TORONTO -- Six nouveaux membres ont été intronisés au Temple de la renommée du hockey lors de la cérémonie de lundi. Le commissaire de la LNH Gary Bettman, Willie O'Ree, Alexander Yakushev, Jayna Hefford, Martin St-Louis et Martin Brodeur ont chacun livré un discours à l'occasion de leur intronisation.
Une soirée émotive pour les six nouveaux membres du Temple de la renommée
Bettman, Brodeur, Hefford, O'Ree, St-Louis et Yakushev ont remercié leurs proches alors qu'ils sont devenu officiellement des immortels du hockey
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Voici quelques éléments clés de ces discours:
LE COMMISSAIRE GARY BETTMAN : Des débuts modestes jusqu'au Panthéon
L'accession de Gary Bettman au poste de commissaire de la LNH a bien failli ne jamais se produire. Après avoir été l'un des cinq candidats finalistes en novembre 1992, Bettman a reçu un appel au cours duquel on lui a offert ce poste. Il a d'abord refusé.
« Merci, mais les conditions d'embauche n'étaient pas acceptables. Ce n'était pas une question monétaire, c'était une question de durée, a raconté Bettman. La ligue offrait un contrat de courte durée et je cherchais un engagement à long terme afin que je puisse faire ce que je savais qui devait être fait. »
La stratégie de négociation de Bettman semble avoir fonctionné.
« Il a rappelé dix minutes plus tard et nous voilà, 25 ans après, a ajouté Bettman. Par contre, je ne cherchais pas nécessairement un contrat de 25 ans. »
Bettman agit à titre de commissaire depuis le 1er février 1993 et il est le commissaire qui est en poste depuis le plus longtemps parmi les quatre grandes ligues sportives professionnelles d'Amérique du Nord. Sous sa gouverne, la ligue est passée de 24 à 31 équipes, ses revenus annuels ont augmenté de 400 millions de dollars à plus de 4,5 milliards de dollars et il a intégré des matchs extérieurs annuels à une liste croissante d'événements.
Le commissaire Bettman est conscient que chacune de ses apparitions publiques suscite une vive réaction, mais il a appris à accepter les huées dont il est la cible lorsqu'il présente la Coupe Stanley.
« Ce soir, nous avons la preuve concrète que la nomination au Temple de la renommée du hockey n'est pas un concours de popularité », a lancé le commissaire Bettman. « Presque 26 ans plus tard, et plus particulièrement ce soir, peut-être qu'on s'est habitué à moi et qu'on a enfin appris à m'aimer et je vous en suis reconnaissant. »
Quiconque croit que Bettman en a assez de ce travail après plus d'un quart de siècle en poste a intérêt à se raviser.
« Je n'aime pas être le commissaire autant qu'avant. En fait, j'aime ça encore plus qu'avant, a déclaré Bettman. Donc, à ceux qui croient que je prépare ma retraite, oubliez ça. »
MARTIN ST-LOUIS : Un moment inoubliable
Martin St-Louis est monté sur la scène et il a immédiatement été déboussolé par l'ampleur de ce moment.
« Vous allez peut-être croire que je lis sur une carte, mais ce n'est pas du tout le cas, a révélé St-Louis. Je dévie complètement, mais je vais essayer de revenir à mon plan. »
C'est ce qu'il a fait, avec quelques pauses pour se ressaisir, surtout lorsqu'il a parlé de sa famille.
St-Louis a raconté comment il avait rencontré sa femme, Heather, à l'Université du Vermont. Il s'est adressé directement à ses trois fils, Ryan, Lucas et Mason, tous des hockeyeurs, et il leur a rappelé à quel point ils sont chanceux d'avoir Heather comme mère.
Il a parlé à son père, Normand, et il a mentionné à quel point il avait toujours senti qu'il l'appuyait pendant sa carrière. Il a remercié sa sœur, Isabelle, pour son soutien et pour avoir été sa première gardienne de but.
St-Louis est devenu émotif en parlant de sa défunte mère, France, décédée en 2014.
« Elle était la femme la plus incroyable que j'ai connue, a-t-il affirmé. Elle m'a convaincu que mon cœur et ma volonté étaient plus grands que tous les autres. »
St-Louis a eu une mention spéciale pour John Tortorella, son ancien entraîneur avec le Lightning. S'il s'est rendu aussi loin, c'est parce qu'il l'a sans cesse poussé à se dépasser. Il a tenu à remercier ses trois principaux joueurs de centre à Tampa Bay, soit Brad Richards, Vincent Lecavalier et Steven Stamkos, qui était l'un des sept joueurs actuels du Lightning qui ont fait le voyage de Buffalo pour le féliciter.
