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Choix de première ronde des Nordiques de Québec au repêchage 1993 de la LNH, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons. Il occupe en ce moment le poste de directeur général de Hockey Québec, poste qu’il quittera en juin, en plus d’être actionnaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 32 filets de la Ligue.

Nous y voilà. Les finales d’association. On a droit à d’excellentes séries éliminatoires jusqu’ici, et ça promet d’être encore plus enlevant pour la suite.

Commençons par l’Ouest, si vous le voulez bien. Connor McDavid et les Oilers d'Edmonton s’en sont sortis contre les Canucks de Vancouver, mais ce ne fut pas de tout repos. L’entraîneur Kris Knoblauch a bien joué ses cartes dans cette série. Stuart Skinner ne connaissait pas ses meilleurs moments, et Knoblauch a posé un geste pour le moins courageux en faisant appel à Calvin Pickard, qui n’avait aucune expérience en séries éliminatoires, pour les quatrième et cinquième matchs.

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Mais il est revenu avec Skinner pour le match no 6, ce qui était la bonne décision à prendre à mon avis. Skinner n’a pas été très occupé dans les deux dernières rencontres de la série – les Canucks n’ont dirigé que 32 tirs au total – mais il a fait le travail quand ça comptait. Ça se voyait qu’il avait le couteau entre les dents. J’avais d’ailleurs beaucoup aimé sa réaction après le match no 5, quand il avait déclaré qu’il voulait retrouver le filet pour le match no 6, que c’était son filet et son équipe. Sa détermination en disait long.

On me le disait quand je jouais, et je le dis toujours à mes gardiens : le lancer le plus important, c’est le prochain. Et donc, le match le plus important, c’est le prochain. Bref, à mon sens, ce qui est survenu dans le passé ne veut plus rien dire. C’est pour cette raison que je suis loin d’enterrer les Oilers malgré l’avantage sur papier qui va aux Stars de Dallas devant le filet pour la finale de l’Ouest.

Les Stars sont toute une machine de hockey, et Jake Oettinger connaît des séries exceptionnelles. Sa moyenne de buts alloués de 2,09 lui confère d’ailleurs le premier rang parmi les gardiens ayant disputé au moins 10 matchs. L’expérience qu’il a acquise dans les dernières saisons en séries le sert très bien.

Mais je pense quand même que les Oilers vont sortir gagnants de cette série. J’aimerais vous dire que c’est basé sur des calculs scientifiques, mais il n’en est rien. C’est vraiment une question de pressentiment. D’un autre côté, avant le début des séries, j’avais choisi Edmonton pour atteindre la finale de la Coupe Stanley, il faut bien que je sois conséquent!

Après deux rondes, les quatre meilleurs pointeurs des séries sont des joueurs des Oilers – Leon Draisaitl, McDavid, Evan Bouchard, Ryan Nugent-Hopkins. C’est assez incroyable. Je ne sais pas si le mot « destinée » est le bon, mais j’ai ce sentiment que ça peut enfin être l’année des Oilers.

Ils ont beaucoup plus de profondeur que par les années passées. Les ajouts de vétérans comme Corey Perry, Adam Henrique et Sam Carrick, même s’ils n’ont pas joué tous les matchs, représentent des munitions additionnelles et un bagage d’expérience non négligeable. Et on ne parle pas assez d’un gars comme Vincent Desharnais qui, à mon avis, est un des héros obscurs des séries pour Edmonton. Le grand défenseur québécois obtient beaucoup de temps de glace et on lui confie des missions précises. Presque personne ne parle de lui, mais il a un grand impact au sein de l’équipe.

Les enjeux sont importants pour les Oilers. Sans dire que leur fenêtre d’opportunité se referme, il faut que les résultats arrivent un jour ou l’autre. Un peu comme à Toronto, les joueurs vedettes vieillissent, et il y a le plafond salarial qui entre en ligne de compte.

