BAYFIELD, Ontario – Trois mois après coup, Peter DeBoer ne bronche pas. Si c’était à refaire, il chasserait à nouveau Jake Oettinger du filet après ses deux buts accordés lors du cinquième match de la finale de l’Ouest face aux Oilers d’Edmonton.
Il regrette, toutefois, ses commentaires d’après-match ce fameux soir du 29 mai, celui de l’élimination des Stars de Dallas des séries éliminatoires.
« On étais tous à blâmer pour cette défaite, moi le premier », a candidement affirmé DeBoer lors d’un entretien exclusif avec LNH.com, son premier depuis son congédiement des Stars le 6 juin. « C’était ma faute, la faute de tous les entraîneurs, de tous les joueurs et de toute l’organisation. On a tous été à l’origine de cette déception. Tout le monde était à blâmer, pas juste une personne.
« Lorsque toutes les questions du point de presse se sont mises à être sur Jake, j’aurais dû dévier le sujet en mentionnant que ce n’était pas seulement de sa faute, mais de la faute de tout le monde. NOUS – et je souligne le mot ‘nous’ – n’avons pas pu accomplir ce que nous voulions. On venait de perdre six de nos sept derniers matchs de séries face aux Oilers en remontant au troisième tour en 2024. Dans l’une de mes réponses, j’ai dit que Jake avait perdu six de ses sept derniers matchs de séries face aux Oilers. Mais ce n’était pas juste vrai pour lui. Ce l’était pour nous tous. J’aurais dû être plus clair à ce sujet. »
Lorsque LNH.com a fait part de ces réflexions à Oettinger lui-même lors de la Tournée médiatique nord-américaine de la LNH/AJLNH à Henderson au Nevada, mardi, le gardien n’a pu qu’abonder dans le même sens que son ancien entraîneur.
« Je crois qu’il a trouvé les bons mots, a répliqué Oettinger. Je suis d’accord avec sa réflexion.
« Je suis heureux d’apprendre qu’il ait dit ça. »
Oettinger a ensuite poliment repris sa route dans un corridor du America First Center. Il venait de compléter une énième entrevue avant d’amorcer une nouvelle saison, un nouveau chapitre de sa carrière.
Comme c’est le cas de DeBoer.
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C’est par un après-midi venteux de septembre que DeBoer nous accueille dans un décor de carte postale en bordure du Lac Huron. Du balcon à l’arrière de sa demeure, on peut apercevoir les vagues s’échouer violemment contre le littoral.
Ce jour-là, les vagues sont particulièrement turbulentes sur le lac, nous dit DeBoer.
Particulièrement turbulentes. Pourrait-on également décrire ainsi les dernières semaines de l’entraîneur de 58 ans?
« Oui, on peut certainement les décrire ainsi, a-t-il répondu. Un tour de montagnes russes, en quelque sorte! »
Normalement, à ce temps-ci de l’année, DeBoer peaufinerait ses derniers préparatifs pour le camp d’entraînement. Pendant la grande majorité de sa vie adulte, c’est ce qu’il a connu. Ne pas le vivre cette année revêt sans doute quelque chose « d’étrange », avoue-t-il.
Et considérant sa feuille de route, on peut le comprendre de se sentir ainsi.
En trois saisons avec les Stars, DeBoer a présenté une fiche de 149-68-29, la meilleure chez les entraîneurs de la LNH pendant cette période. Sous son égide, les Stars ont remporté 29 matchs de séries éliminatoires (29-27), le troisième plus haut total du circuit derrière les Panthers de la Floride (41) et les Oilers (34).
En 1261 matchs de saison régulière à la barre des Panthers, des Devils du New Jersey, des Sharks de San Jose, des Golden Knights de Vegas et des Stars, DeBoer affiche un dossier de 662-447-152.
Il a guidé ses équipes aux finales d’association six fois en sept ans. Il a également mené les Devils de 2012 et les Sharks de 2016 à la finale de la Coupe Stanley. Dans l’histoire de la LNH, il se classe au 17e rang au chapitre des victoires en saison et au cinquième rang pour les victoires en séries.
Le seul élément manquant à sa feuille de route : la Coupe Stanley. Aucun entraîneur n’a gagné autant de matchs dans la LNH sans avoir soulevé le gros trophée.
