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Philippe Boucher a disputé 17 saisons dans la LNH, récoltant 94 buts et 300 points en 748 matchs. Le défenseur natif de Saint-Apollinaire a notamment connu deux saisons de 40 points et plus. Il a participé au Match des étoiles en 2007, en plus de soulever la Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh à sa dernière saison dans la LNH en 2009. Choix de première ronde (13e au total) des Sabres de Buffalo en 1991, il a successivement porté les couleurs des Sabres, des Kings de Los Angeles, des Stars de Dallas et des Penguins. Au terme de sa carrière de joueur, il a occupé des postes de direction chez l'Océanic de Rimouski, les Remparts de Québec et les Voltigeurs de Drummondville dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ). Philippe a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com afin de traiter de divers sujets de l'actualité du hockey.

Le Temple de la renommée va ouvrir ses portes en 2025 à quatre anciens joueurs de la LNH exceptionnels, qui méritent tous amplement cet honneur en raison de la carrière extraordinaire qu’ils ont connue.

Alexander Mogilny, Joe Thornton, Zdeno Chara et Duncan Keith ont, chacun à leur façon, marqué la LNH, et j’ai été aux premières loges en les affrontant pendant la majeure partie de ma carrière, ou encore en jouant avec eux.

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Quand je suis arrivé dans la LNH à l’âge de 19 ans en 1992-93 avec les Sabres, Mogilny connaissait sa saison de 76 buts en seulement 77 matchs. La chimie qui opérait entre lui et Pat LaFontaine était évidente, et je l’ai vu marquer un nombre incalculable de fois de la même manière : gaucher, il s’amenait sur l’aile droite et recevait une passe du revers de LaFontaine, avant de couper vers le centre en regardant vers les estrades de l’autre côté, et il dégainait sans avertissement pour surprendre le gardien. Ça semblait si facile!

Comme entrée en matière pour une jeune recrue, c’était tout un spectacle. Il était aussi très facile d’approche, et il était facile de lui parler. En fait, il fallait surtout le faire à l’aréna et non dans l’avion parce qu’au début de sa carrière, il avait une telle peur de voler qu’il effectuait souvent les déplacements entre chaque ville par la route. Je le vois encore entrer dans l’avion, déposer ses bagages, demander à voir le pilote, puis ressortir en disant au coach : « On se voit demain ». Il roulait toute la nuit avec un transport fourni par l’équipe et il nous rejoignait le lendemain. Ça ne semble pas avoir eu trop d’impact sur ses performances! Ce n’était pas un caprice, c’était vraiment le résultat d’une peur viscérale qu’il a appris à apprivoiser au fil des ans.

Je n’aime pas le jeu des comparaisons, mais Duncan Keith m’a toutefois toujours fait penser à Scott Niedermayer, un autre défenseur qui a été admis au Temple. Leur coup de patin était phénoménal et leur permettait de tirer leur épingle du jeu dans toutes les situations. Keith a été la pierre angulaire de la brigade défensive des Blackhawks de Chicago au cours de leurs trois championnats de la Coupe Stanley en six ans (2010, 2013, 2015), ce qui se rapproche le plus d’une dynastie dans le hockey d’aujourd’hui.

Gagner autant de championnats n’est pas l’affaire d’un seul joueur, et Keith a été bien entouré avec les Blackhawks, d’abord avec son partenaire Brent Seabrook et avec des coéquipiers qui vont aller le rejoindre au Temple sous peu en Patrick Kane et Jonathan Toews. Ses performances au cours des séries éliminatoires de 2015, alors qu’il passait en moyenne plus de 31 minutes par match sur la glace et qu’il avait récolté 21 points en 23 matchs, ont cependant marqué l’imaginaire, en plus de lui valoir le trophée Conn-Smythe.

C’est difficile d’être un défenseur complet dans la LNH. On voit souvent un défenseur offensif rester sur le banc dans la dernière minute d’un match quand il faut protéger une avance, ou encore un défenseur à caractère défensif qui n’a pas les aptitudes pour sauter sur la glace en avantage numérique. Keith, lui, était capable de tout faire très bien, et ce, dès son arrivée dans la LNH. Et il le faisait pendant plus de la moitié d’un match chaque soir.

Si la fluidité sur patins de Keith était unique, la longueur du bâton de Chara et sa capacité à l’utiliser de manière optimale, en plus de son imposante charpente, représentaient quelque chose de complètement nouveau quand ce mastodonte a fait son arrivée dans la LNH. Apprendre à bien utiliser son bâton, c’est un art, un art que j’ai perfectionné tout au long de ma carrière dans la LNH et que j’ai enseigné au niveau junior, et ça prend du temps pour bien le maîtriser. Chara, lui, a non seulement repoussé les limites de cet art, il a aussi fait évoluer son jeu pendant presque toute sa carrière pour devenir l’un des arrières les plus intimidants de toute la LNH.

