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Une carrière dans la LNH est définie par plusieurs événements. Les joueurs actuels et les anciens chérissent un moment particulier, un match ou encore des exploits plus larges. Au cours de notre série hebdomadaire de huit articles « Savourez chaque moment » présentée par Olymel, huit joueurs vont partager une expérience de hockey qui occupe une place spéciale dans leur cœur. Aujourd'hui, l'ancien gardien de la LNH, double gagnant de la Coupe Stanley et membre du Temple de la renommée Bernard Parent discute de sa performance de 63 arrêts dans une victoire de 2-1 en deuxième prolongation contre les Blues de St. Louis lors du match no 6 de la demi-finale de la section Ouest, le 16 avril 1968.

La route pour atteindre le Temple de la renommée a été longue et pleine de rebondissements pour Bernard Parent.
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La carrière du Montréalais s'est mise en branle en jouant au hockey-balle dans les rues de sa ville natale, puis il s'est retrouvé dans les rangs juniors à Niagara Falls, en Ontario, avant de rebondir dans les ligues mineures à Oklahoma City, pour finalement faire le saut dans la LNH avec les Bruins de Boston, les Flyers de Philadelphie et les Maple Leafs de Toronto. Il a par la suite fait un petit détour d'une saison dans l'Association mondiale de hockey (AMH), puis il est revenu avec les Flyers, avec qui il allait remporter la Coupe Stanley deux fois.
Parent a connu deux saisons spectaculaires avec les Flyers, en 1973-74 et en 1974-75, lors desquelles il a remporté la Coupe Stanley, le trophée Conn-Smythe, octroyé au joueur le plus utile à son équipe en séries éliminatoires, et le trophée Vézina, remis à l'époque au gardien avec les meilleures statistiques en saison. Aucun autre portier n'a été en mesure de mettre la main sur ces trois trophées lors de deux saisons consécutives.

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Il a livré des performances mémorables durant ses 14 saisons dans la LNH, lui qui a joué 679 parties en saison et en séries entre 1965 et 1979. Mais 43 ans après la fin de sa carrière, il se souvient d'un match en particulier, celui où il a enregistré 63 arrêts pour signer une victoire de 2-1 en deuxième prolongation lors du match no 6 de la demi-finale de la section Ouest entre ses Flyers et les Blues de St. Louis, le 16 avril 1968.
« Si tu fais face à 64 tirs et que tu n'es battu qu'une fois, le bon Dieu t'a permis de connaître un bon match, a affirmé Parent. J'ai peut-être connu de meilleures parties dans ma carrière, mais je n'ai jamais été aussi efficace. »
Les Flyers tiraient de l'arrière 3-2 dans la série à l'aube de ce match et ils faisaient face à l'élimination contre St. Louis, avec à l'enjeu une place en finale de la section Ouest.

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« St. Louis, c'est un endroit magnifique pour jouer au hockey, a souligné Parent. C'était toujours plein, bruyant, et je suis d'avis que quand il y a de l'ambiance, ça te motive comme joueur. »
Les 13 738 partisans réunis au St. Louis Arena avaient toutes les raisons de se réjouir avant le premier entracte, puisque l'attaquant Gerry Melnyk avait donné l'avance aux locaux 1-0 avec un but sur le jeu de puissance à 18:06.
Les Blues ont assailli Parent en deuxième période avec 16 tirs, alors que Philadelphie n'en a décoché que trois sur le futur membre du Temple de la renommée Glenn Hall. Mais les Flyers ont repris vie en troisième période, dominant 18-11 au chapitre des lancers, sauf qu'avec moins d'une minute à faire en temps réglementaire, ils tiraient toujours de l'arrière.
L'entraîneur-chef Keith Allen a retiré Parent au profit d'un sixième attaquant, et avec 15 secondes à faire, André Lacroix a marqué le but égalisateur pour envoyer tout le monde en prolongation.

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Et comme c'est si souvent le cas, le but qui a fait la différence en a été un chanceux. L'attaquant des Flyers Don Blackburn a traversé la ligne bleue avant de décocher un tir anodin en direction de Hall. Le gardien a perdu l'équilibre et il n'a rien pu faire pour arrêter la rondelle, qui est passée entre ses jambières à 11:08 de la deuxième période de surtemps.
Il s'agissait du 43e tir des Flyers et de leur deuxième de cet engagement. Parent a stoppé 25 rondelles durant la prolongation, et la série allait maintenant retourner à Philadelphie pour un match ultime.
L'attaquant des Blues Red Berenson est revenu bredouille de ce match malgré 10 tirs. Tim Ecclestone, Larry Keenan et Jimmy Roberts en avaient six chacun.
C'était la deuxième fois que la série se transportait en deuxième prolongation. Les Flyers s'étaient imposés 3-2 lors du troisième match à St. Louis grâce aux 57 arrêts de Parent.
Le gardien québécois ne se souvient pas d'à quel point il était épuisé à la suite de chacun de ces deux marathons, mais plutôt de l'exaltation de la victoire.