Présentement, il a tout accompli sauf ça.
Dans le junior, DeBoer avait mené les Rangers de Kitchener à la conquête de la Coupe Memorial en 2003. Puis en février dernier, il était l’un des entraîneurs-adjoints de la formation canadienne qui a remporté l’or à la Confrontation des 4 nations.
« Ce fut l’un des grands moments de ma carrière, a-t-il affirmé. En plus, on a acquis Mikko Rantanen chez les Stars peu de temps après le tournoi. On était sur un véritable élan. Puis on a perdu nos huit derniers matchs de la saison régulière et ça s’est estompé.
« Des montagnes russes… »
Au premier tour des séries, les Stars ont vécu une confrontation au sommet face à l’Avalanche du Colorado. Un défi auquel ils ont dû s’attaquer sans leur défenseur no 1 Miro Heiskanen ni leur meilleur marqueur Jason Robertson.
Heiskanen avait été opéré le 4 février et raté les 32 derniers matchs de la saison régulière, puis les 10 premiers des séries. Robertson, l’auteur de 35 buts en saison régulière 2024-25, s’était quant à lui blessé au bas du corps lors du dernier match du calendrier. Il s’est lui aussi absenté pour l’entièreté du premier tour.
Mais les Stars ont fait fi de ces absences. Ils ont remporté le septième et ultime match de la série par la marque de 4-2. DeBoer portait alors sa fiche à 9-0 en matchs décisifs, consolidant le surnom de « Monsieur match 7 ».
Vinrent ensuite les Jets de Winnipeg, vainqueurs du trophée des Présidents grâce à leurs 116 points en saison régulière. Les Stars ont éliminé les représentants du Manitoba en six matchs pour mériter leur billet pour un duel revanche face aux Oilers d’Edmonton en finale de l’Ouest et ce, avec Heiskanen et Robertson de retour dans la formation.
Ça ne s’est toutefois pas passé comme prévu.
Dallas a remporté le premier match au compte de 6-3, mais perdu les trois autres par un pointage total de 13-2. Dans un match no 5 que l’équipe ne pouvait perdre, Oettinger a cédé deux buts sur autant de tirs lors des sept premières minutes de jeu (7:09). DeBoer a aussitôt appelé un temps d’arrêt et passé le message le plus fort qu’il pouvait à ce moment-là.
Alors qu’Oettinger retournait devant son filet à la conclusion du temps d’arrêt, l’instructeur lui a fait signe de rebrousser chemin et l’a remplacé par Casey DeSmith, son auxiliaire. Oettinger a décrit la scène « d’embarrassante » après le match.
« Je sais qu’aussitôt, on pouvait lire que j’étais un entraîneur dur avec ses gardiens. Mais le fait est que j’ai uniquement retiré Jake une fois en 57 matchs pendant la saison régulière.
« Les 30 secondes de ce temps d’arrêt ont servi à fouetter l’équipe. Si j’avais pu, je me serais fouetté moi-même et fouetté le reste du personnel d’entraîneurs. Sur le coup, j’étais fâché et déçu de tout le monde, de l’équipe, du gardien, de toi-même. Pourquoi nous sommes-nous mis dans une telle position? On avait une opportunité et on s’est mis dans cette position. Je ressentais un mélange de colère et d’amertume.
« Et ç’a semblé être un cas personnel contre Jake Oettinger, mais ce n’était pas ça. J’aime Jake Oettinger. On s’est rencontrés après la saison. Il sait à quel point j’ai du respect envers le gardien qu’il est, et encore plus pour la personne qu’il est et le père de famille qu’il sera. Je l’ai dit à maintes reprises pendant les séries : on ne se serait pas rendus là sans Jake.
« Reste que je sentais ce groupe plafonner pour une troisième année de suite et j’ai voulu donner un électrochoc. À ce moment-là, aucune solution n’était écartée de l’équation pour ressaisir l’équipe. »
En vain. Les Oilers ont éliminé les Stars au terme d’une victoire de 6-3. S’en suivit l’émotif point de presse de DeBoer. Avec du recul, l’entraîneur aurait choisi de différents mots. Mais impossible de revenir dans le temps, évidemment.
