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La LNH et Canards Illimités Canada s'associent pour raconter l'histoire de joueurs actuels et anciens de la LNH, et expliquer comment l'accès aux patinoires extérieures communautaires et au plein air a contribué à façonner leur amour pour le sport. Aujourd’hui, pour le troisième épisode de cette série d’articles, le parcours de Wayne Gretzky, qui a fait ses débuts en patinant sur une rivière traversant la ferme de sa grand-mère, puis sur ce qui pourrait être la patinoire extérieure la plus célèbre de l'histoire du Canada : une glace dans une cour de Brantford, en Ontario, construite par le défunt père de la Merveille, Walter.

Il vous serait possible de débattre rigoureusement pour défendre l’idée que la patinoire de 20 pieds de largeur sur 36 pieds de longueur, minutieusement conçue dans la cour arrière de Walter et Phyllis Gretzky, à Brantford, en Ontario, est la glace extérieure la plus prestigieuse de l’histoire du Canada.

Et vous n’auriez pas tort si vous suggériez que le regretté Walter Gretzky est possiblement le papa de hockey le plus célèbre au Canada, un homme qui a contribué à guider son fils vers l'immortalité dans son sport, tout en se méritant une profonde adoration et un grand respect pour ses manières folkloriques, sa modestie et son remarquable travail caritatif.

C’est au « Wally’s Coliseum », comme la famille Gretzky surnommait la patinoire de leur cour, que la Merveille a amorcé son parcours vers ce qui allait lui valoir d’être la plus grande célébrité du monde du hockey – patinant d’innombrables kilomètres et jouant des centaines de matchs, de l’aube jusqu’à tard après le coucher du soleil, avec sa famille et des amis venant pratiquer leurs habiletés de maniement de rondelles à travers les bouteilles soigneusement disposées sur la glace.

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Wayne Gretzky des Oilers d’Edmonton étudie le jeu alors qu’il se trouve au banc de son équipe pendant un match des années 1980.

La liste des exploits de Gretzky est aussi longue que les bâtons, d’abord en bois, puis en composite, qu’il manipulait comme des baguettes magiques. Ses réalisations combinées constituent en fait une encyclopédie complètement absurde.

Le buteur et le pointeur le plus prolifique de l’histoire de la LNH a pris sa retraite en 1999 après une carrière de 20 saisons et 1487 matchs avec les Oilers d’Edmonton, les Kings de Los Angeles, les Blues de St. Louis et les Rangers de New York. Ses 2857 points, 894 buts et 1963 passes constituent des records dans chaque catégorie – bien que son record pour les buts soit menacé par l’attaquant des Capitals de Washington Alex Ovechkin, qui a besoin de 20 buts pour établir la nouvelle marque. Il détient de nombreux autres records qui sont tout aussi faramineux : une saison de 92 buts, 163 passes et 215 points; une séquence de 51 matchs consécutifs avec au moins un point; 15 saisons de 100 points ou plus, dont 13 consécutives.

Et en 1981-82, à l’âge de 20 ans, il a marqué 50 buts en 39 matchs, effaçant le record de 50 en 50 établi par la légende des Canadiens de Montréal Maurice Richard en 1944-45 et égalé par Mike Bossy des Islanders de New York en 1980-81. Dans cette séquence historique, Gretzky a inscrit quatre buts dans le 38e match et cinq dans le 39e match.

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Une photo de Wayne Gretzky dans le hockey mineur à Brantford, en Ontario.

Ensuite, il y a son absurde butin argenté.

Quatre conquêtes de la Coupe Stanley avec les Oilers dans les années 1980; neuf trophées Hart à titre de joueur le plus utile à son équipe; 10 trophées Art-Ross en tant que meilleur pointeur de la LNH (dont sept de suite); deux trophées Conn-Smythe à titre de joueur par excellence des séries éliminatoires; cinq trophées Lady-Byng, remis annuellement au joueur le plus gentilhomme de la Ligue; et cinq trophées Ted-Lindsay, remis au meilleur joueur selon ses pairs.

Voir Gretzky jouer – le voir contrôler le jeu, tout anticiper sur la glace, regarder les meilleurs tenter de suivre son ombre –, c’était comme regarder un artiste créer un chef-d’œuvre sur une toile de 200 pieds par 85.

Mais sa première patinoire n’était pas du tout une patinoire, en fait. Avant de fouler le Wally's Coliseum, il a donné ses premiers coups de patin très jeune sur la rivière Nith, à Canning, en Ontario, sur une propriété achetée par Walter et Phyllis à environ 25 kilomètres au sud-est de leur demeure quand Wayne avait sept mois.

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Wayne Gretzky en tant qu’analyste pour TNT Sports pendant la Classique hivernale de la LNH Discover au Wrigley Field de Chicago le 31 décembre 2024.

Il y a plus de quatre décennies, dans les pages du livre de son défunt père, « Gretzky: From Back Yard Rink To The Stanley Cup », la Merveille retourne dans le passé pour se souvenir de la patinoire qui lui gelait les doigts et les orteils, mais qui a pourtant enflammé son cœur avec l'amour du hockey qu'il éprouve encore aujourd'hui.

