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Un texte d’Evan Milner, traduit par Hélène Cloutier

MONTRÉAL - Pierre Turgeon a attendu 13 ans avant de recevoir l’appel du Temple de la renommée et, lorsque le téléphone a finalement sonné, il lui a fallu presque aussi longtemps pour répondre.

En juin dernier, l’ancien du Tricolore s’entraînait à son hôtel de Las Vegas lorsqu’il a reçu un appel identifié par l’indicatif régional de Toronto. Naturellement, l’homme de 54 ans n’en a pas fait grand cas et a poursuivi sa séance de transpiration.

« Ça pourrait être un média qui m’appelle pour me demander : “Est-ce que cette année sera la bonne? Est-ce que tu penses que ça va arriver, ou non?” », s’est-il dit.

Il faut reconnaître que Turgeon recevait ce genre d’appel depuis 2010, année où il est devenu admissible à recevoir le plus grand honneur qui soit dans le monde du hockey. Cette fois-ci, cependant, ce n’était pas un journaliste qui l’appelait, mais bien Lanny McDonald, président du Temple de la renommée du hockey et, pour l’occasion, porteur de bonnes nouvelles.

Toutefois, Turgeon ne s’est pas préoccupé de l’appel dans l’immédiat. Il a continué son entraînement malgré les deuxième, troisième et quatrième tentatives de McDonald. Puis, à la cinquième, quelque chose s’est allumé dans son esprit.

« OK, l’indicatif est le 416, et c’est le même numéro de téléphone », s’est dit le natif de Rouyn-Noranda, au Québec. « Je devrais répondre, au cas où. »

Heureusement pour lui, c’est ce qu’il a fait, et les trois premiers mots qu'il a entendus ont suffi pour que Turgeon devine le sujet de la conversation qui s’ensuivrait.

« “C’est Lanny McDonald.” C’est tout ce que j’avais besoin d’entendre », a dit en riant celui qui a été nommé au sein de l’Équipe d’étoiles de la LNH à quatre reprises. Évidemment, McDonald, lui-même intronisé au Temple de la renommée, appelait Turgeon pour lui annoncer qu’il avait été choisi parmi la royauté du hockey en tant que membre de la cohorte de 2023.

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Dans une célébration fidèle au hockey, Turgeon y est allé d'un coup de poing dans les airs, puis il a appelé sa femme pour lui annoncer la nouvelle.

« “On part [de Las Vegas] ce soir.” Ma femme me dit : “Est-ce qu’on devrait changer [de vol]?” J’ai dit : “Non, non. On a fait le party ces derniers jours, je pense que c’est assez, maintenant », raconte-t-il en riant.

À la place, le couple est revenu à Vail, au Colorado, où il a passé du temps en famille en plus « d’aller manger au restaurant, mais rien de fou », a rapporté le premier choix au total de 1987. La célébration est demeurée sobre, mais cette nomination était d’une importance inégalable pour Turgeon, puisqu’elle symbolisait toute une vie de dévouement et d’accomplissement dans le sport.

« Tu regardes en arrière pour analyser le chemin que tu as parcouru quand tu étais jeune. Tout d’un coup, c’est un retour dans le temps sur ton parcours et sur ce que tu as fait pendant ta carrière, dit-il. Tu reviens sur ta carrière et tu es tellement reconnaissant; je suis vraiment reconnaissant d’avoir pu faire quelque chose que j’aime. »

Nul besoin de parler à Turgeon pendant des heures pour comprendre que tout ce qu’il voulait faire était de pratiquer le sport qu’il aimait et de le faire le plus longtemps possible.

« Mon travail était de jouer au hockey, et je n’aurais pas pu demander mieux, a dit Turgeon. Je suis fier d’avoir pu le faire pendant 19 saisons, ce qui est incroyable. Je le faisais, et j’aimais ça. J’aime encore ça. Je joue encore. J’adore ce sport. »

Comment ne pas aimer le fait d’avoir inscrit 515 buts, 812 mentions d’aide et 1327 points en 1294 matchs?

De toutes ces rencontres, 104 ont été jouées dans l’uniforme des Canadiens de Montréal, l’équipe qu’il idolâtrait en grandissant, admirant ces vedettes du passé qui ont donné une identité au chandail le plus célèbre du hockey.

« Le premier jour où j’ai enfilé le chandail, j’ai regardé le logo quelques fois et je me disais : “Wow, c’est fou de porter ça en ce moment”, a décrit le Québécois. J’ai profité pleinement du temps que j’ai passé ici, c’est certain. Tu joues pour les Canadiens de Montréal. C’est juste… c’est fou. C’est incroyable. »

Même si son passage à Montréal a été de courte durée, Turgeon en a tiré profit. Non seulement a-t-il presque atteint le plateau des 100 points lors de sa saison complète avec l’équipe, mais il a aussi été nommé le 25e capitaine de l’histoire de l’organisation. Il a également fait partie de l’un des moments les plus importants de la riche histoire de la franchise : la fermeture du Forum et l’ouverture du Centre Molson (maintenant appelé Centre Bell) en 1996.

« C’était le moment parfait. C’était incroyable de faire partie de la célébration et de voir tous les noms des capitaines sur la glace durant la cérémonie, a déclaré Turgeon. C’était sans aucun doute l’un des moments les plus importants de ma carrière. Je vais être reconnaissant d’avoir vécu ce moment pour le reste de ma vie », ajoute-t-il.

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Les prouesses offensives de Turgeon, son génie stratégique et ses chiffres dignes du Temple de la renommée ont jalonné ses années dans la Ligue, mais son héritage transcende les statistiques. En coulisses, il était apprécié de ses coéquipiers pour ses qualités de leader, à l’instar de Vincent Damphousse, un autre joueur offensif des Canadiens dans les années 1990.

« C’est un leader discret. Il ne parlait pas beaucoup, mais il donnait l’exemple, explique Damphousse, qui se souvient de Turgeon comme d’un leader naturel. Ce n’était pas un gars qui faisait beaucoup de discours dans le vestiaire, mais il se présentait chaque soir prêt à jouer, et les autres suivaient. »

Selon Damphousse, le professionnalisme accompli et le caractère humble de Turgeon sont les qualités qui distinguent celui qui sera bientôt le 60e membre de l’organisation des Canadiens à voir son nom ajouté à l’Anneau d’honneur de l’équipe, au Centre Bell.

« Il n’a jamais oublié d’où il venait, et il n’a jamais changé non plus. C’est un gars très humble, qui est très proche de sa famille », a déclaré Damphousse.

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Bien qu’il soit aujourd’hui à la retraite, le vétéran de 19 saisons garde le hockey près de son cœur. Comme l’a dit Damphousse, il n’a jamais changé et son amour pour du sport est toujours aussi fort.

« Je continue d’aller sur la glace. J’aime mettre mes pieds sur la glace. Pour moi, c’est un endroit agréable. Mais rien ne remplace le fait de jouer. On peut regarder un match – j’aime ça – mais rien ne vaut le fait de jouer », a déclaré Turgeon.

L’apport des 60 membres de l’organisation des Canadiens intronisés au Temple (incluant Turgeon) continue d'avoir des répercussions sur les générations suivantes. Turgeon a pour sa part été influencé par Guy Lafleur et Réjean Houle, et, lorsqu’il entrera dans les couloirs sacrés du panthéon, le 13 novembre, il s’agira d’un moment de consécration pour un joueur dont l’impact perdurera pendant de nombreuses années.

Turgeon sera honoré au Centre Bell le 14 novembre, avant le match opposant les Canadiens aux Flames. Pour vous procurer des billets, cliquez ici.