Qu'arrive-t-il à Aaron Ekblad?
Bouchard : Le rendement offensif du défenseur des Panthers a décliné, mais y a-t-il lieu de s'inquiéter?
par Olivier Bouchard @oli_bou / Chroniqueur LNH.com
Les Panthers de la Floride ont accordé cet été un contrat faramineux à Aaron Ekblad, même si le jeune défenseur avait encore une saison à écouler à sa présente entente. Avec en poche la garantie de recevoir 60 millions de dollars d'ici la fin de la saison 2024-25, Ekblad semble coincé. Sa récolte de 10 points en 32 matchs revient en effet à une production de 25 points sur 82 parties, une chute dramatique après des saisons de 39 et 36 points.
Sans dire qu'on s'est fourvoyé, le fait est que les Panthers ont décidé de sortir le paquet même si les performances de leur jeune surdoué ne sont pas encore dignes d'un défenseur de premier plan. Au-delà des variations usuelles de la chance et du temps d'utilisation, le fait est qu'Ekblad n'est pas encore ce défenseur par qui les Panthers obtiennent systématiquement un avantage sur l'adversaire.
La formule calculant le nombre de buts prévus (« expected goals »), mise au point par le site corsica.hockey nous permet de mieux le comprendre. Lorsqu'on compare, sur une moyenne de 20 matchs, la part prévue des buts obtenus par l'équipe selon qu'Ekblad est ou non sur la glace, on constate qu'après une première saison prometteuse et un début de saison remarquable l'an dernier, les choses semblent depuis aller de mal en pis.
Même si Ekblad resserre l'écart qui le sépare de son équipe depuis le début de la présente saison, on doit quand même poser la question : que se passe-t-il?
Une partie de l'explication se trouve dans le contexte d'utilisation. À partir du vingtième match en 2015-16, on cesse d'associer systématiquement Ekblad au vétéran Bryan Campbell, dont les services n'ont même pas été conservés cet été. Campbell étant encore, à 37 ans, un joueur ayant un impact positif net sur la capacité de son équipe à déclasser l'adversaire aux buts marqués à forces égales, le jeune Ekblad a souffert de cette séparation.
Il semble qu'on n'a pas encore trouvé de joueur capable de l'accompagner à la satisfaction des gérants de l'équipe. Les deux autres joueurs à l'avoir épaulé le plus souvent l'an dernier, Dmitry Kulikov et Erik Gudbranson n'ont tout simplement pas été ramenés avec l'équipe, alors que Steven Kampfer a été échangé aux Rangers de New York à l'automne.
Parmi les nouveaux venus, c'est Keith Yandle qui a permis à Ekblad d'obtenir les meilleurs résultats, alors que les choses ont été passablement plus médiocres avec Jakub Kindl et Michael Matheson. Il n'est pas dans le graphique ci-dessous, mais je souligne qu'Ekblad a obtenu des résultats intéressants en compagnie de Mark Pysyk (52 pour cent des tirs obtenus avec lui).
Bref, une partie des problèmes d'Ekblad s'explique par le fait qu'on a de la difficulté à lui trouver un partenaire lui permettant d'élever son jeu.
Sa faible production offensive est un autre élément qui inquiète. Encore ici, on peut regarder du côté des buts prévus pour mieux comprendre de quoi il en retourne. En évaluant le type de tirs obtenus par Ekblad à 5-contre-5, on peut voir jusqu'à quel point il a, personnellement, un impact sur la production offensive de son équipe. Il est intéressant de noter que le jeune défenseur a toujours, depuis le début de sa carrière, dépassé les taux attendus de lui, plus particulièrement l'an dernier. Cette saison, avec déjà quatre buts marqués à 5-contre-5, il est en route vers une campagne d'une dizaine de buts dans cette seule situation.
Ça ne serait pas un petit exploit; depuis trois ans, seuls Erik Karlsson (trois fois) et Brent Burns (deux fois) ont éclipsé cette marque chez les défenseurs de la ligue !
Si la production offensive d'Ekblad inquiète, c'est encore à 5-contre-5 qu'on doit chercher l'explication, plus précisément du côté des performances de ses coéquipiers. Ceux-ci ont marqué sept buts en sa présence, alors que la nature des tirs qu'ils ont obtenus laisse prévoir une récolte de 17 buts. Les chances de marquer sont là, mais l'opportunisme n'y est pas. Dans ce contexte, les passes ne viennent pas.
Reste qu'on est ici en présence d'un défenseur qui a besoin du bon partenaire pour donner sa pleine mesure. Ça n'est pas inhabituel, mais on peut s'attendre d'un défenseur qui est parmi les mieux payés de la ligue qu'il soit capable de livrer la marchandise, peu importe l'identité du joueur sur son flanc gauche. Y a-t-il malgré tout lieu de s'inquiéter?
Je pense qu'il est encore trop tôt pour ça. Ekblad n'a que 20 ans et, on l'a vu, se tient généralement à un ou deux pour cent des taux de buts attendus de son équipe. Erik Karlsson, un des défenseurs les plus dominants de son époque, est arrivé dans la LNH à 19 ans et n'a vraiment décollé qu'à l'âge de 21 ans. Et même s'il est aujourd'hui au sommet de sa carrière, il connaît malgré tout une saison décevante sur ce point.
Ekblad, donc, n'est pas exactement dans une position qui doit inquiéter ses patrons. Sa production offensive individuelle, alors qu'il sort à peine de l'adolescence, le place déjà parmi les meilleurs de la LNH et seule l'incurie de ses coéquipiers déprécie son travail sur ce point. Et son impact sur l'avantage que son équipe a aux buts marqués ne décroche pas tant de ses coéquipiers pour peu qu'on le jumelle à un partenaire adapté. On va probablement continuer les expériences sur ce point, quitte à se porter acquéreur d'un nouveau joueur d'ici la date limite des transactions, ce qui devrait permettre à Ekblad de donner sa pleine mesure en séries. Et il y a fort à parier que, dès l'an prochain, il sera capable de donner le ton sans qu'on ait à cibler un profil précis de partenaire. Les Panthers ont surpris la planète hockey par leur agressivité, et il est peu probable qu'Ekblad ne leur permette pas de couvrir leur pari.