« En 1979, j’ai dit à un journaliste que mon père et moi passions quatre heures par jour sur la glace, a dit Gretzky. Et j'ai été cité, avec précision, de cette façon : "Je le jure sur la tête de Dieu, il faisait tellement froid que je revenais à la maison en pleurant." Maintenant, je peux voir quelques enfants revenir en pleurnichant à la maison et entendre leurs pères dire : "Retournez dehors! Wayne Gretzky aussi a gelé. Et il est aujourd’hui assis dans un penthouse à Edmonton."

« Mais ils ne saisissaient pas le point. Ils me disent : "Tu t’entraînais quatre heures par jour". Et je leur dis que oui. Mais quand j’y repense, je ne m’entraînais pas. Si c’est ce que j’avais pensé à l’époque, je ne l’aurais probablement pas fait.

« J’étais sur la glace aussi longtemps parce que j’avais du plaisir. Je ne me suis jamais dit que si je passais quatre heures par jour sur la glace, j’aurais une chance d’atteindre la LNH. Ça ne m’est jamais passé par la tête. Nous le faisions parce que nous aimions ça. »

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Wayne Gretzky (au centre) et son frère, Keith, avec leur père, Walter, qui regardent un match des Oilers d’Edmonton contre les Devils du New Jersey le 15 janvier 1984 au Brendan Byrne Arena à East Rutherford, au New Jersey.

« D’autres enfants patinaient là encore plus souvent que moi, et ils n’ont pas atteint la LNH, a renchéri Gretzky. On ne peut pas dire "Si tu fais ceci, tu vas jouer dans la LNH". Ce n’est simplement pas vrai. Je pouvais patiner pendant trois ou quatre heures, rentrer à la maison, et mon père me demandait si j’en avais assez. Je lui répondais que oui, et j’y retournais le lendemain pour la même durée. »

Walter Gretzky, qui est décédé à l’âge de 82 ans en mars 2021, une quinzaine d’années après son épouse, n’avait aucune idée que le talent de son fils n’allait pas simplement faire de lui un joueur générationnel, mais bien le meilleur de l’histoire.

« Une fois que Wayne enfilait ses patins, le plus difficile était ensuite de les lui enlever », a-t-il écrit dans son livre, co-écrit avec Jim Taylor.

« Il adorait ça. Il nous suppliait d’aller à la ferme ou de l’emmener au parc tous les soirs afin qu’il puisse patiner. Il n’en avait jamais assez. Il y avait un parc avec une patinoire extérieure pas très loin de la maison, alors lorsqu’il a eu 3 ans, j’ai commencé à l’y emmener. C’était plus près de chez nous, alors je me suis dit que quand il aurait terminé, nous pourrions être chez nous plus rapidement. »

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Wayne Gretzky parle à son père, Walter, avant le 35e Match des étoiles de la LNH le 31 janvier 1984 au Brendan Byrne Arena à East Rutherford, au New Jersey.

« Ça n’a pas fonctionné. Wayne a adoré ça, mais je suis passé très près d’y laisser ma peau. Je le conduisais là, puis je restais assis dans l’auto jusqu’à ce qu’il ait terminé. »

Walter Gretzky n’a jamais gagné plus de 25 000 $ par année en occupant de nombreux emplois chez Bell, et il n’était pas question de gaspiller de l’argent avec cinq enfants à élever et à nourrir. Même assis dans sa voiture dans un parc glacial en attendant que son fils décide d’arrêter de patiner, Walter ne laissait pas le moteur tourner. Il démarrait la voiture à l’occasion pour se réchauffer, mais l’essence coûtait quand même 18 sous le gallon à l’époque.

Le Wally's Coliseum a vu le jour en 1965 par nécessité, et pour préserver l’équilibre mental de son fondateur, lorsque Wayne a eu 4 ans.

« Les autres enfants allaient patiner, ramassaient leurs choses et finissaient par rentrer chez eux. Mais Wayne restait là, a écrit Walter Gretzky. Tout le monde était parti, sauf Wayne, qui demeurait sur la glace, et moi, qui me les gelais dans la voiture. Un soir, alors que je décongelais dans la cuisine, j’ai fait une annonce à mon épouse. »

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Wayne Gretzky et une autre légende, Guy Lafleur, se serrent la main à la suite de l’affrontement entre les Oilers et les Canadiens dans le cadre du match des anciens de la Classique Héritage le 22 novembre 2003 au Commonwealth Stadium d’Edmonton.

« Je lui ai dit que j’en avais assez de geler comme ça. Je savais qu’il voulait patiner au parc. Je ne savais pas qu’il voulait pratiquement habiter là. L’hiver suivant, nous avons inondé la cour arrière afin qu’il puisse y demeurer aussi longtemps qu’il le souhaitait. Ce n’était pas une question d’ambition, c’était une question de survie. Pas celle de Wayne, la mienne. »

Gretzky a effectué un retour sur une patinoire extérieure quatre ans après sa retraite, alors qu’il a enfilé les patins au Commonwealth Stadium d’Edmonton pour un match très attendu. Des anciens des Oilers et des Canadiens de Montréal se sont affrontés devant 57 167 partisans frigorifiés dans le cadre de deux périodes de 15 minutes, tout juste avant la Classique Héritage 2003, le premier de 42 matchs extérieurs de la LNH jusqu’ici.

