi Jumbo afin de l’accompagner au cours du voyage de l’équipe réservé aux mentors la saison dernière.

« Nous sommes proches. Nous nous parlons tout le temps, a avoué Matthews. J’ai le sentiment qu’il est le mentor de tout le monde ici. »

L’été dernier, Thornton a passé du temps sur les terrains de golf de l’Arizona avec Matthews et a rendu visite à son ancien coéquipier des Maple Leafs Mitch Marner à Muskoka, en Ontario.

Et sous peu, l’homme que tout le monde connaît sous le pseudonyme de Jumbo sera intronisé au Temple de la renommée du hockey, le plus grand honneur pour un joueur de hockey.

« C’est difficile à croire », a admis Thornton.

Pas pour tous ceux qu’il a touchés.

Et jusqu’à ce qu’un Temple de la renommée de la personnalité voit le jour, le Temple du hockey représente l’endroit parfait pour ce personnage plus grand que nature connu sous le sobriquet de Jumbo.