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La cérémonie d’intronisation au Temple de la renommée 2025 aura lieu lundi. La cuvée de cette année est composée de Jennifer Botterill, Zdeno Chara, Brianna Decker, Duncan Keith, Alexander Mogilny et Joe Thornton dans la catégorie des joueurs, et de Jack Parker et Danièle Sauvageau dans la catégorie des bâtisseurs. Le chroniqueur NHL.com Dave Stubbs dresse ici le portrait de Sauvageau.

Danièle Sauvageau est une pionnière dans le hockey depuis son adolescence à Deux-Montagnes, à environ une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Montréal.

Elle a brisé les plafonds de verre l'un après l’autre durant sa carrière de plus de quatre décennies comme entraîneuse, directrice générale, consultante, éducatrice, analyste et gestionnaire sportive.

Ce n’est donc pas une surprise que Sauvageau continue à tracer la voie. Lundi, elle deviendra la première femme intronisée dans la catégorie des bâtisseurs du Temple de la renommée du hockey.

« Du plus profond de mon âme, j’ai senti que c’était plus important que n’importe quelle nouvelle que je n’aie jamais reçue », a-t-elle dit au sujet du coup de téléphone qu’elle a reçu de la part de Mike Gartner et Lanny McDonald, le 24 juin, pour l’informer qu’elle serait intronisée.

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Danièle Sauvageau (à droite) avec le choix au repêchage 2025 de la Victoire de Montréal Nicole Gosling (quatrième au total, au centre) et Jayna Hefford, la vice-présidente des opérations hockey de la LPHF.

Sauvageau était dans une chambre d’hôtel à Ottawa et effectuait des entrevues avec des joueuses en tant que directrice générale de la Victoire de Montréal, dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), quand l’appel est entré.

« Ma respiration s’est presque coupée et mon cœur s’est mis à battre tellement rapidement, s’est-elle remémorée. Quand j’ai réalisé que mon intronisation était bien réelle, j’ai immédiatement pensé à mes parents et à ma famille.

« Il s’agissait d’une reconnaissance non seulement pour ce que j’ai fait, mais pour toutes les personnes avec qui j’ai travaillé, toutes les personnes que j’ai rencontrées durant mon cheminement. Et oui, j’ai pensé à tous ceux qui m’ont dit que je n’y arriverais pas, que je ne pourrais pas jouer, que je ne pourrais pas diriger.

« J’ai réalisé qu’un refus est simplement une opportunité. C’est ce que le mot “non” a fini par signifier dans ma vie. Non, c’est devenu oui. Oui, tu peux le faire. La journée où Mike et Lanny m'ont appelée représente l’apogée. »

Cette intronisation au Temple de la renommée du hockey est une autre porte que Sauvageau ouvre pour elle-même et pour les autres.

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La capitaine de la Victoire de Montréal Marie-Philip Poulin après un match de la LPHF au Prudential Center de Newark, au New Jersey, le 2 février 2025.

« Ça nous fait croire que tout est possible, que rien n’est trop gros ou trop petit », a lancé la capitaine de la Victoire de Montréal Marie-Philip Poulin, triple gagnante de la médaille d’or aux Jeux olympiques et quatre fois championne du monde.

« Surtout les femmes, qui ont leur place dans le sport. Je pense que ça se développe ensemble. Les femmes et les hommes, quand on parle du hockey, on parle du sport que nous aimons. Nous aimons le hockey et ce n’est pas nous contre les hommes. C’est ce que Danièle a fait. Quand tu crois en quelque chose et que tu te bats pour ça, de grandes choses peuvent se produire.

« Que Danièle soit la première femme honorée comme bâtisseuse est approprié. Elle a tellement accompli pour le développement du hockey féminin, mais aussi pour le sport en général. »

Sauvageau, aujourd’hui âgée de 63 ans, n’aurait jamais pu imaginer un tel honneur à 13 ans quand, enthousiaste, elle s’était présentée avec ses deux jeunes frères à l’aréna de Saint-Eustache, au nord de Montréal. On lui avait alors dit qu’elle ne pourrait pas jouer au hockey. C’était la première fois qu’on l’empêchait de faire quelque chose parce qu’elle était une fille.

Elle aurait pu bouder en attendant ses deux frères, mais elle a plutôt choisi de devenir responsable des bouteilles d’eau au banc. Ce faisant, elle avait un rôle avec l’équipe.

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À partir de la gauche : la DG de la Victoire de Montréal Danièle Sauvageau, Erin Ambrose, Marie-Philip Poulin, Laura Stacey et l’entraîneuse Kori Cheverie.

« C’était presque comme si, en un instant, la plus grande porte s’était ouverte », a dit Sauvageau au sujet du moment où elle a appris qu’elle serait intronisée au Temple de la renommée. « Tous les projets sur lesquels j’ai travaillé, chaque fois que j’ai pensé que je n’allais nulle part ou que la porte était fermée…

« Ce jour-là avec mes frères à Saint-Eustache, j’ai senti qu’on me claquait la porte au visage. Ç’a fait tellement mal. Mais j’ai gardé un pied dans la porte et je ne l’ai pas laissée se fermer complètement en transportant les bouteilles d’eau au banc. »

Sauvageau baigne dans le hockey depuis sa jeunesse à Deux-Montagnes. À l’âge de 17 ans, elle dirigeait les équipes masculine et féminine du cégep de Saint-Jérôme, où elle étudiait.