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C'était tellement excitant. Après le match, nous étions survoltés, pas du tout fatigués, a-t-il expliqué. Tu vis avec ces souvenirs pour le reste de ta vie. Je suis tellement reconnaissant d'avoir pu faire ces arrêts.
« J'adorais faire face à beaucoup de tirs. Je communiquais bien avec mes défenseurs. Joe Watson était vraiment intelligent par rapport à ça. Quand un attaquant descendait en zone offensive sur Joe, il jouait toujours l'homme, jamais la rondelle.
« Donc, ce que j'anticipais si l'adversaire était un gaucher, c'est que le lancer allait être du côté de mon bâton. Un droitier? Le tir allait être vers ma mitaine. Plutôt que de seulement bloquer des lancers, j'anticipais et je visualisais le jeu. Mes coéquipiers m'ont vraiment aidé. »
Malheureusement, il n'y a pas eu de conte de fées pour les Flyers, qui allaient devoir attendre encore six ans avant de soulever la Coupe Stanley pour la première fois. Les Blues l'ont emporté 3-1 lors du match no 7 au Spectrum, puis ils ont défait les North Stars du Minnesota en sept parties avant d'atteindre la finale de la Coupe Stanley, où les Canadiens de Montréal les ont balayés.

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Au sein de la formation des Blues, il y avait le défenseur Noel Picard, dont le frère, Roger, avait joué un rôle important pour convaincre le jeune Parent de devenir un gardien au hockey mineur à Montréal après l'avoir vu à l'œuvre dans la rue au hockey-balle.
La saison suivante, en 1968-69, les Blues allaient avoir comme gardien la légende Jacques Plante, fraichement sorti de la retraite. Dans sa jeunesse, Parent avait comme idole Plante, dont la sœur Thérèse était sa voisine. Il lui arrivait fréquemment de tirer les rideaux du salon pour voir si son héros, alors membre des Canadiens, était de passage.
« Jacques portait un gros chapeau fédora et il fumait le cigare. Il avait l'air d'un roi. Il en était un en fait. »
Les deux gardiens se sont retrouvés comme coéquipiers chez les Maple Leafs de Toronto pour une saison et demie au début des années 1970. C'est à ce moment que Plante l'a pris sous son aile et qu'il lui a « enseigné à ne pas seulement jouer au hockey, mais à être un professionnel. »
« J'avais 25 ans, il en avait 42, s'est souvenu Parent. Ç'a changé toute ma carrière. Quand on parle de miracles de la vie, c'en était un. »

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Si la série de 1968 contre les Blues s'est terminée par une défaite, elle a donné un avant-goût alléchant de ce que le futur allait réserver à Parent. Six ans plus tard, il allait signer un incroyable jeu blanc contre les Bruins lors du sixième match de la finale de la Coupe Stanley pour donner aux Flyers le premier de leurs deux titres de suite.
Cette victoire historique avait eu lieu le 19 mai 1974, qui est la date de naissance, mais aussi de décès, un an plus tôt, de sa mère.
« Certains des (30 arrêts) que j'ai réalisés ce soir-là… ce n'était pas moi qui les arrêtais », a dit Parent, la gorge nouée.
Le sourire lui est revenu lorsqu'il s'est souvenu de la cérémonie dans un hôtel de Philadelphie quelques jours plus tard. On lui a remis une nouvelle voiture, une récompense pour avoir remporté le trophée Conn-Smythe. Il a immédiatement donné les clés à l'entraîneur Fred Shero.
« La Coupe Stanley, ça se gagne en équipe, donc je trouvais que Fred méritait la voiture. Il a pris les clés sans hésiter », a raconté Parent en riant. « Puis, durant l'été, il m'a téléphoné pour savoir s'il pouvait amener la famille pour une visite. Il m'a aussi posé une autre question : 'Avais-tu l'intention de payer les taxes de la voiture?' »
« Bien évidemment, je l'ai fait! »
Photos: Temple de la renommée du hockey; Getty Images