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MONTRÉAL - Quand Michel Lacroix parle, les partisans des Canadiens l'écoutent.

Au son des accords de guitare de la chanson Fix You de Coldplay, une voix se transforme en 21 000 : « Mesdames et messieurs, ladies and gentlemen… accueillons nos Canadiens! »

Il s'agit de la phrase utilisée pour présenter les joueurs du Bleu-blanc-rouge lorsqu'ils sautent sur la glace, une phrase dont l'auteur n'a besoin d'aucune présentation.

« Lentement, c'est devenu une sorte de marque de commerce », a déclaré l'annonceur public de longue date des Canadiens au sujet de sa célèbre introduction. « Ç'a cliqué, tout le monde l'aimait... une petite phrase, juste quelques mots pour attirer l'attention [de la foule]. »

Depuis 30 ans, Lacroix agit à titre d'annonceur maison des Canadiens.

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« Ça démontre qu'il est un vrai professionnel. Les gens qui restent dans la même organisation pendant si longtemps ont une raison d'être », a affirmé l'ancien attaquant des Canadiens Alex Belzile.

Trois jours après son rappel du 9 février, le joueur de 31 ans a marqué le premier but de sa carrière dans la LNH. C'est Lacroix qui l'a annoncé.

« Il est venu me féliciter personnellement après que j'aie marqué mon premier but. Des petites choses comme celle-là peuvent parfois paraître banales, mais, quand ça vous arrive, ça fait chaud au cœur et ça fait une différence, a ajouté Belzile. C'est quelque chose dont je me souviendrai longtemps. »

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Le travail d'un annonceur maison consiste à parler - ou, plus précisément, à annoncer - mais, pour M. Lacroix, c'est la manière de le faire qui détermine la réaction de la foule.

« Vous devez saisir les moments, vous devez écouter la foule, la façon dont elle réagit, explique-t-il. Ne pensez pas que vous êtes le spectacle. Vous faites partie du spectacle : vous présentez les vedettes, mais vous n'êtes pas la vedette », a expliqué Lacroix, en réfléchissant à la formule qui l'a conduit à une longue carrière couronnée de succès - une carrière qu'il aurait eu du mal à même imaginer.

« Je ne marque pas de buts, je ne fais que les annoncer. Les buts sont applaudis, mais je dois trouver un moyen pour que les spectateurs applaudissent les joueurs ensuite », a-t-il ajouté.

Il n'y a pas si longtemps, le défenseur Mike Matheson, qui a grandi dans l'ouest de l'île de Montréal en tant que partisan inconditionnel du Tricolore, faisait partie de ces fervents supporteurs qui encouragent leur équipe depuis les tribunes.

Lorsqu'il est éventuellement passé de l'autre côté de la baie vitrée, il avait toujours des frissons, même derrière les lignes ennemies en tant que membre des Panthers de la Floride et des Penguins de Pittsburgh.

« Lorsque je jouais ici, j'avais toujours la chair de poule sur la glace, même en tant que membre de l'équipe adverse, s'est souvenu Matheson. Une grande partie de ce qui me rappelle mon enfance et le fait d'aller aux matchs, c'est d'entendre sa voix. »

Les débuts de Matheson avec les Canadiens ont été rapides et il n'a pas fallu longtemps pour que la foule applaudisse le Montréalais dans son nouvel uniforme.

Moins de deux périodes s'étaient écoulées, le soir du 19 novembre contre les Flyers de Philadelphie, quand Matheson s'est faufilé dans l'enclave pour recevoir une passe à l'aveuglette de Nick Suzuki. Il a ensuite décoché un tir par-dessus l'épaule droite de Carter Hart, enfilant son tout premier but avec les Canadiens.

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Quelques instants plus tard, il a entendu Lacroix provoquer l'ovation de la foule.

« C'est un moment que je n'oublierai pas de sitôt », a mentionné Matheson après le match de la soirée annuelle Le hockey pour vaincre le cancer des Canadiens. « C'est difficile à mettre en mots, mais c'est très spécial. »

Matheson ne peut s'imaginer entendre une autre voix dans les haut-parleurs du Centre Bell, et nous aurions du mal à trouver un partisan qui ne soit pas de cet avis.

