SIDE WOLL BADGE LEPAGE

BOSTON – L’idée d’envoyer Joseph Woll dans la mêlée trottait dans l’esprit de Sheldon Keefe depuis quelque temps déjà. Il suffisait de trouver le bon moment pour procéder au délicat changement.

Un match au cours duquel les Maple Leafs de Toronto faisaient face à l’élimination en territoire hostile, dans un TD Garden bruyant au possible, n’était peut-être pas le scénario idéal pour prendre le témoin des mains d’Ilya Samsonov et le donner à Woll.

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Mais ce dernier a donné raison à son entraîneur en faisant ce que son homologue n’avait pas réussi à faire dans cette série face aux Bruins de Boston : les arrêts importants aux moments opportuns.

« C’était le meilleur moment de ma vie », a lancé un Woll souriant après la victoire de 2-1 des siens en prolongation, qui leur a permis de survivre et de forcer la tenue d’un sixième match.

Et comment. À son troisième départ éliminatoire en carrière, le portier de 25 ans a empoché une victoire dont il a été l’un des artisans principaux. Aucun de ses 27 arrêts n’a été plus important que celui qu’il a réussi aux dépens de Charlie Coyle, quelques instants avant le but victorieux de Matthew Knies.

Les Bruins ont amorcé la prolongation avec le couteau entre les dents, dirigeant pas moins de quatre tirs vers son filet dans les 2 min 26 s que ç’aura duré. Celui de Coyle est venu de l’enclave, et le portier a étiré la jambière gauche avec le même calme qui l’a caractérisé tout au long de la soirée.

Il y a aussi eu son spectaculaire déplacement latéral devant Trent Frederic, alors qu’il restait un peu plus de sept minutes à faire à la rencontre. Un but des Bruins à ce moment aurait probablement été létal.

« Il a été fantastique, a vanté le capitaine John Tavares, qui a mis la table pour le but de Knies. Il a paru très calme, très en contrôle. Il voyait bien la rondelle. Il est évidemment extrêmement talentueux et il est tout un professionnel. Il a continué de se préparer dans les dernières semaines. Il n’a rien perdu. »

TOR@BOS: Woll préserve l'égalité

Ça, c’est un autre détail important. Certes, Woll avait vu un peu d’action en venant en relève à Samsonov lors du quatrième match – repoussant cinq tirs en troisième période – mais son dernier départ remontait au 16 avril. Il avait cédé quatre fois sur 41 lancers face aux Panthers de la Floride.

Depuis ce temps, Keefe et les Maple Leafs avaient décidé de mettre leur sort entre les mains de Samsonov. Ça vient probablement de changer. Dans une situation où la pression était énorme, Woll a répondu présent avec l’assurance d’un vétéran.

« Dès qu’il a su qu’il ne serait pas le partant pour nos premiers matchs des séries, c’est devenu évident pour moi qu’il allait continuer de se préparer et de se tenir prêt malgré tout, a lancé Keefe. C’est exactement ce qu’il a fait. Nous avons parlé quotidiennement de la possibilité de l’envoyer dans la mêlée. 

« Il a montré, ce soir, pourquoi nous avions raison de lui faire confiance. »

Sans Matthews

Ils étaient bien peu nombreux à donner cher de la peau des Leafs quand on a constaté, dans la période d’échauffement, qu’Auston Matthews devrait s’absenter pour cette rencontre cruciale. Aux prises avec un virus – et potentiellement une blessure – l’attaquant vedette a dû déclarer forfait.

Un court sondage très peu scientifique mené sur la galerie de presse avant le match aurait donné les Bruins largement favoris. C’est peut-être aussi parce que le cynisme y est fort présent. Mais passons.

Sans l’aide de son meneur offensif, la formation torontoise a répondu avec sa meilleure prestation de la série, après avoir offert sa pire devant ses partisans au quatrième match. Tout n’est pas réglé; le jeu de puissance est toujours en léthargie et l’attaque n’a pas réellement débloqué, sauf que l’effort et la combativité y étaient.

