Les joueurs qui ont été de la partie s'en souviennent comme si c'était hier.
« Je n'oublierai jamais », a déjà mentionné l'ancien défenseur Steven Finn. « Raymond Bourque a eu quelque chose comme 17 lancers à lui seul. Les joueurs des Bruins passaient près de lui et ils le félicitaient. Ils n'en revenaient pas, c'était débile. »
Bourque a, dans les faits, égalé le record de Gordie Howe de 19 tirs au but. Il a marqué à l'aide de son 14e, mais il a vu Tugnutt réaliser l'arrêt de la soirée à ses dépens, à huit secondes de la fin de la prolongation.
Le défenseur vedette a décoché son plus retentissant tir frappé directement de l'enclave. Tugnutt l'a gobé d'un geste vif de la mitaine.
« Cam Neely était "planté" devant moi, a déjà relaté à l'auteur de ces lignes le gardien ontarien natif de Scarborough, et quand j'ai fait l'arrêt, il m'a regardé tout sourire en me disant: "Tu te moques de moi ou quoi?" »
Incrédules, les 14 448 spectateurs se sont levés en bloc afin d'acclamer le gardien des Fleurdelisés. Sur la tribune de presse, des journalistes de Boston ont même applaudi.
Au son final de la sirène, un groupe de joueurs des Bruins, incluant Bourque, est allé féliciter Tugnutt, pendant que la foule lui réservait une ovation.
« Ron a reçu l'hommage ultime qu'un joueur puisse avoir de la part d'adversaires », a déjà commenté Joe Sakic, l'ancienne super-vedette des Nordiques. « Ce que les joueurs des Bruins ont fait ce soir-là, vous ne voyez jamais ça. »
Malade!
Pour Bourque, les marques d'appréciation faites à Tugnutt étaient pleinement méritées.
« C'est très rare, il est vrai, qu'on félicite un adversaire. Mais nous, les joueurs, comme la foule, réalisions que nous venions d'assister à quelque chose d'exceptionnel », a déjà évoqué Bourque à La Presse canadienne.
Bourque a souligné que c'est la meilleure performance d'un gardien à laquelle il ait assisté de toute sa carrière.
« Sur la petite patinoire du Garden, les lancers arrivaient très vite, a-t-il noté. Ce n'est pas uniquement le total qui est impressionnant, mais la qualité des lancers. Il a effectué plusieurs arrêts spectaculaires. C'était malade! »
La soirée de rêve de Tugnutt a été comme un léger baume sur une autre saison de misère des Nordiques qui s'achevait. Elle a également coïncidé avec le dernier tour de patinoire de Guy Lafleur à Boston.
« J'avais le sourire accroché aux lèvres », a relaté Tugnutt, maintenant âgé de 52 ans et établi dans la région de Peterborough, en Ontario. « Mais je me rappelle que les sourires étaient plus nombreux chez les Bruins que dans notre vestiaire. Les gars s'étaient sentis quelque peu humiliés. »
Tugnutt, qui a disputé 538 matchs dans la LNH au sein de huit organisations incluant les Canadiens de Montréal, a connu un autre match de 70 arrêts au cours de sa carrière, mais c'était en séries éliminatoires. Le 4 mai 2000, il s'était incliné 2-1 dans l'uniforme des Penguins de Pittsburgh face aux Flyers de Philadelphie, en cinquième période de prolongation.
« Je peux avancer sans risquer de me tromper que je suis le seul gardien qui ait connu deux matchs de 70 arrêts », fait-il remarquer, fièrement.