« Ce groupe en arrivait là pour une troisième année de suite et il y avait un sentiment de défaitisme, a décrit DeBoer. Ça se sentait. Je pouvais le sentir au banc. Donc, à ce moment-là, je me suis servi de tous les outils de mon coffre pour tenter de renverser la vapeur.
« Dès que tu vis quelques fois ces situations de grande pression, tu sais que ton travail sera scruté à la loupe d’une manière ou d’une autre. Lorsque tu prends une décision comme celle de changer de gardien, tu ne peux pas te soucier de ce que les gens vont penser. C’est toujours plus facile de critiquer une décision après coup. Reste que quand tu prends une telle décision, tu sais qu’il y aura des répercussions si ça ne fonctionne pas. »
Une semaine plus tard vinrent ces répercussions. Le directeur général Jim Nill a annoncé à DeBoer la fin de son association avec l’équipe.
« Si on avait été éliminés au premier tour à ma première année avec l’équipe, au deuxième tour à ma deuxième, puis au troisième tour à ma troisième, on aurait pu dire que l’équipe est en progression. Mais là, avec trois éliminations d’affilée au troisième tour, on n’a clairement pas été capables de passer au prochain niveau. Je comprends. »
Nill a décidé que le vestiaire avait besoin d’une nouvelle voix. Mais ça n’enlève en rien le respect qu’il a pour son ancien collègue.
« Pete a fait du bon travail pour nous ces trois dernières années, a-t-il dit. Les résultats de l’équipe parlent d’eux-mêmes. »
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Et maintenant, qu’est-ce qui attend Peter DeBoer?
Il n’a pas mis de temps à avoir la réponse à cette question.
Moins d’une heure après avoir été congédié, il a reçu un appel du directeur général des Blues de St. Louis Doug Armstrong, qui supervise l’équipe olympique canadienne. Il voulait rassurer DeBoer en lui disant qu’il n’avait rien à craindre pour son poste comme entraîneur adjoint avec le Canada et même que ses responsabilités allaient augmenter dans les mois avant les Jeux de Milano Cortina.
« Jon Cooper m’a appelé lui aussi, a raconté DeBoer. C’était significatif pour moi. Les deux m’ont dit : “Ça ne change rien à ce qu’on fait. Peu importe ce qui va se passer, on va s’assurer que tu demeures occupé. Ça pourrait même être bénéfique pour Équipe Canada, car tu auras le temps de te concentrer sur certains aspects des Olympiques qu’on ne pourra pas gérer parce qu’on s’occupe de nos équipes dans la LNH chaque jour.” »
À cet égard, DeBoer se rendra en Italie dans les prochaines semaines afin de visiter les installations olympiques pour le hockey. Par la suite, il visitera différentes villes de la LNH afin d’évaluer différents joueurs en vue de l’annonce de la formation en janvier.
« Pete est un entraîneur extraordinaire, et quand la porte s’est fermée à Dallas, la porte olympique s’est ouverte encore plus grand, a mentionné Armstrong à LNH.com vendredi. Son curriculum vitae va le placer sur la liste de toutes les équipes quand un poste va se libérer dans la LNH. D’ici là, nous allons l’impliquer pleinement dans nos préparatifs en vue des Olympiques 2026. »
DeBoer compte en profiter pleinement, surtout après avoir vécu l’extase à la Confrontation des 4 nations.
« Je me souviens d’être entré dans le vestiaire pour la première fois, et même si je dirigeais depuis longtemps dans la LNH, je me pinçais en regardant la brochette de talent qu’il y avait, a souligné DeBoer. Et durant le match du samedi à Montréal contre les États-Unis, la foule, l’ambiance et les bagarres m’ont donné des frissons. Et la même chose s’est produite quand nous avons gagné.
« Et maintenant, représenter mon pays aux Olympiques, ça me fait vibrer. »
Si vous vous rendez dans la pièce au-dessus du garage de DeBoer, vous trouverez un jeu de hockey sur table et divers souvenirs de sa carrière. L’un de ses préférés : la photo officielle des champions de la Confrontation des 4 nations.
« Ça me fait toujours sourire », a-t-il dit.



