Le fameux sentiment d’urgence aussi. Et quand un gardien fait les arrêts derrière, ça mène parfois à de bonnes choses.

« Nous savions aujourd’hui que d’autres gars allaient devoir lever leur jeu d’un cran, a conclu le défenseur Jake McCabe, qui a ouvert la marque en première. C’est ce qui s’est produit. Ç’a été un effort d’équipe et c’est ce dont nous avons besoin en séries. Tout le monde y a mis son grain de sel. »

EN PROLONGATION

Le chiffre du match : 85,7

C’est le taux d’efficacité de Max Domi au cercle des mises au jeu. La peste a pris la place de Matthews au centre du premier trio et a été étincelante dans cet aspect, remportant 12 de ses 14 duels, dont 10 au premier tiers seulement. Il a aussi été au cœur de plusieurs chances de marquer des siens.

« Max adore ce temps de l’année, a fait valoir Tavares. Dans les deux ou trois derniers mois, il est vraiment devenu un élément important de cette équipe. Il n’a pas tenté d’imiter Auston, personne ne peut y arriver. Il a simplement joué à sa façon en amenant tout ça à un autre niveau. »

Ç’aurait pu coûter cher

Les Maple Leafs sont sortis des blocs avec vigueur en première période. Ils ont dominé les Bruins 12-2 au chapitre des tirs et ont obtenu de bonnes occasions de marquer. Jeremy Swayman, auteur de 31 arrêts dans le match, n’a cependant cédé qu’une seule fois, sur le tir voilé de McCabe.

De l’autre côté, Frederic a touché la cible sur l’un des deux tirs des siens. C’était donc 1-1 après 20 minutes.

« Nous étions les agresseurs en première, a analysé Keefe. Nous avons donné le ton au match et je trouve que nous avons fait tout un boulot. Malgré tout ça, nous sommes rentrés au vestiaire avec une égalité. C’est à ce point difficile. J’ai dit aux gars que ç’allait prendre cet effort pendant 60 minutes, et même plus. »

Knies, marchand de bonheur

Le héros de la soirée aimerait bien se souvenir du jeu qui a mené à son but, mais il devra regarder les faits saillants pour le revivre. Après une belle percée de Tavares, l’attaquant de 21 ans a sauté sur une rondelle libre dans l’enclave pour déjouer Swayman et renvoyer les partisans des Bruins à la maison, dépités.

« J’ai comme perdu conscience de ce qui se passait, a dit celui qui en était à son 12e match éliminatoire. J’étais tellement excité. Je crois que ça m’a apporté plus de joie de voir le visage de mes coéquipiers. On voulait tellement cette victoire. Nous continuons à jouer et à avancer. »

Le gaillard de 6 pieds 3 pouces et 217 livres fait sentir sa présence depuis le début de la série. Il est constamment au cœur de l’action, surtout le long des rampes et dans les endroits payants.

« Il est une force pour nous, a dit McCabe. Je lui dis toujours qu’il est le gars le plus fort sur la glace et il n’a que 21 ans. C’est un véritable étalon. Il travaille fort et intelligemment en échec avant. C’était bien de le voir être récompensé avec un but. »

Revivre le cauchemar

Ce n’est peut-être qu’une petite victoire, mais elle pourrait causer des dommages chez les Bruins en ravivant de douloureux souvenirs. La troupe de Jim Montgomery détenait une avance de 3-1 dans sa série de premier tour face aux Panthers de la Floride, l’an dernier, et avait échappé le cinquième match en prolongation.

Les Panthers avaient remporté les deux matchs suivants, et donc la série. C’est peut-être quelque chose qui jouera dans la tête des joueurs dans l’attente du prochain match.

« Nous n’avons pas été assez bons. C’est aussi simple que ça, a résumé le pilote des Bruins. Ils étaient prêts à jouer. Nous n’étions pas prêts à égaler leur niveau d’urgence. C’est frustrant, mais on passe au prochain match. C’est ça, les séries. »