Lafleur

MONTRÉAL - Guy Lafleur a toujours le logo des Canadiens de Montréal tatoué sur le coeur, près de 30 ans après son dernier match dans la LNH. Le Démon blond saigne encore aux couleurs du bleu-blanc-rouge. Mais sous son veston et sa chemise, Lafleur porte deux preuves des moments où il a littéralement frôlé la mort, l'automne dernier, quand il a subi deux interventions chirurgicales d'urgence qui l'ont frappé de plein fouet.

Il y a une longue cicatrice verticale qui part de la poitrine de Lafleur, résultat du quadruple pontage qu'il a subi le 26 septembre quand ses médecins ont constaté que quatre de ses artères coronaires étaient complètement bloquées et qu'une cinquième était bouchée à près de 90 pour cent.
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L'homme de 68 ans membre du Temple de la renommée du hockey était de nouveau hospitalisé à Montréal, deux mois plus tard, afin qu'on enlève un tiers de son poumon droit; les médecins avaient découvert des tumeurs cancéreuses au moment de diagnostiquer l'état de son coeur. L'opération au poumon a laissé une autre cicatrice, celle-là dans le dos. C'est par là que les chirurgiens sont passés pour aller enlever le lobe supérieur, où se trouvaient les tumeurs.
Lundi, Lafleur était de retour au Centre Bell. C'était sa première visite au domicile des Canadiens depuis l'automne. Vingt-cinq livres en moins, son visage avait retrouvé ses couleurs maintenant qu'il a arrêté de fumer. Il était assis dans le salon des anciens du Tricolore quand il a dressé la liste des opérations qu'il a subies durant sa carrière longue de 17 ans et 1126 matchs dans la LNH.
« Eh bien, je me suis fait enlever les amygdales », a-t-il lancé en riant.

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Pour les partisans du club montréalais, Lafleur est l'incarnation vivante de la glorieuse dynastie des années 1970 des Canadiens, une figure remarquablement populaire qui est incapable de franchir plus de 10 pieds dans cette ville, et même ailleurs, sans qu'on l'arrête pour une photo ou un autographe.
Il a remporté cinq championnats de la Coupe Stanley avec les Canadiens durant cette décennie-là, et marqué 518 buts, un record d'équipe, de 1971 à 1985. Il en a inscrit 42 autres avec les Rangers de New York et les Nordiques de Québec de 1988 à 1991, quand il est retourné dans la LNH à la suite d'une retraite de quatre ans, ayant entre-temps été intronisé au Temple de la renommée du hockey.
C'est donc comme un tremblement de terre que l'univers du hockey - et surtout celui des Canadiens et de leurs partisans - a ressenti l'urgence médicale vécue par Lafleur l'automne dernier, alors qu'on a constaté que celui qui était considéré comme un homme indestructible avait désormais la santé très fragile.
Pilote d'hélicoptère pendant plusieurs années, Lafleur a consulté son médecin le 23 septembre pour un examen de routine. C'était là la marche habituelle à suivre pour faire renouveler sa licence.
« Le médecin a regardé mon échocardiogramme et il a dit, "Tu es malade", a indiqué Lafleur. J'ai répondu, "Non." Et il a dit, "Oui, tu l'es. Connais-tu un cardiologue?" J'ai dit, "Oui, un de mes bons amis", et il a dit, "Appelle-le tout de suite".
« J'ai dit, "Pourquoi?" et il a répété, "Appelle-le tout de suite." J'ai envoyé une photo de ses notes par téléphone à Benoît (Coutu, son cardiologue). Il m'a appelé et il m'a dit, "Sois à l'hôpital à six heures demain matin". »

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Avec le recul, Lafleur se souvient d'avoir eu des signes précurseurs. Quand sa résidence en banlieue de Montréal a été menacée par les inondations au mois d'avril dernier, il a ressenti des brûlements à la poitrine pendant qu'il portait des sacs de sable. Il se souvient aussi d'avoir eu des moments où il avait le souffle court.
« J'ai pensé que j'avais peut-être perdu la forme », a-t-il lancé en haussant les épaules.
Reconnu comme quelqu'un de très actif, toujours à la course, Lafleur s'est rendu à l'hôpital - et n'a même pas duré trois minutes sur le tapis roulant.
« Benoît m'a dit, "Appelle ta femme. Tu ne sors pas d'ici." »
Lafleur venait de revenir à Montréal après un voyage au Labrador, étant monté à bord de son hélicoptère davantage pour admirer les paysages que pour pêcher le saumon ou l'omble chevalier, comme bien des gens le font dans cette région du Canada.
« Si c'était arrivé pendant que j'étais là-haut, au milieu de nulle part, a souligné Lafleur, je serais mort. »
Il a eu son congé de l'hôpital trois semaines après son pontage, et il a dû se préparer mentalement et psychologiquement à subir l'opération au poumon qui allait suivre dès qu'il en aurait la force, un minimum de deux mois. Les spécialistes ont choisi de ne pas faire de biopsie, décidant plutôt d'enlever le lobe supérieur de son poumon droit.
Lafleur a dû attendre six semaines avant de connaître les résultats des tests sur les tumeurs. Il a eu besoin d'un mois avant de pouvoir manger normalement; il est passé d'un poids de 235 à 195 livres. Il est maintenant revenu à 210 livres, poids qu'il veut maintenir.
« Ils m'ont appelé après six semaines et ils m'ont dit, "Tu n'as pas besoin de chimio ou de radiothérapie. Tout est beau." J'étais content d'entendre ça. »
Lafleur, un fumeur à la chaîne toute sa vie, a fumé sa dernière cigarette le 23 septembre.
« Ça y est, c'est fini, a-t-il dit. Ça ne me manque pas. La vie est trop courte. »
Les souhaits de prompt rétablissement ont défilé pendant ses deux périodes de récupération, alors qu'il a notamment reçu les bons mots de gens qui ont connu des vies bien remplies après avoir subi des opérations semblables.
« C'est incroyable, le soutien que j'ai reçu. Ça m'a tellement encouragé, je ne pourrais jamais les remercier assez, a dit Lafleur. Il y en a tellement qui m'ont dit, "Inquiète-toi pas, ça va bien aller, vas-y une journée à la fois." »
Lafleur s'est rendu à Toronto, samedi, pour signer des cartes, puis il est retourné au Centre Bell lundi, à l'occasion de la première journée de son retour au travail, impatient de recommencer à vivre sa vie, qu'il m'a jamais autant savourée. Il dit qu'il va maintenant y aller à un rythme plus lent, et il s'excuse de parler en phrases plus courtes; il a le souffle un peu plus court qu'avant.
Lafleur est probablement venu à quelques centimètres de la mort en 1981 quand il s'est endormi au volant de sa voiture à haute vitesse et a frappé une clôture en maillon de chaîne. Un poteau en acier a alors percé son pare-brise et frôlé son oreille, sa tête ayant penché sur le côté pendant qu'il somnolait.
Il se souvient de cet épisode, et aussi des deux opérations qu'il vient de subir, et il sourit à nouveau.
« Mon épouse, Lise, m'a dit il n'y a pas longtemps, "C'est la deuxième fois que tu es venu si proche de la mort. S'il te plaît, on n'a pas besoin d'une troisième fois." »
Photo gracieuseté de Vitor Munhoz, Canadiens de Montréal