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Au bout du fil, Sacha Boisvert peine à contenir son excitation.

Le son de sa voix se perd parfois dans le bruissement des forts vents qui soufflent sur Grand Forks, au Dakota du Nord, et le Québécois s’en excuse : il se dirige vers un cours. Ça ne l’empêche toutefois pas de prendre quelques minutes pour jaser de hockey, de ses premiers mois à l’Université du Dakota du Nord.

« Je vis le rêve en ce moment, lâche l’attaquant, au bout de quelques secondes. C’est malade. Il n’y a pas d’équipe professionnelle ici, alors c’est nous, la grosse équipe. On est traités comme des pros sur la glace et à l’extérieur. Peu importe contre qui on joue, l’aréna est toujours rempli.

« C’est le sentiment le plus proche que je pourrais avoir de la LNH. »

C’est exactement ça que le choix de premier tour des Blackhawks de Chicago avait en tête quand il s’est engagé envers la réputée institution sans même la visiter, il y a plus de deux ans. Il avait vu des vidéos sur YouTube, et il savait que c’est l’expérience qu’il voulait vivre en empruntant la voie des collèges américains.

Dans l’optique où il devrait déménager ses pénates au United Center d’ici quelques années, les matchs qu’il dispute devant des salles combles risquent de forger son caractère encore davantage.

« Il faut que tu viennes et que tu vives l’expérience, nous lance son entraîneur Brad Berry quand on le questionne au sujet de l’ambiance qui règne là-bas. Grand Forks, c’est une petite ville et le programme de hockey est le plus important à North Dakota. Nos partisans sont loyaux et passionnés.

« Je crois que la ville a une population de 65 000 personnes, et il y a 12 000 personnes à l’aréna chaque soir de match. […] Sacha adore ça. Il évolue dans une atmosphère de la LNH. Il aime la pression de gagner devant autant de gens. Je suis convaincu que ça l’aide à se préparer pour le prochain niveau. »

L’autre chose, et la plus importante, c’est que le Trifluvien de 18 ans la gère très bien, cette pression.

Après les 25 premiers matchs de la saison – sa première dans la NCAA – il est à égalité au sommet des pointeurs de son équipe grâce à sa récolte de 19 points, dont neuf buts, en 25 matchs. Pour un joueur de première année, qui évoluait dans la USHL l’an dernier, ce n’est pas piqué des vers.

Boisvert a rapidement gagné la confiance de Brad Berry, qui lui offre du temps de jeu sur le top-6, en avantage numérique et même en prolongation.

« Mon but c’est d’avoir le plus de responsabilités possible, assure Boisvert. Si je pouvais, je serais sur la glace pendant tout le match. J’en veux toujours plus. Je veux être le premier centre et toujours jouer sur le jeu de puissance. Ce sont des vétérans qui ont ces postes-là, mais c’est quand même ce que je veux. »

Celui qui a été réclamé au 18e échelon en juin dernier s’y prend de la bonne façon pour gravir les échelons. Berry a rapidement remarqué son sens de la compétition, son caractère et sa passion pour le hockey – toutes des caractéristiques que l’on vantait déjà alors qu’il s’alignait avec Muskegon, dans la USHL.

Son entraîneur est même allé jusqu’à le qualifier de « rat d’aréna », tellement il passe du temps dans les environs du Ralph Engelstad Arena. C’est pour son propre bien : le longiligne patineur de 6 pieds 2 pouces et 183 livres doit continuer de bâtir sa charpente.

Pour le prochain niveau, certes, mais aussi pour le défi qu’il doit relever cette saison en affrontant des joueurs qui ont parfois cinq ou six ans de plus que lui. Pour l’instant, il comble ce manque par sa hargne et sa façon de toujours jouer avec le couteau entre les dents – sa marque de commerce.

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« Il joue sur la ligne, on peut dire ça, rigole Berry au bout du fil. Il sait qu’il ne peut pas la dépasser parce qu’il ne peut pas jeter les gants, mais il ne prend jamais de présence de congé. Même à l’entraînement, où il le fait plus respectueusement Il a la patience et la discipline pour ne pas se laisser emporter.

« Comme entraîneur, tu veux des joueurs qui repoussent les limites et qui s’approchent de cette ligne. C’est là qu’ils maximisent leur potentiel. »

Des similitudes avec un grand

Berry en sait quelque chose. Au cours de ses 19 saisons comme adjoint, puis comme entraîneur-chef à North Dakota, il a vu passer les T.J. Oshie, Jonathan Toews, Brock Boeser, Jake Sanderson, Shane Pinto et compagnie. Des joueurs d’impact au plus haut niveau.

Dans cette liste, le nom de Toews ressort évidemment quand vient le temps de parler de Boisvert, en raison de la connexion avec les Blackhawks. Dans les minutes qui ont suivi son repêchage, ce lien n’a pas échappé aux plus fins observateurs. Mais y’a-t-il des comparaisons à faire entre les deux joueurs au même âge?

« Ce sont deux gars qui ne se contentent pas de ce qu’ils ont, a-t-il avancé. Ils veulent s’améliorer et faire la différence. Ils font toujours passer l’équipe en premier, même s’ils connaissent des succès individuels. Ils sont aussi de grands leaders. Jonathan a été le capitaine ici, et je peux voir Sacha porter une lettre dans le futur. »

Même si cela peut sembler gros d’entendre son nom être prononcé dans la même phrase que celui d’un triple champion de la Coupe Stanley et gagnant du trophée Conn-Smythe, Boisvert ne recule devant rien. On lui a même offert de porter le no 9 avec North Dakota, le même qu’avait Toews à l’époque.

« Même s’ils ne me l’avaient pas offert, je l’aurais demandé, dit-il avec fierté. Toews est une légende de la LNH, c’est une bonne comparaison à avoir. C’est une petite pression, mais j’aime vraiment ça. Je veux l’accepter et tenter de respecter les attentes. »