Il a travaillé sur ses aptitudes au point où il s’est vu confier les rênes du jeu de puissance, avec son boulet de canon comme tir. À ce sujet, j’ai bien tenté de le battre au concours du tir le plus puissant au Match des étoiles de 2007, mais c’était perdu d’avance. J’ai essayé de faire plier son bâton, mais c’était mission impossible. Il était un spécimen physique unique qui va avoir marqué la LNH, sur la glace comme en dehors.

Je me souviens d’une anecdote concernant Chara, alors qu’il jouait avec les Sénateurs d’Ottawa et moi avec les Kings de Los Angeles. C’était un match où ça brassait, et il est arrivé un moment où c’était clair que tout le monde allait jeter les gants après une mise en jeu. Je vois encore Ian Laperrière qui vient me voir et qui me dit qu’il va s’occuper de Chara. Je vous assure que je n’ai pas cherché à le faire changer d’idée!

Finalement, Thornton était un autre joueur unique. Son coffre à outils était vraiment bien garni. Il était un fabricant de jeux hors pair doté d’une vision exceptionnelle, qui excellait en protection de rondelle et qui exerçait un leadership évident. La seule chose qui manque à son palmarès, à lui et à Patrick Marleau, c’est la Coupe Stanley.

J’ai affronté Thornton à maintes reprises alors qu’il évoluait avec les Sharks de San Jose. Ce n’est pas un gars qui allait te battre à un contre un, en te faisant mal paraître avec sa vitesse ou en sortant des feintes hallucinantes. Par contre, il pouvait diriger un jeu de puissance depuis la rampe en milieu de territoire, et il était presque impossible de lui soutirer la rondelle en raison de son imposante charpente. Il y a des joueurs qui peuvent très bien protéger le disque, mais qui ne parviennent pas à en tirer avantage parce qu’ils n’ont pas le temps ou les aptitudes pour réaliser un jeu par la suite.

Avec plus de 1100 mentions d’aide en carrière, ce n’était visiblement pas un problème pour Thornton.

Je tiens aussi à féliciter Danièle Sauvageau, une pionnière du hockey québécois dont la contribution au développement du hockey féminin chez nous a été remarquable, et envers qui j’éprouve un énorme respect, ainsi que Jennifer Botterill, Brianna Decker et Jack Parker pour leur intronisation.

Ne pas démissionner trop vite

Parmi les joueurs de la cuvée 2025, il y en a deux – Thornton et Chara – qui ont connu toute une carrière après avoir été échangés trop rapidement par l’équipe qui les avait repêchés.

S’il s’agit dans les deux cas de certaines des pires transactions de l’histoire de la LNH, ça me fascine de voir qu’il y a encore des équipes qui démissionnent très rapidement sur de jeunes joueurs, au risque de les voir exploser ailleurs.

On ne parle pas d’un joueur du calibre de Thornton ou Chara, mais c’est peut-être le scénario qui attend les Blackhawks avec Philipp Kurashev, qui connaît de très bons moments avec les Sharks. Il vient d’ailleurs d’être nommé troisième étoile de la semaine dans la LNH.

COL@SJS: Kurashev donne la victoire aux Sharks

J’ai dirigé Philipp avec les Remparts de Québec dans la LHJMQ. C’est un gars timide, qui a besoin de comprendre son environnement pour s’épanouir, mais une fois que c’est fait, il possède tous les éléments pour connaître du succès : le patin, la vision, le tir. Je ne comprends pas qu’une jeune équipe comme les Blackhawks ait décidé de le laisser aller après une mauvaise saison. Il avait pourtant montré, quand on lui a donné la chance de jouer avec Connor Bedard il y a deux ans, qu’il était capable de suivre son rythme.

Ce n’est pas nécessairement un joueur qui peut transporter un trio à lui seul, mais il peut assurément être un bon complément à un attaquant d’élite.

Et chez les Sharks, ce ne sont pas les jeunes attaquants d’élite qui vont manquer avec Macklin Celebrini, Will Smith, William Eklund et Michael Misa.

Je souhaite donc à Philipp que cette lancée se poursuive, et qu’il fasse mentir l’équipe qui aura abandonné trop tôt dans son cas.

*Propos recueillis par Sébastien Deschambault, directeur de la rédaction LNH.com.