« C'est beaucoup grâce à eux si je suis ici », a-t-il indiqué.
St-Louis a conclu avec un conseil pour les jeunes en leur disant de poursuivre leurs rêves et de toujours chercher à surmonter les obstacles que les autres jettent sur leur chemin.
Et enfin.
« Maman, c'est pour toi », a-t-il lancé.
MARTIN BRODEUR : Des larmes de joie
Martin Brodeur a livré son discours d'intronisation au Temple de la renommée du hockey en français et en anglais, lundi.
Cependant, les larmes de joie qui ont coulé sur ses joues symbolisent un langage universel que tous les amateurs de hockey du monde peuvent comprendre.
Ses émotions ont débordé lorsqu'il a parlé de son défunt père Denis, qui a été le photographe officiel des Canadiens de Montréal pendant plus de deux décennies. C'est par l'entremise de Denis que le jeune Martin a été introduit au monde du hockey professionnel et qu'il a pu rencontrer des légendes telles que Jean Béliveau et Guy Lafleur.
Ces derniers sont membres du panthéon et maintenant, Brodeur aussi.
« Je sais que mon père serait fier », a dit Brodeur en tentant de contenir ses larmes alors qu'il regardait vers le ciel.
Brodeur a ensuite fait une révélation étonnante : il avait failli abandonner le hockey.
« À l'âge de 14 ans, j'ai été retranché de l'équipe AA, a raconté Brodeur. J'étais très déçu. Quelques mois plus tard, j'avais décidé d'abandonner le hockey pour m'amuser avec mes amis. »
Brodeur a fait une pause. D'autres larmes ont coulé.
« Quand mon grand frère Claude l'a appris, il m'a agrippé par le collet et il m'a ramené dans l'équipe », a continué Brodeur après plusieurs secondes. « Quand on est adolescent, on a besoin de la famille et des amis pour rester concentré sur son objectif. »
L'objectif de Brodeur : atteindre la Ligue nationale de hockey comme son idole, Patrick Roy. Mission accomplie.
Brodeur a gagné trois fois la Coupe Stanley (1995, 2000, 2003) avec les Devils du New Jersey. C'est justement deux de ses anciens coéquipiers, Scott Stevens et Scott Niedermayer, eux aussi membres du Temple de la renommée, qui lui ont présenté sa plaque.
Il a contenu ses larmes lorsqu'il l'a reçue. Et il n'a pas été le seul à le faire au cours de cette soirée spéciale.
WILLIE O'REE : « Si tu tombes, relève-toi. »
Willie O'Ree ne savait pas qu'il avait marqué l'histoire avec les Bruins de Boston, il était trop occupé à penser à la prochaine étape de sa carrière.
« Croyez-le ou non, mais le 18 janvier 1958, quand j'ai sauté sur la glace avec les Bruins, je n'ai pas réalisé que je venais de briser la barrière de la couleur. J'étais trop concentré à réaliser mon rêve, a confié O'Ree. J'ai su que j'avais marqué l'histoire seulement quand je l'ai lu dans les journaux le lendemain. »
O'Ree a continué de vivre son rêve en œuvrant comme ambassadeur de la diversité de la LNH. Il aide ainsi la ligue à s'ouvrir sur le plus de gens possible.
« Je veux remercier le commissaire de la LNH Gary Bettman de m'avoir confié cette tâche pour concrétiser la vision de la LNH selon laquelle le hockey est pour tous, a déclaré O'Ree. Merci du fond de mon cœur pour cette chance que vous m'avez donnée. »
Finalement, il a donné un conseil à ses auditeurs en utilisant son amitié avec le musicien Snoop Dogg pour illustrer son propos et offrir un plan d'action.
« Il y a plusieurs années, je participais à un événement à Los Angeles et Snoop Dogg était là. Nous savons tous à quel point il aime notre sport, mais quand je lui ai fait enfiler des patins, il m'a dit : "Willie, j'espère que je ne tomberai pas." Je lui ai répondu la même chose que je réponds aux enfants : "Si tu tombes, relève-toi." »
Il a conclu a lançant un défi à tous les amateurs de hockey.
« Ce soir, je vous annonce que nous n'avons pas terminé, a poursuivi O'Ree. Il reste des barrières à briser et des chances à donner. Je vous lance un défi. Quand vous retournerez dans vos communautés, observez votre entourage, identifiez un jeune garçon ou une jeune fille qui a besoin d'avoir une occasion de jouer au hockey et donnez-la-lui. On ne sait jamais, ils pourraient marquer l'histoire. »
JAYNA HEFFORD : Une carrière basée sur la famille
Jayna Hefford n'a jamais rêvé d'être admise au Temple de la renommée du hockey quand elle était petite. Elle voulait jouer dans la LNH et gagner la Coupe Stanley.
