SAUVAGEAU BADGE CHAUMONT

TORONTO – Dans son enfance, Danièle Sauvageau remplissait des bouteilles d’eau pour l’équipe de hockey de son frère. Comme jeune fille, elle n’avait pas l’autorisation de pratiquer un sport qui était à cette époque réservé aux garçons.

Mais la petite Danièle a retenu des leçons qui l’auront suivie toute sa vie. Elles provenaient de ses parents: Marcel et Lise.

« Ma mère a perdu sa mère à l’âge de cinq ans. Mon père, qui est un homme droit et posé, me disait toujours : "Ce n’est pas écrit nulle part qu’il y a une ligne. Quand quelqu’un te dit non, ça ne veut pas dire que tu ne peux pas atteindre tes objectifs. C’est juste que ça va peut-être prendre plus de temps et que tu devras t’y prendre différemment." Et ma mère, elle, disait : "Comment peux-tu aider? Comment peux-tu redonner? Qu’est-ce que tu peux faire si tu ne peux pas jouer? Aide les autres joueurs à jouer." Pour moi, c’est devenu une nouvelle opportunité.

« Quand je suis arrivée avec mon frère (Sylvain) à l’aréna, on m’a dit que lui pouvait jouer, mais pas moi. Alors, j’ai demandé si je pouvais aider. C’est une phrase que j’entendais beaucoup. Ils m’ont dit de prendre les bouteilles d’eau et de les amener au banc. Ensuite, ç’a été de mettre mes patins et placer les rondelles dans les coins. À la blague, je dis souvent que je dois être la meilleure au Canada pour placer les rondelles dans les coins et amorcer des entraînements. Ensuite, ç’a été de prendre place derrière le banc et d’ouvrir la porte. Alors, j’ai vécu mon rêve différemment. Jouer au hockey organisé, c’est un privilège que je n’ai peut-être pas eu, mais en même temps, j’ai vécu tous les rêves que tout le monde a partagé aujourd’hui. »

Aujourd’hui, Sauvageau a fait son entrée au Temple de la renommée du hockey, devenant la première femme à recevoir cet honneur dans la catégorie des bâtisseurs.

« Je ne suis pas certaine que je le réalise encore », a-t-elle dit lors d’une mêlée de presse à l’intérieur du mur du Temple, samedi après-midi, à Toronto. « Tu es ici, tu regardes autour et c’est comme si… Je ne sais pas. Ça va me prendre de l’espace et du recul pour réaliser vraiment ce que c’est, une journée comme celle-là. Je suis arrivée vendredi soir et cette semaine, c’est le début de notre camp (avec la Victoire de Montréal). Alors je pense que je ne le réalise pas encore. C’est beaucoup d’émotions.

« On dirait que tous les ‘’Non’’ que j’ai entendus sont devenus un gros ‘’Oui’’, a-t-elle poursuivi. L’appel que j’ai reçu cette journée-là, c’est un peu comme si toutes les portes dans lesquelles j’avais mis le pied s’ouvraient. Tout le monde vit ce genre de situation où tu te demandes si tu veux continuer et si ça te tente encore. Mais il y avait toujours un projet et, surtout, des gens qui disaient : "Regarde, Danièle. On aimerait te confier ça." Je réalise aujourd’hui que plusieurs personnes m’ont dit oui. Ç’a peut-être pris du temps, mais des portes se sont ouvertes pour me donner ce privilège de travailler dans le monde du hockey. À force de faire des petites choses, on finit par en faire des grandes. »

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L’aventure de la LPHF

Sauvageau a décroché l’ultime honneur dans la catégorie des bâtisseurs. Pour le hockey féminin, elle a fait bien plus que bâtir. Elle a défriché un immense terrain en portant plusieurs chapeaux : entraîneuse-adjointe, entraîneuse-chef et directrice générale.

Elle se retrouvait derrière le banc de l’équipe canadienne lorsque celle-ci a obtenu l’or à Salt Lake City en 2002, lors du premier tournoi olympique féminin. Vingt-trois ans plus tard, le hockey féminin jouit d’une autre scène pour rayonner encore plus fort. Et encore une fois, l’ancienne policière est au cœur de cette nouvelle aventure dans son rôle de DG de la Victoire de Montréal, une des huit équipes de la LPHF.

« Ça démontre que ça avance. Les gens réalisent qu’une femme, une athlète féminine, peut faire partie des plus grands, a-t-elle souligné. On parle de Marie-Philip Poulin qui transcende le sport. Elle n’est pas seulement la meilleure joueuse de hockey au monde, elle est l’une des meilleures athlètes tous sports confondus. C’est ça, le regard qu’on a sur l’industrie du hockey féminin. »

« Au cours des deux ou trois dernières années, avec la venue du groupe Walter (propriétaire de la LPHF), c’est comme s’il y avait une fusée qui avait décollé vers le haut et que, là, tout brise devant nous. Jamais je n’aurais pensé que le succès de la ligue serait aussi grand que maintenant, même s’il y a encore beaucoup de travail à faire. On est très, très contents de dire qu’il y de plus en plus de filles qui jouent au hockey et qui se font dire de venir jouer au hockey. Mais on se rend compte que ça nous prend des heures de glaces, des arénas, des gens qui s’impliquent. Il y a donc encore du travail à faire. »

Sauvageau, qui a participé à six reprises aux Jeux olympiques, n’y voit donc pas uniquement le progrès. Elle garde aussi les yeux sur les travaux à accomplir. Ça fait partie de son ADN de bâtisseuse.