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PARIS - Exquise boulangerie, délicieuse pâtisserie, iconique tour Eiffel, prestigieux Paris Saint-Germain… et populaire hockey sur glace?
Démocratiser ce sport et l'ajouter au vocabulaire courant des Français, c'est le pari que s'est donné la Fédération française de hockey sur glace et son président, le Québécois Luc Tardif, avec la présentation du Championnat du monde 2017 de la FIHG sur son territoire.
Après un premier match décevant contre la Norvège (une défaite de 3-2), la France a surpris la puissante Finlande 5-1 lors de sa deuxième rencontre et a soutiré la victoire aux Suisses 4-3 en tirs de barrage à son troisième match.
Pas mal pour un pays qui ne compte qu'un peu plus de 20 000 joueurs licenciés et seulement 120 clubs.

La France en est cette année à sa 10e participation de suite au Championnat du monde de la FIHG parmi l'élite, et c'est ce genre de prestations qui a fait des petits depuis.
« Avec la création de la Fédération en 2006, on a mis en place un plan de développement. On a beaucoup travaillé avec Hockey Canada et surtout Hockey Québec pour les programmes d'adaptation puisque le matériel pédagogique est en français. On a travaillé de près avec les techniciens de Hockey Canada et de Hockey Québec sur le plan du développement, a expliqué Tardif. Cette année, on a été champions du monde chez les moins de 18 ans et on va maintenant pouvoir monter pour jouer contre le Canada. Ça, ce sont les premiers résultats de notre plan de développement depuis 10 ans. En 20 ans, on s'est beaucoup amélioré chez les M-18 et les M-20. Vous ne pouvez vous imaginer comment demeurer en première division pendant 10 ans a été énorme pour nous. »
Mais malgré les avancées du développement concernant la qualité du produit qu'on met dorénavant sur la patinoire, les résultats ne sont pas immédiatement perceptibles dans les gradins de l'AccorHotels Arena de Paris. Même si le comité organisateur affirme que le nombre de billets vendus devrait aller au-delà des attentes, le match de jeudi entre le Canada et la France est pour l'instant le seul qui fera salle comble.
« En France, on n'est pas des passionnés de sport, au sens où on aime les sports, mais seulement quand la France gagne », a évoqué Romain Del Bello, descripteur du hockey sur la chaîne de télévision française Canal+. « Les Français adorent le handball parce qu'on a une équipe qui gagne tout depuis 10 ans. Ils adorent le biathlon parce qu'on a un Français qui domine le biathlon. […] Donc le seul moyen de populariser le hockey, c'est quand l'équipe de France livre de bonnes performances comme ç'a été le cas en 1992 aux Jeux olympiques (d'Albertville, en France). On a cru que ç'allait être un virage pour le hockey français, mais il n'y a pas eu de suite.
« Il y a eu un petit frémissement il y a quatre ans quand on a refait les quarts de finale au Championnat du monde en battant le Canada en pool, je crois même que ç'a fait la une de L'Équipe ce qui est vraiment historique en hockey. Les gens ont recommencé à s'y intéresser, mais c'est resté tout de même très modeste. On espère que le fait d'être à Paris et de peut-être - pourquoi pas - réussir à se qualifier pour les quarts à nouveau pourrait redynamiser quelque chose. Le problème c'est qu'on est barrés par des équipes comme le Canada, des nations qui sont tellement au-dessus, qu'on n'arrivera jamais à être champions en hockey, ou peut-être dans 100 ans. Il y a une grosse barrière parce que les Français ne comprennent pas qu'on ne puisse pas être champions du monde. Quand on leur dit qu'on aimerait être en quarts de finale, il y en a qui nous disent qu'on n'a pas d'ambition. C'est le problème en France. »
Couverture médiatique limitée
Avec tous les médias français qui sont sur place pour couvrir les activités des Bleus dans ce Championnat du monde, on pourrait supposer que les deux impressionnantes victoires de la France en début de tournoi ont fait la une de tous les journaux, magazines et bulletins de nouvelles sportifs au pays.
Mais M. Del Bello, quotidien Le Parisien à la main, me désigne avec déception le petit carré - à peine plus gros qu'un sixième de page - qui a été accordé au hockey dans la section sports du journal après ces deux gains.
« Heureusement que le Championnat du monde n'est pas à Paris sinon le journal Le Parisien serait débordé! », s'est-il exclamé avec sarcasme. « Il y a un blocage. Mais pour le coup, c'est vrai que ça tombe pendant les élections françaises, dans la fin du Championnat de France de foot où il y a beaucoup de suspense, ça tombe pendant que Monaco était qualifié en Ligue des champions en demi-finales... c'est vrai qu'on s'est noyé dans une masse d'informations, y compris sportives. »
Philippe Bozon, premier joueur issu du programme de hockey français à avoir évolué dans la LNH (avec les Blues de St. Louis entre les saisons 1992-93 et 1994-95) et commentateur-hockey aux côtés de Del Bello, croit que la couverture des différents sports au pays est surtout mal répartie.
« Je trouve qu'en France, le foot vampirise tellement tout qu'il y a d'autres sportifs qui sont aussi des champions, mais qui ne sont pas énormément suivis alors qu'ils le mériteraient, a-t-il indiqué. C'est très compliqué pour les autres sports de sortir de l'ombre. Malgré tout, c'est bien évident qu'on peut faire les choses beaucoup mieux. Il faudrait gagner des compétitions, mais on est quand même dans un milieu au hockey où la hiérarchie est assez établie et change très rarement entre les équipes qui se trouvent au sommet. »
Amateur de hockey depuis longtemps, M. Del Bello s'est amené avec Canal+ en 2008 et c'est là qu'il a pu commencer à commenter le sport qu'il ne suivait jusque-là que pour son propre plaisir.
C'est cette même chaîne qui avait acheté les droits de la LNH en 1997 pour y diffuser un match par semaine, ce qui permettait aux Français de pouvoir regarder du hockey pour la première fois en dehors des Jeux olympiques. Canal+ en est maintenant à diffuser trois à quatre rencontres chaque semaine.
Malgré cette progression, ça reste tout de même une niche d'après M. Del Bello. Mais il croit avoir trouvé le nœud du problème.
« Je pense que les Français aiment le hockey, mais qu'ils ne le savent pas, a-t-il dit, sourire en coin. C'est donc à nous de leur montrer qu'ils l'aiment. Cette année, j'ai créé des rubriques supplémentaires dans les émissions à Canal+, en demandant un direct le dimanche soir que sur la LNH […], mais je sais que c'est compliqué. Il y a toujours les premières remarques du genre 'c'est un peu violent', mais dès que je les intéresse un peu en montrant des images sympas comme les buts de [Sidney] Crosby, je vois des commentaires du style 'Ah c'est pas mal!' Quand ils viennent ici [à l'AccorHotels Arena], ils adorent, ils trouvent ça super en vrai. Je sais que c'est un sport que les gens aimeraient s'ils s'y intéressaient. Tous les gens qui viennent voir un match en vrai disent 'Mais c'est super le hockey! Je veux que mes enfants en fassent!' Je pense que les gens ne savent pas que c'est un super sport. Suffit de leur dire et de leur montrer! »