Un duel Shesterkin-Bobrovsky, du bonbon

La finale de l’Est promet également de nous offrir tout un spectacle. Le face-à-face entre Igor Shesterkin et Sergei Bobrovsky sera un vrai régal pour les amateurs de gardiens. Deux compatriotes, ça apporte toujours un petit quelque chose de plus. Quand je gardais les buts et que j’affrontais un autre gardien québécois, il y avait toujours une petite motivation additionnelle de vouloir avoir le dessus.

Mettons cartes sur table : Shesterkin a été beaucoup plus dominant que Bobrovsky dans les présentes séries. Sans rien enlever aux Rangers de New York, si ce n’était pas de Shesterkin, ils ne seraient pas venus à bout des Hurricanes de la Caroline au deuxième tour. L’expression « voler la série » est peut-être un peu forte, mais ce n’est pas loin de la réalité.

Bobrovsky a été bon dans les moments opportuns, mais devant le filet, je n’ai pas le choix de donner l’avantage aux Rangers. Sauf qu’exactement comme je l’ai fait dans ma prédiction pour l’Ouest, je penche pour l’équipe qui n’a pas l’avantage sur papier dans le demi-cercle bleu. Les deux équipes ont énormément de profondeur à l’attaque et en défense, et beaucoup de caractère, mais je crois que les Panthers de la Floride ont ce petit je-ne-sais-quoi de plus.

On risque d’assister à une longue série extrêmement serrée. Les Rangers ont ajouté beaucoup de joueurs hargneux dans les dernières années. Je pense à un gars comme Vincent Trocheck, qui rend meilleurs ses ailiers Artemi Panarin et Alexis Lafrenière par sa fougue et son talent. Il a un énorme impact à New York.

Sauf que les Barkov et les Tkachuk, combinés à la force de frappe des Panthers en défensive, me laissent croire que la Floride aura le dessus.

Qui? Oui, oui, Arturs Silovs

Année après année, on semble être témoin d’une histoire de la sorte. Le troisième gardien d’une organisation qui est appelé en renfort et envoyé presque malgré lui dans la gueule du loup dans le moment le plus important de la saison. Cette année, c’est Arturs Silovs avec les Canucks.

Est-ce que ce genre de situation fait en sorte que la pression devient alors moins grande et que c’est ce qui explique les succès connus par ces gardiens qui sortent un peu de nulle part? Je ne pense pas, car il y a toujours de la pression, surtout dans un gros marché de hockey canadien comme Vancouver. Mais les attentes deviennent possiblement un peu moins élevées, et ça peut aider l’individu mentalement.

C’est une belle histoire que j’ai suivie avec attention. Quand j’étais directeur général du Phoenix de Sherbrooke, j’avais Silovs dans ma ligne de mire en 2019 lors du repêchage européen de la Ligue canadienne de hockey. C’est un gardien que j’aimais beaucoup, je l’avais vu jouer au Championnat mondial des moins de 18 ans à l’époque et il se retrouvait sur ma courte liste. Ce sont finalement les Colts de Barrie, de la Ligue de hockey de l’Ontario, qui l’ont repêché avant nous au 11e rang.

Les équipes accordent de plus en plus d’importance à la profondeur devant le filet, et il faut attribuer du mérite aux Canucks. Ils l’ont repêché et ont bien vu à son développement. Les gens parlent beaucoup du fait que Silovs s’est retrouvé dans l'ECHL il y a à peine deux ans, mais il faut garder en tête que, souvent, ce n’est pas parce que ces gardiens-là ne sont pas capables de jouer dans la Ligue américaine de hockey (LAH). C’est simplement qu’il n’y a pas de place pour eux. Il y a deux gardiens avec le grand club dans la LNH et deux gardiens avec le club-école dans la LAH; ça laisse seulement quatre postes!

Tu veux que tes jeunes gardiens de 20-21 ans obtiennent du temps de glace, alors tu les envoies dans l'ECHL afin de les faire jouer, pas nécessairement pour les rétrograder. C’est exactement ce qui s’est passé avec Silovs et il n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

*Propos recueillis par Philippe Landry, pupitreur LNH.com