Jacques Demers Cup

Bien qu'il ait été deux années loin d'un banc de la LNH, Demers n'avait aucunement perdu son efficacité à diriger une équipe de hockey lorsqu'il s'est amené en juin 1992. La preuve : le Tricolore a affiché le sixième meilleur dossier au classement général de la Ligue à la première saison sous sa gouverne. Malgré tout, lorsqu'il était question des équipes susceptibles de remporter le précieux trophée, Montréal ne faisait pas partie des discussions. Surtout que le bleu-blanc-rouge avait échappé cinq de ses sept derniers matchs en saison régulière.

Presqu'un an jour pour jour après avoir été embauché par les Canadiens, Jacques Demers a soulevé la coupe Stanley au Forum.
« Il y avait des clubs comme Boston et Pittsburgh qui étaient plus favoris que nous pour l'emporter. Malgré tout, j'avais dit aux joueurs que nous allions surprendre le monde du hockey. J'avais confiance en ce groupe de joueurs », raconte Demers, qui s'est entretenu avec le site canadiens.com en 2013 pour souligner le 20e anniversaire de cette conquête. « Il faut dire que j'avais le meilleur gardien de but de la LNH [Patrick Roy], j'avais un capitaine extraordinaire en Guy Carbonneau, mais une chose que j'avais, c'était une équipe avec beaucoup de caractère. Des gars comme Éric Desjardins, Jean-Jacques Daigneault, Mike Keane, Kirk Muller, des gars qui n'acceptaient pas la défaite. »
Voulant encore plus exploiter la carte des négligés, Demers a trouvé une source d'inspiration hors du commun tout juste avant le début des hostilités de fin de saison. Bien qu'il trouvait l'idée bonne pour motiver ses troupes, il voulait avant tout s'assurer que l'idée serait acceptée par les joueurs, comme une véritable famille.
« J'avais entendu à la radio une chanson du groupe Jefferson Starship, Nothing's Gonna Stop Us Now », se souvient Demers au sujet du succès musical datant de 1987. « J'avais été voir mes capitaines et je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de faire jouer cette chanson juste avant de sauter sur la patinoire à chacun de nos matchs. Comme le dit la chanson, on va bâtir ça ensemble, rien ne va nous arrêter. Les gars ont embarqué. »

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Les gars ont vraiment embarqué en effet. Après avoir échappé les deux premières parties de leur confrontation face aux Nordiques en première ronde, le Tricolore a remporté 12 de ses 13 rencontres suivantes, éliminant au passage Québec, Buffalo et New York. Ne restait plus qu'une seule formation qui se trouvait entre eux et une 24e coupe Stanley : les Kings de Los Angeles.
« On était confiants parce qu'on avait gagné tous ces matchs en prolongation, mais lorsqu'on est arrivé en finale contre les Kings, on les respectait », mentionne Demers au sujet de la formation californienne qui avait récolté 14 points de moins que le Tricolore en saison régulière cette année-là. « On savait qu'on jouait contre Wayne Gretzky. On savait qu'il avait gagné plusieurs coupes Stanley et qu'il savait quoi faire pour en gagner une autre, mais on avait confiance en nous. On n'était pas arrogant, on était respectueux. »
Vingt-cinq ans plus tard, Demers est encore reconnu pour avoir eu l'audace et le courage de poser un geste qui, s'il n'avait pas été en sa faveur, aurait pu changer le cours de l'histoire. Tirant déjà de l'arrière 1 à 0 dans leur série et faisant face à un déficit d'un but dans les dernières minutes du match #2, le double lauréat du trophée Jack-Adams a demandé à l'arbitre Kerry Fraser de vérifier si la courbe du bâton de Marty McSorley des Kings était légale. Cette bévue aura permis au Tricolore de revenir de l'arrière avant de l'emporter en prolongation suite aux deux buts d'Éric Desjardins.
« Lorsque nous avons fait vérifier le bâton de McSorley, ça a fait rager beaucoup de personnes à Los Angeles, mais je n'ai fait que mon travail. J'ai été appuyé par Serge Savard et Jacques Lemaire et ils m'ont félicité tout de suite après le match », indique Demers. « On ne pouvait pas se permettre de tirer de l'arrière 0-2 dans la série.
« Durant le premier match, quelques joueurs avaient remarqué que son bâton était illégal et ils m'en avaient fait part », poursuit-il. « C'est la vigilance de gars comme Guy Carbonneau et Vincent Damphousse qui m'ont permis de le savoir. Quand tu commences les séries éliminatoires, c'est là que tu remarques les vrais joueurs de caractère. Ces joueurs surveillent tout et portent attention à tout. »
Quelques jours suivant cette victoire cruciale, les Canadiens ont remporté une quatrième partie d'affilé pour se mériter une 24e coupe Stanley. Bien que le fait de remporter pour la première fois de sa carrière l'illustre trophée soit de loin le fait saillant de cet éreintant parcours, un autre événement survenu durant la finale face aux Kings restera gravé à jamais dans sa mémoire.
« Mon plus beau souvenir c'est lorsque j'ai donné la chance à Donald Dufresne de jouer le cinquième match de la Finale. S'il n'avait pas joué, son nom n'aurait pas été inscrit sur la coupe », expose Demers au sujet de Dufresne, qui n'avait disputé qu'une seule partie durant les séries éliminatoires avant le match décisif. « Il était un septième défenseur et une des meilleures personnes que j'ai rencontrées dans ma vie. Quand j'ai pu lui donner l'opportunité de gagner la coupe au Forum et d'avoir son nom sur la coupe Stanley pour le reste de ses jours, ça pour moi c'est un souvenir incroyable. »

Des gestes comme celui qu'il a posé à l'endroit de Dufresne représentent bien l'esprit de famille qui régnait au sein de l'équipe tout au long de la saison. Ils ont adoré jouer pour lui et l'entraîneur de carrière n'aurait pu demander mieux de la part de ses joueurs. C'est pourquoi il n'a jamais caché son appréciation pour eux et qu'il était chanceux d'avoir pu côtoyer des personnes aussi extraordinaires.
« Lorsque nous avons pris l'autobus pour nous rendre aux chars le jour de la parade, j'avais parlé aux joueurs et je les ai tous remerciés individuellement de m'avoir donné du hockey extraordinaire et de m'avoir supporté parce que je n'ai pas toujours été facile à vivre au cours de la saison », confesse Demers. « J'avais un groupe de joueurs exceptionnels qui m'ont tout donné ce qu'ils avaient. Je leur dois cette coupe Stanley. »
Cet article, originalement publié en 2013 sur canadiens.com, a été mis à jour en vue du 25e anniversaire de la conquête de la Coupe Stanley de 1993.