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Simon Gagné a disputé 14 saisons dans la LNH et il a réussi 291 buts et totalisé 601 points en 822 matchs, connaissant notamment deux saisons de 40 buts et plus. Il a remporté la Coupe Stanley dans l'uniforme des Kings de Los Angeles en 2012. Sur la scène internationale avec le Canada, il a savouré la conquête de la médaille d'or aux Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City et la conquête de la Coupe du monde en 2004. L'attaquant sélectionné au 22e rang du repêchage 1998 a successivement porté les couleurs des Flyers de Philadelphie, du Lightning de Tampa Bay, des Kings de Los Angeles et des Bruins de Boston. Simon a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com chaque semaine afin de discuter de l'actualité de la LNH.

C'est la semaine d'intronisation annuelle des nouveaux membres au Temple de la renommée, qui va connaître son point culminant lundi. C'est un gros conventum pour la grande famille du hockey qui va se retrouver à Toronto afin d'accueillir les arrivants comme il se doit.
Pour ceux-là, c'est la consécration, le point d'exclamation sur une brillante carrière. Tous les honneurs qu'on leur rendra et les éloges qu'on leur fera sont pleinement mérités. Qu'ils les acceptent sans fausse modestie.
Je m'intéresse particulièrement à la cuvée de cette année parce qu'il récompense deux Québécois que je considère comme des amis, Martin Brodeur et Martin St-Louis.
Tout sera dit et écrit sur eux au cours des prochaines journées au sujet de leur illustre carrière dans la LNH et de l'héritage qu'ils laissent. Je m'étais moi-même prêté à l'exercice au moment de la confirmation de leur admission au Temple au début de l'été dernier.
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Pour cette chronique, j'ai envie de vous parler de la personnalité des deux Martin, qui est très semblable sur un point : les deux savaient faire la différence entre avoir du plaisir et se comporter comme un professionnel.
J'ai vécu beaucoup de choses à un jeune âge dans ma carrière et je me considère chanceux d'avoir eu Martin Brodeur sur mon chemin avec l'équipe canadienne. Il a été un merveilleux professeur, il m'a enseigné comment être un bon professionnel. J'ai grandement appris à son contact.
J'étais à peine âgé de 21 ans en 2001 quand je me suis présenté au camp estival d'Équipe Canada, en vue des Jeux olympiques de Salt Lake City l'année suivante. C'était intimidant pour moi d'être avec tous ces joueurs vedettes. Les Mario Lemieux et Joe Sakic étaient mes idoles, quelques années auparavant.
Il y avait peu de Québécois et, comme ça arrive tout le temps dans le hockey, on tisse vite des liens entre nous. Martin Brodeur avait joué le rôle de grand frère en facilitant mon intégration dans le groupe. Aux Jeux olympiques, nous avons été des cochambreurs au village des athlètes et nos familles sont devenues très proches.
J'ai été à même de constater que ce qu'on disait à son endroit était véridique. Martin possédait une personnalité unique pour un gardien. Il faisait bande à part de tous ceux que j'ai côtoyés pendant ma carrière, ça je peux vous l'affirmer. Il était exactement comme nous les joueurs, sa routine de préparation était la même. Il était toujours très décontracté et affable qu'on venait à se demander parfois si c'était lui qui gardait le but. Il pouvait se pointer dans le vestiaire une quinzaine de minutes avant la période d'échauffement et il parlait avec tout le monde. C'était le jour et la nuit avec les autres gardiens qui sont reconnus pour être de drôles de bibittes. Il était pareil à l'extérieur de la patinoire, accessible et aimable pour les amateurs.
Ça m'avait marqué. Il m'avait montré qu'il y avait un temps pour se détendre et s'amuser et un temps pour être sérieux et travailler. On oublie trop souvent que le hockey est un jeu. Trop souvent, on en fait une obsession presque maladive, et on en vient à suffoquer avec la pression. On a la chance de pratiquer le sport le plus le 'fun' au monde, il ne faut pas capoter. Quand on met la rondelle en jeu toutefois, il faut être prêt à se défoncer.
J'ai réalisé que Martin St-Louis était comme l'autre Martin quand j'ai appris à le connaître à l'occasion d'activités promotionnelles avec l'équipementier Bauer et également avec l'équipe canadienne en 2004 (Coupe du monde) et en 2006 (JO de Turin). Comme pour Martin Brodeur, nous nous sommes rapidement liés d'amitié, nos familles aussi.
Sous son air de joueur très intense et passionné sur la glace se cachait un boute-en-train. Martin était un clown à ses heures. Quand nous avons joué ensemble chez le Lightning de Tampa Bay en 2010-11, il lui arrivait souvent après une victoire de mettre le son de la musique à tue-tête et d'y aller de pas de danse dans le vestiaire. Ça faisait rigoler tout le monde. Ce n'était pas très chic, je vous ferai grâce des détails. Tout ce que je vous dirai, c'est qu'heureusement pour lui que les réseaux sociaux n'étaient pas à la mode dans ce temps-là.
Tout ça pour dire que, comme Martin Brodeur, Martin St-Louis était capable de décrocher et d'avoir du plaisir. C'était rafraîchissant à voir de la part d'un joueur dominant comme lui.
Quand c'était le temps de jouer, vous saviez que vous pouviez compter sur lui à 200 pour cent. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui en doute encore? Ce gars avait du feu dans les yeux sur la glace.
Pour revenir à Martin Brodeur, j'ai l'honorable distinction d'avoir été celui qui a réussi le plus de buts contre lui en saison régulière dans la LNH, soit 19, un but devant Jaromir Jagr. Disons que j'avais l'avantage de l'affronter souvent parce que les Flyers de Philadelphie et les Devils du New Jersey se mesuraient huit fois par saison à l'époque. Je ne le taquinais pas trop avec ça parce que je ne voulais pas que ça se retourne contre moi. Il le savait et je le savais. Nous avions une bonne rivalité sur la glace. Malgré mes succès contre lui, je n'étais jamais très confiant avant un match contre les Devils, surtout quand je connaissais une disette de buts.
Martin était un fin observateur. Il connaissait les tendances des attaquants et son instinct lui permettait la plupart du temps d'anticiper la feinte que vous pouviez tenter sur une échappée.
Martin St-Louis était davantage un étudiant du jeu, comme on dit. C'était un entraîneur dans l'âme. Il n'hésitait pas à prendre la parole ou à donner son opinion pendant les réunions du jeu de puissance, par exemple. Il a été un des premiers que je voyais faire ça. Le phénomène est maintenant répandu dans toutes les équipes.
Martin Brodeur a marqué l'histoire par son style hybride, qui était un mélange du style de ses prédécesseurs et du style papillon. On ne reverra peut-être plus un gardien comme lui. Il a révolutionné le sport par sa façon de faire circuler la rondelle dans son territoire. C'est à cause de lui qu'on a créé les zones interdites pour les gardiens dans les coins de patinoire. Il était comme un troisième défenseur pour les Devils. Les équipes adverses devaient adapter leur plan de match à lui.
Martin St-Louis a pavé la voie pour une génération de joueurs de petite taille. Jonathan Marchessault des Golden Knights de Vegas représente le plus bel exemple. Grâce à lui, les Max Domi, Paul Byron, Yanni Gourde et tous les autres ont pu rêver à faire leur place dans la LNH. Avant lui, plusieurs joueurs de petite taille talentueux gravissaient les échelons avant de se buter à une barrière dans la LNH. Martin St-Louis a fait tomber la barrière.
\Propos recueillis par Robert Laflamme, journaliste principal LNH.com*