Si l'ambiance était très festive alors que les anciens joueurs arrivaient par petits groupes dans la loge qui leur avait été réservée, un parfum de nostalgie flottait néanmoins dans l'air.
« C'est certain qu'on aimerait revivre ça. Ça passe vite, on dirait que c'était hier, a reconnu Roberge. Le fait aussi qu'on l'ait gagnée avec les Canadiens, je n'aurais jamais cru à ça, la 24e conquête de l'équipe. C'est sûr que ça va être fébrile ce soir, il va y avoir de l'émotion. Je suis très fier d'être un ancien Canadien. Canadien un jour, Canadien toujours. »
Voici cinq questions avec Mario Roberge…
Es-tu surpris que les Canadiens n'aient pas gagné la Coupe Stanley depuis 25 ans?
« C'est surtout surprenant qu'aucune équipe canadienne l'ait gagnée depuis ce temps-là. Le hockey a changé en raison du plafond salarial. Québec a perdu son équipe à cause de ça. Comme il n'y avait pas de plafond, il était difficile d'établir un budget. Il aura fallu un an sans hockey avant que les gars le comprennent et qu'une convention collective soit signée. Force est d'admettre que ce fut une bonne décision parce que le hockey se porte bien. Les équipes sont solides, les droits de télévision aident. Certaines équipes en arrachent plus que d'autres, mais les équipes en bonne santé financière peuvent compenser. »
Votre conquête est ponctuée de plusieurs anecdotes, mais il y en a une qui te concerne directement, soit celle de ton altercation avec le gardien des Nordiques de Québec Ron Hextall dans la période d'échauffement du match numéro 3 à Montréal. Peux-tu nous raconter comment le tout s'est déroulé?
« Nous avions été dominés 4-1 dans le match no 2, et nous revenions à Montréal en retard 0-2 dans la série. Carbo est venu me demander si je participais à la séance d'échauffement, et je lui ai répondu que non. Il est allé voir Jacques (Demers), et il est revenu me dire que j'allais être de l'échauffement. J'ai averti les gars que notre routine allait changer avant ce match-là. Ron Hextall n'avait que des superstitions pendant son échauffement. Je l'avais analysé, j'ai compris l'ampleur de ses superstitions. Je savais qu'il passait toujours son patin sur le point de mise en jeu au centre de la glace. Je me suis dit que s'il voulait le faire ce soir-là, il y aurait quelqu'un dessus. Je l'ai un peu retardé dans son parcours. Je lui ai simplement fait savoir que le point rouge de la mise en jeu pendant l'échauffement ce soir-là nous appartenait. On est passé à deux doigts d'avoir une bagarre générale, mais ce n'est pas arrivé. »
Est-ce que tu penses que c'est cet incident qui a fait tourner la série?
« Est-ce que c'est ça qui a fait gagner l'équipe? Je ne suis pas prêt à dire ça. Mais une chose est sûre, ça n'a pas nui. Ce que j'ai ressenti à la fin de cet échauffement-là de la part des 20 joueurs qui sont revenus au vestiaire avec moi, je n'ai jamais ressenti ça nulle part. On était transportés! Ç'a été un déclic incroyable. On a gagné les quatre matchs suivants, on était rendus invincibles.
« Ça n'a pas défini ma carrière, je n'ai jamais été valorisé pour ça, et je ne le souhaite pas non plus. Mais on avait besoin d'une étincelle, on perdait 0-2, on était au pied du mur. Ç'a stimulé les troupes et on a tout raflé par la suite. »
Parmi les éléments qui reviennent souvent quand on entend parler de cette conquête, on retrouve l'influence de Jacques Demers sur votre groupe, ainsi que l'esprit d'équipe qui régnait dans votre vestiaire. Qu'est-ce que tu peux nous dire à ce sujet?
« Nous étions dirigés par l'entraîneur le plus humain que j'ai connu. Avec Jacques, tu te sentais important, même quand tu n'étais pas utilisé. Tu avais l'heure juste. Nous avons vécu des choses exceptionnelles, et c'était lui le chef d'orchestre. Lui et toute son équipe d'adjoints, Charles Thiffault, Jacques Laperrière, Steve Shutt… c'était un groupe de personnes exceptionnelles.