En fin de compte, elle aura connu une carrière internationale remarquable pour le Canada, remportant sept médailles d'or et cinq d'argent en 12 championnats mondiaux ainsi que quatre médailles d'or et une d'argent en cinq participations aux Jeux olympiques. En 267 parties pour le Canada, elle a inscrit 157 buts et 291 points, ce qui lui vaut le deuxième rang de l'histoire derrière Hayley Wickenheiser.
« J'ai eu la chance d'avoir une famille et un réseau de soutien qui m'a permis d'assouvir ma passion pour ce sport, a mentionné Hefford. Ce qu'il y a de plus incroyable dans mon histoire, c'est que mes proches ne m'ont jamais dit que je ne jouerais jamais dans la LNH. »
La passion de Hefford pour ce sport lui vient de son père Larry, qui est décédé en 2007. Elle a rendu hommage à son père et à sa mère Sandra, qui l'ont toujours encouragée à poursuivre ses rêves de hockey à une époque où peu de filles le pratiquaient.
« Mon père était mon plus grand admirateur. Il aurait été extrêmement fier de moi et il aurait été très fier de se retrouver ici avec vous tous. Je sais qu'il m'a transmis sa passion pour ce sport, a indiqué Hefford. À ma mère, merci de m'avoir encouragée à poursuivre mes rêves et ma passion et de n'avoir laissé personne m'imposer de limites. »
Maintenant qu'elle occupe le poste de commissaire de la LCHF, Hefford a tenu à livrer un message d'inclusion afin que tous ceux qui veulent jouer au hockey aient la chance de le faire.
« Je ne serais pas ici ce soir si je n'avais pas eu la chance de jouer à ce sport à une époque où c'était encore considéré comme un sport masculin, a ajouté Hefford. J'espère que vous ferez la promotion de la puissance de l'accessibilité pour tous, car c'est uniquement lorsque nos voix sont unies qu'elles deviennent trop fortes pour être ignorées. »
ALEXANDER YAKUSHEV : Une porte fermée qui fait une différence
Dans sa présentation des autres membres de la cohorte de 2018 du Temple de la renommée du hockey, le commissaire de la LNH Gary Bettman a affirmé que l'attaquant russe Alexander Yakushev « avait donné des papillons dans le ventre » à tous les Canadiens avec son jeu lors de la mythique Série du siècle de 1972.
Le commissaire aurait plutôt dû dire que Yakushev avait donné des ulcères d'estomac aux amateurs de hockey canadiens.
« Il n'y a pas eu de perdant dans cette série », a déclaré Yakushev sur scène. « Le gagnant, c'est le hockey dans toute sa majesté. »
L'ailier du Spartak de Moscou est le 19e membre ayant participé à la Série du siècle à être admis au panthéon du hockey : 16 Canadiens et trois Russes. L'excellent gardien de l'Armée rouge Vladislav Tretiak, la pierre angulaire des meilleures équipes soviétiques qui a été intronisé au Temple de la renommée en 1989, a présenté sa plaque à Yakushev.
« Je suis né dans l'Union soviétique de l'après-guerre et j'ai passé les sept premières années de ma vie dans une cabane en bois à l'extérieur de Moscou », a raconté Yakushev dans son discours, lors duquel il a remercié ses parents, qui travaillaient dans une usine de métallurgie, de lui avoir donné tout ce qu'ils pouvaient.
La vie de cette famille de cinq s'est améliorée quand elle a déménagé à Moscou, d'abord dans une seule chambre de 3,5 mètres carrés, puis dans un appartement à une chambre.
Par la suite, Yakushev s'est taillé une place au sein du programme du Spartak de Moscou, où il a passé le reste de sa carrière en Russie.
Yakushev a remercié les entraîneurs et les coéquipiers qui ont joué un rôle majeur dans sa carrière, particulièrement ceux qu'il a côtoyés dans l'équipe nationale « avec qui il a défendu l'honneur de son pays et gagné deux médailles d'or olympiques ainsi que sept titres des championnats mondiaux. »
Le Spartak de Moscou a toujours occupé une place importante dans son cœur, et ce, même si les autorités du pays auraient voulu qu'il se joigne au club de l'Armée rouge lorsqu'il était à son apogée.
« Je n'ai jamais considéré cette option, a-t-il révélé. Un jour, un officier et deux soldats sont venus à mon appartement pour tenter de me recruter dans l'armée. Ma femme Tatiana a refusé de leur ouvrir la porte et elle leur a dit que je n'étais pas là. »
Cette porte qui est restée fermée a possiblement modelé l'avenir de Yakushev, qui a abouti au Temple de la renommée, lundi.