Elle a progressivement gravi les échelons du hockey féminin, jusqu’à ce qu’on lui confie le rôle d’entraîneuse de l’équipe du Québec au championnat national canadien de 1994-95. Sauvageau a rapidement hérité de responsabilités encore plus grandes. Elle a notamment dirigé l’équipe des moins de 19 ans du Canada et les représentantes du pays au Championnat de hockey féminin du Pacifique de la FIHG 1996, conduisant la formation à la médaille d’or.

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Elle n’était même pas encore passée à la deuxième vitesse. Sauvageau a ensuite agi comme entraîneuse adjointe avec le Canada aux Jeux olympiques 1998 de Nagano. Son équipe a remporté la médaille d’argent, s’inclinant en finale contre les rivales des États-Unis.

Son pays allait ensuite examiner en profondeur ses programmes de haut niveau et de développement en vue des Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, avec Sauvageau comme membre clé de ses comités. Elle a ensuite pris les rênes en tant que directrice générale et entraîneuse.

« À l’époque, j’avais dit : “Regardez où est le drapeau canadien pendant la cérémonie des médailles. Nous devons avancer. Nous devons faire en sorte qu’il soit plus haut qu’à Nagano”, a-t-elle raconté. Ma vision à l’époque était : “Que pouvons-nous faire avec les ressources que nous avons?” Nous avions besoin d’un plan pour développer les athlètes qui allaient représenter le Canada dans quatre ans.

« C’est là-dessus que j’ai travaillé pendant quatre ans, car je ne trouvais pas que notre drapeau était au bon endroit à Nagano. Pour Salt Lake City, je ne pensais pas à gagner des matchs et je ne parlais même pas de la médaille d’or. Je voulais simplement arriver avec le meilleur plan pour que nous connaissions la meilleure performance. »

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Les bras levés, l’entraîneuse du Canada Danièle Sauvageau célèbre la conquête de la médaille d’or de son pays contre les États-Unis aux Jeux olympiques 2002 de Salt Lake City, le 21 février 2002.

De nouvelles joueuses sont arrivées. On a demandé à des vétéranes d’occuper des rôles différents et même de changer de position. Sauvageau a cogné aux portes, vendant le hockey féminin à des commanditaires et greffant du personnel de soutien, des nutritionnistes et d’autres éléments au programme.

Après huit défaites consécutives face aux États-Unis sur la scène internationale en hockey féminin, les Canadiennes ont finalement vaincu leurs rivales 3-2 dans le match de la médaille d’or le 21 février 2002.

Pendant près de 33 ans, de 1986 à 2018, Sauvageau a servi au sein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et du Service de police de la ville de Montréal. Pendant un certain temps, elle a supervisé une équipe d’intervention d’urgence qui s’occupait, entre autres, d’opérations d’infiltration liées au trafic de drogue, d’alertes à la bombe, d’enlèvements et de guerres de territoire entre gangs de motards.

Ses débuts dans les forces de l’ordre et sa médaille d’or à Salt Lake City – deux événements qui ont défini sa vie de plusieurs façons – sont survenus à la même date, à 16 ans d’intervalle. Sauvageau s’est jointe à la GRC le 21 février 1986.

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Son expérience comme policière l’a grandement aidée dans ses préparatifs pour Salt Lake City.

« J’ai appris dans la police que tu dois te préparer pour l’inconnu, a dit Sauvageau. Pour ce faire, tu dois être très préparée. Tu pourrais marcher dans la rue, et quelque chose pourrait se produire devant toi. Dans le sport, tu dois te préparer, beau temps mauvais temps. Tu connais la date des Olympiques ou du Championnat du monde, mais tu dois arriver à livrer la marchandise au bon moment. Que vas-tu faire cette journée-là?

« On m’a souvent demandé ce que je peux utiliser dans le sport qui vient de la police, et vice-versa. C’est drôle, on m’appelait Coach au sein de la police et dans le sport, on m’appelait Chief. Au final, ce sont deux mondes différents. Dans la police, quand les choses ne vont pas bien, nous nous rassemblons et nous ne faisons qu’un. C’est quelque chose que je n’ai vu nulle part ailleurs. Dans le sport, quand les choses ne vont pas bien, c’est parfois le moment où certaines personnes vont aller se cacher. C’est dans ces moments-là que tu as besoin que les joueuses restent unies et concentrées. Ce sont les personnes avec lesquelles tu vas compétitionner. »

Sauvageau a reçu de nombreuses distinctions nationales en reconnaissance de sa contribution au hockey féminin et de son travail sur la glace comme en dehors, dans les domaines de l’entraînement et de l’administration sportive. Elle partage également son savoir en tant que conférencière et présentatrice lors de divers congrès.

