Auston Matthews ROM Maple Leafs 1

Si l'enthousiasme était de mise cet été, on cherchait tout de même à limiter les attentes des amateurs des Maple Leafs de Toronto.
L'équipe est en reconstruction et il était entendu qu'on donnerait cette saison toute la place aux jeunes joueurs prometteurs. Après avoir l'an dernier acquis une série de vétérans appelés à être échangés au plus offrant à la date limite des transactions, c'était donc aux futurs leaders de commencer à porter les Maple Leafs sur leurs épaules.

Au cœur de ce mouvement jeunesse se trouve le premier choix du repêchage 2016 de la LNH, Auston Matthews. L'entraîneur Mike Babcock était formel : le centre aujourd'hui âgé de 19 ans s'est présenté au camp d'entraînement assuré d'un poste avec le grand club. L'important est, dans ces situations, de gérer les attentes. Babcock, du même souffle, affirmait que Matthews
serait son troisième centre
derrière Nazem Kadri et Tyler Bozak.
Or, entre ce qu'on dit et ce qu'on fait, il y a parfois une marge et, dans le cas des entraîneurs de la LNH, ce « parfois » est plutôt un « toujours ». Babcock, maître communicateur s'il en est un, pousse en ces matières le bouchon aussi loin que nécessaire et la façon dont il a déployé Matthews depuis le début de la saison l'illustre avec éloquence.
Matthews est, depuis le début de la saison, le centre le plus utilisé des Maple Leafs, et par une bonne marge : 15 minutes par match à forces égales (plus d'une minute de mieux que Kadri et Bozak), et près de trois minutes par match en avantage numérique (égal à Bozak, trente secondes de plus que Kadri). Il n'y a qu'à court d'un homme qu'on le garde au banc. Tout un troisième centre…
Babcock n'est pas idiot. Matthews mérite entièrement cette confiance, on le constate au fait qu'il a déjà 34 points en 37 matchs et, surtout, au fait que ces 34 points ne semblent pas particulièrement impressionnants lorsqu'on jette un œil aux indicateurs sous-jacents.
Il semble en effet que Matthews soit déjà l'un des attaquants les plus dominants de la LNH à forces égales, et plus particulièrement un des buteurs les plus menaçants. Rob Vollman, chroniqueur pour le site anglais de la LNH, l'a d'ailleurs souligné grâce à
une comparaison des plus éclairantes entre Matthews et la saison recrue d'Alex Ovechkin
.
Mais il n'y a pas que les buts. Matthews appartient d'emblée aux meilleurs attaquants de la ligue. On le constate en redécoupant ses performances à 5-contre-5 et en les comparants à d'autres attaquants d'élite.
Au lieu de prendre les simples données brutes, j'ai extrait du site corsica.hockey les performances des attaquants ayant joué plus de 50 minutes à 5-contre-5 en 2016-17 et j'ai ensuite calculé la «
cote z)
» de chaque joueur pour une série d'indicateurs. Cette cote permet de voir jusqu'à quel point un indicateur donné s'écarte de la moyenne de la ligue. Sur 454 joueurs admissibles, une cote supérieure à 2 indique que le joueur est dans le top-15, une cote supérieure à 3 dans le top-4.
Si les indicateurs référant à la production de buts donnent tous, sans exception, à Matthews un profil exceptionnel, il faut aussi souligner qu'il se démarque de la moyenne comme passeur, qu'il sait faire preuve de discipline, son différentiel de pénalités étant meilleur que la moyenne.

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Il n'est pas (encore) aussi complet que Sidney Crosby qui, après une carrière passée à jouer les metteurs en scène, s'est cette saison transformé en buteur d'élite et, comme fabricant de jeux, il est encore loin des autres. Mais il a accumulé les passes à tous les niveaux où il a joué jusqu'à présent et rien n'est plus difficile dans cette ligue que marquer des buts.
Qui plus est, il appartient à un club où le talent offensif ne manque pas, ce qui signifie qu'il ne risque pas de devenir la cible absolue qu'est aujourd'hui Connor McDavid à Edmonton. Matthews commence à peine à prendre son envol, et les Maple Leafs, à sa suite, semblent déjà bien placés pour se qualifier dans le tournoi printanier. Les années de misères sont terminées à Toronto.