À l’époque, les visiteurs continuaient à affluer au domicile des Gretzky à Brantford, afin d’apercevoir le Wally's Coliseum, qui n’était pourtant qu’un souvenir.

« Je leur dis qu’il n’y a plus de patinoire, c’est maintenant une piscine, a lancé Walter Gretzky au Toronto Star. Il y a aussi un solarium à l’arrière de la maison. Malgré ça, les gens me demandaient quand même s’ils pouvaient aller voir. »

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Walter et Wayne Gretzky à la suite d’un match des Oilers d’Edmonton contre les Devils du New Jersey le 15 janvier 1984 au Brendan Byrne Arena à East Rutherford, au New Jersey; Gretzky patine avec la Coupe Stanley à la suite de la conquête de 1984.

Si ces visiteurs avaient rendu visite aux voisins des Gretzky, ils auraient eu plus de chance de repartir avec un souvenir ou deux.

« La personne qui habitait derrière chez nous s’est retrouvée avec environ 600 rondelles dans sa cour en raison des tirs que j’ai ratés », a blagué Wayne Gretzky dans le livre d’Al Strachan paru en 2013, "99 Gretzky: His Game, His Story".

Walter Gretzky a souvent raconté de quelle manière son légendaire fils parvenait à convaincre un enfant du coin d’agir comme gardien pour qu’il s’entraîne en lui offrant cinq sous. Il a aussi raconté comment il avait bâti le premier but de Wayne à l’aide de planches de deux-par-quatre dans le sous-sol. Cette structure de bois était trop imposante pour être transportée dans les escaliers, et elle a donc dû être démantelée et reconstruite au rez-de-chaussée. Il a aussi conté comment il avait installé des projecteurs sur la corde à linge quand il est devenu évident que Wayne allait jouer à la lueur de la lune si nécessaire.

Le Wally's Coliseum n’était pas constitué de rampes achetées au magasin du coin ou de matériaux synthétiques. Il a vraiment été bâti avec amour, ainsi qu'avec les moyens du bord, par Walter Gretzky, qui a perdu plusieurs heures de sommeil par nuit pour s’en occuper.

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Wayne Gretzky avec son fils, Tristan, alors qu’il se tient aux côtés de ses parents Walter et Phyllis au cours d’une cérémonie d’avant-match quand les Kings de Los Angeles ont retiré le chandail de Gretzky le 9 octobre 2002 au Staples Center de Los Angeles.

Avec des rebords faits à même de la neige compactée et une glace disposée directement au-dessus de l’herbe, scrupuleusement inondée pour rendre la surface lisse, la patinoire était d’une beauté à l’ancienne, conçue par le maître et son arrosoir à jardin.

« Je me souviens qu’un soir, je me suis endormi et j’ai oublié d’éteindre le boyau d’arrosage », a raconté Walter Gretzky au journaliste du Toronto Star Glen Colbourn en 2003, une journée avant que Phyllis et lui s’envolent vers Edmonton pour aller voir leur fils jouer un match des anciens à une température de -18 degrés Celsius.

« Je suis sorti et c’était recouvert de glace. J’ai tiré et j’ai brisé l'arrosoir. Avant d’aller travailler, ce matin-là, j’ai demandé à Phyllis si elle pouvait aller à la quincaillerie en acheter un autre.

« Je suis revenu à la maison à l’heure du dîner (pour m’occuper de la glace), et laissez-moi vous dire qu’elle n’était pas trop ravie. Elle s’était rendue à la quincaillerie – en décembre – et avait demandé pour un arrosoir. Le commis lui a répondu qu’elle était folle. Il faisait 15 ou 20 en dessous de zéro. Ils ont pensé qu’elle était folle. Elle m’a dit : " Ne me redemande jamais de refaire quelque chose d’aussi stupide!" »

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Wayne Gretzky des Blues de St. Louis patine durant le match des anciens de la Classique hivernale Bridgestone 2017 au Busch Stadium le 31 décembre 2016.

Il y a quatre décennies, Wayne Gretzky est presque demeuré congelé avec ces journées d’hiver interminables et ses soirées parfaites au Wally's Coliseum. Il se souvient avec beaucoup d’émotions de cette patinoire dont le toit n’était pas constitué de poutres d’acier et de bannières, mais de lumière d’étoiles et de flocons de neige.

« Oh, j’ai pleuré à cause de ces engelures, a-t-il dit. Chaque enfant qui passe du temps au froid dehors, avant de revenir au chaud dans la maison, l’a vécu. Quand tes pieds se réchauffent, ça fait mal et ça pique terriblement.

« Mais je ne me souviens pas du pleurnichage. Je me souviens du chocolat chaud et des grosses et fortes mains de mon père qui tenaient mes orteils pour les réchauffer. »

Photo principale : Wayne Gretzky patinant sur la rivière Nith sur la ferme de sa grand-mère à Canning, en Ontario, illustrant un extrait de 1984 du livre de son père.