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L’entraîneuse Danièle Sauvageau (dernière rangée, complètement à gauche) célèbre le championnat québécois de l’équipe de hockey féminin de l’Université de Montréal. Les Carabins allaient ensuite remporter le championnat national cette saison-là.

Elle a été intronisée au Temple de la renommée olympique du Canada en 2008, la même année où elle a fondé le programme de hockey féminin de l’Université de Montréal.

En 2012, Sauvageau a été nommé au sein du comité de sélection du nouvel Ordre du hockey au Canada, une initiative qui rend hommage aux plus grands contributeurs au sport national canadien. Elle a été nommée officière de l’Ordre du Canada en 2013 (le plus grand honneur civil au pays) et elle a remporté le Prix Hockey Canada Féminin Révélation 2021.

Sauvageau a participé à l’effort olympique canadien – hiver comme été – à huit occasions, agissant comme entraîneuse, DG, mentore et analyste à la télévision. Elle a joué un rôle crucial dans sept conquêtes de la médaille d’or du pays au Championnat du monde de hockey féminin de la FIHG.

Elle a également été la première entraîneuse dans les rangs juniors majeurs québécois, en 1999-00, comme adjointe avec le Rocket de Montréal ainsi que la première femme à travailler comme analyste à La soirée du hockey à la télévision.

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Sauvageau est plus occupée que jamais aujourd’hui en tant que DG de la Victoire. Pionnière du hockey féminin, elle est à juste titre fière d’une ligue solidement établie, qui attire de plus en plus de filles et de femmes vers ce sport et qui pose les bases d’un avenir prometteur.

« Je n’ai jamais voulu être la première dans toutes les choses que j’ai accomplies, a-t-elle souligné. Je ne savais pas que les filles ne pouvaient pas jouer au hockey quand je jouais avec mon frère à l’extérieur. Mes parents ne m’ont jamais empêchée de faire quelque chose parce que j’étais une fille.

« Mon père m’a appris à finir ce que je commence, et je vais continuer. Je crois que la vie m’a amenée là où je devais être. Je suis privilégiée et chanceuse d’être ici et de dire : “Je vais faire ceci et le transporter au niveau supérieur.” »

Sauvageau a longtemps dit qu’elle était née pour être entraîneuse, une conviction qu’elle maintient encore aujourd’hui.

« Quand tu regardes la définition du rôle d’entraîneuse, c’est simplement d’amener une personne ou un projet du point A au point B, puis du point B au point C, et ainsi de suite, a-t-elle dit. J’aurais adoré diriger dans la LNH, mais il y a tellement de façons de vivre de ta passion.

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Les souvenirs de la carrière d’entraîneuse de Danièle Sauvageau ont été conservés par sa famille. Ici, des souvenirs des Jeux olympiques de Calgary en 1988 et de Nagano en 1998.

« Comme DG de la Victoire en ce moment, je travaille avec mon personnel d’entraîneuses, mon équipe, j’évalue du talent et je parle directement aux joueuses, comme tous les DG. J’essaie d’aller du point A au point B, et de continuer à avancer par la suite. »

L’essence même d’être entraîneuse, selon Sauvageau, « c’est d’être un parent, une gestionnaire, une directrice générale, une policière. Chaque projet sur lequel j’ai travaillé, c’était pour collaborer avec des êtres humains. Nous sommes dans une industrie avec des êtres humains, et je considère que ça doit faire partie de l’ADN d’une entraîneuse.

« Nous apprenons aux joueuses à devenir leur propre entraîneuse. Quand j’observe les grands leaders — et quand j’enseignais, j’ai eu le privilège d’échanger sur ce sujet : qu’est-ce qu’un leader, où sont-ils, qu’ont-ils appris ? — je constate qu’ils ont tous dû être des étudiants du jeu, peu importe qu’ils soient dans les affaires, la technologie, le sport ou la médecine. Il y a toujours quelque chose à apprendre en cherchant à devenir la meilleure entraîneuse, à rester consciente, à s’entourer des meilleures personnes et à se permettre d’être entraînée. C’est là l’essence même du progrès. »

La persévérance est la plus grande qualité de Sauvageau, selon elle.

« D’être encore ici avec la même passion, a-t-elle dit. Pour moi, la passion est comme un petit feu qui brûle. Des gens vont passer et mettre une bûche dans le feu, et il va grandir. Ç’a été comme ça pour moi. »

Cette fin de semaine, Sauvageau sera de nouveau dans le grand hall du Temple de la renommée, et sa plaque sera aux côtés de tous les autres qui ont été immortalisés. Elle a livré une conférence dans cette mythique pièce en juillet dernier, peu de temps après avoir été choisie pour être intronisée.

« Les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai commencé à parler, a-t-elle raconté. La vie m’amenait ici quelques semaines après l’appel de Mike et Lanny. J’étais seule dans la pièce avec un technicien de son pour la préparation et je me suis dit : “Quel privilège d’être ici, de voir où ma plaque sera.” Ç’a été l’un des plus beaux moments de ma vie. »

Photo principale : La DG de la Victoire de Montréal Danièle Sauvageau à la Place Bell, le domicile de son équipe, à Laval.