J’ai pu affronter Ovechkin à six reprises, et c’est époustouflant de le voir aller. Ma force sur la glace était de bloquer les lancers, mais avec Ovi, c’était pratiquement impossible. Il a cette capacité de lancer tout juste à côté de la partie de ton corps qui devrait bloquer le tir. C’est simple, la rondelle semble te passer au travers.
Deux qualités expliquent les succès d’Ovechkin durant toutes ces années. La première est la grandeur de la zone de laquelle il peut décocher un tir. Que la rondelle se retrouve au bout de ses bras ou à deux pieds de ses patins, ça ne l’empêchera pas d’envoyer un laser vers le filet. La deuxième est qu’il n’a pas besoin d’une passe parfaite pour s’élancer. À vrai dire, il est incroyablement dangereux quand la rondelle est bondissante, parce que son lancer se transforme en balle papillon pour les gardiens, impossible à bien suivre du regard.
Les joueurs adverses savent d’où Ovechkin va lancer, de son fameux bureau du cercle gauche. Tout le monde s’y prépare, c’est dans le plan de match, les gardiens sont prêts à se déplacer, les défenseurs prêts à bloquer le lancer – même si plusieurs n’en ont pas envie, croyez-moi.
Et malgré tout, il réussit à marquer. Ça en dit long sur son talent de tireur.
Bien évidemment, les comparaisons sont nombreuses entre le record d’Ovechkin et celui de Gretzky. Lequel a le plus de valeur selon l’ère dans laquelle il a été réussi?
Certains vont rappeler que Gretzky jouait dans les années 1980, décennie où il se marquait en moyenne 7,7 buts par matchs, tandis que la moyenne de buts par rencontre durant la carrière d’Ovechkin est de 5,74. D’autres vont dire que Gretzky jouait à une époque où l’accrochage était légion, qu’il y avait moins d’équipes et que le talent était plus concentré, qu’il n’y avait pas de prolongation à 3-contre-3, etc.
Le clan adverse va répondre qu’Ovechkin a réussi son exploit à l’ère du plafond salarial, où il est impossible de se « paqueter un club » comme c’était le cas pour les Oilers dans les années 1980. Ou qu’Ovechkin a réussi son exploit alors que le niveau de talent dans la Ligue n’a jamais été aussi fort grâce à la présence de joueurs de partout à travers la planète et l’émergence des États-Unis comme puissance mondiale. Et d’autres vont souligner que Gretzky a marqué la majorité de ses buts à une époque où de nombreux gardiens ressemblaient à des épouvantails tellement ceux-ci étaient inefficaces en comparaison aux gigantesques portiers modernes.
L’équipement, les conflits de travail, le nombre de points en carrière, l’efficacité des tirs, tout le tralala peut y passer. Mais au final, qu’est-ce que ça change? Ça ne donne rien de comparer les époques, c’est le nombre de rondelles dans le filet qui compte.
Un gros merci à Sid
Est-ce qu’Ovechkin aurait été en mesure de ravir le record de Gretzky sans la présence de Sidney Crosby dans la LNH au même moment que lui? C’est une excellente question.
La rivalité entre les deux joueurs a été incroyable dès leurs débuts dans la LNH. Crosby aura toujours poussé Ovechkin à être meilleur, que ce soit lors de leur saison recrue, quand le Russe a devancé le Canadien pour le trophée Calder, en séries éliminatoires ou encore aujourd’hui, alors qu’après 20 saisons, ils sont toujours au coude à coude pour la production en carrière.
Crosby va avoir rendu Ovechkin meilleur, et l’inverse est tout aussi vrai.
J’étais aux premières loges à la ligne bleue des Penguins pour le duel entre les deux phénomènes au deuxième tour des séries éliminatoires de 2009. Tous les joueurs réalisaient à quel point nous avions de la chance de les regarder aller. C’était comme un match de tennis à l’intérieur d’une partie de hockey. Deux gars qui se poussaient l’un et l’autre, qui voulaient être les meilleurs pour le succès de leur équipe respective.
Nous avions finalement remporté la série en sept matchs, avant de mettre la main sur la Coupe Stanley quelques semaines plus tard.
Les trois conquêtes de la Coupe Stanley de Crosby auront inévitablement ajouté de la pression sur les épaules d’Ovechkin. Et c’est peut-être ce qui explique pourquoi sa fin de carrière est aussi spectaculaire. Il a changé sa philosophie de travail lors de la saison 2017-2018 pour remporter cette première Coupe Stanley, et depuis, il n’a pas levé le pied. C’est difficile à croire, mais il a une meilleure moyenne de buts par match depuis cette saison 2017-18 (337 en 556 matchs) que lors des huit saisons qui ont précédé cette conquête de la Coupe (339 en 597 rencontres).
Cette longévité défie toute logique. Aucun joueur actif ne parviendra à s’approcher de cette nouvelle marque.
Robidas à l’image du paternel
Si Ovechkin a vécu un moment important de sa carrière cette semaine, il n’est pas seul. Justin Robidas a effectué ses débuts dans la LNH vendredi avec les Hurricanes de la Caroline, et il a amassé un but et une passe lors de ses deux premiers matchs.
C’est un excellent départ, et ce n’est qu’un début à mon avis. Et si jamais ça se corse, le Québécois de 22 ans n’aura pas besoin de regarder bien loin s’il a besoin d’un peu d’inspiration, puisque son père Stéphane est toujours là pour le conseiller entre deux matchs des Canadiens de Montréal, dont il est l’entraîneur adjoint.