En 1993, M. Lacroix a assumé les fonctions à temps plein du poste d'annonceur à Montréal, mais son mandat auprès des Canadiens s'étend bien au-delà de cette saison. C'est en 1977 que le natif de Laval a franchi pour la première fois le banc des pénalités du Forum pour son premier match avec l'équipe de son enfance.

Avant de faire le saut dans les rangs professionnels, Lacroix, comme tout autre candidat non établi, a dû faire ses preuves.

Dans les années 1970, Lacroix a atterri avec le National de Laval dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, où il a perfectionné ses compétences derrière le micro, un talent qui n'était pas aussi naturel que la pureté de sa voix.

« J'écoutais les émissions à la télévision et à la radio, mais je n'avais aucune idée de la façon de travailler derrière un microphone, a admis Lacroix. Il m'a fallu un certain temps, peut-être un an, pour m'habituer aux différents types d'annonces. »

Alors que la LHJMQ donne lieu à l'éclosion d'un bon nombre de futurs joueurs de la LNH, elle s'est également avérée être le berceau de la carrière de Lacroix en tant qu'annonceur maison, en plus d'être la porte d'entrée vers son arrivée en tant que voix des Canadiens.

Mais, avant de faire ses débuts avec Montréal, Lacroix a fait un arrêt dans l'est de l'île, où il a présenté sa voix au monde entier.

Littéralement.

Lors de la tenue des Jeux olympiques d'été de 1976, Lacroix a été nommé annonceur officiel du Stade olympique.

Ils m'ont dit : « Tu as probablement un public d'environ 1,2 milliard de personnes », et tout ce j'ai répondu, c'est : « OK! », a-t-il raconté en riant.

Aux yeux de Claude Mouton, ancien directeur des relations publiques des Canadiens et annonceur maison à l'époque, Lacroix a passé le test. Ou, mieux encore, il l'a réussi avec brio. Mouton a dit à Lacroix que s'il pouvait faire les Jeux olympiques, il pourrait probablement les aider à quelques autres occasions.

Le 30 mars 1977, Lacroix a lancé sa carrière dans la LNH, et le reste appartient à l'histoire.

Quarante-six ans plus tard, beaucoup de choses ont changé, mais sa passion pour son métier est restée la même. C'est la montée d'adrénaline et le sentiment de perfection qui maintiennent Lacroix au bout de son siège chaque fois qu'il enfile son casque de travail.

« Je pense que le fait que je continue d'avoir du plaisir et d'être toujours un peu nerveux chaque fois que je m'assois à mon siège me stimule. »

« Qu'il y ait 20 personnes, 20 000 ou 75 000, la voix restera la même, a-t-il ajouté. J'y vais et je m'éclate. C'est amusant, ça doit être amusant. »

Si c'est amusant pour Lacroix, c'est tout aussi excitant pour les partisans qui l'écoutent, et l'excitation ne se limite pas nécessairement à ceux qui la ressentent dans la foule. Les joueurs actuels ont également tenu à se présenter à Lacroix, mettant un visage sur la voix qu'ils entendent si souvent.

« Je l'ai vu pour la première fois après l'un des matchs, il y a quelques semaines. Je suis allé vers lui et je lui ai dit : "Je ne pense pas qu'on se soit déjà rencontrés." J'ai eu l'impression de rencontrer quelqu'un que je connaissais déjà, d'une certaine façon. Mais, ouais, je voulais m'assurer d'avoir l'occasion de me présenter à lui », a souligné Matheson.

Même si Lacroix s'amuse beaucoup, il comprend et reconnaît l'aspect professionnel de son travail.

La préparation, qui est pour lui une forme de respect, est essentielle. Lacroix met l'accent sur le fait de « bien faire les choses » et fait ses devoirs pour s'approcher le plus possible de la perfection.

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« Si nous présentons les gars de 1972, on ne peut pas manquer notre coup. Idem pour les funérailles de Guy Lafleur et celles de M. [Jean] Béliveau. Les moments de silence, il faut bien les faire, de la bonne façon », a-t-il fait valoir.

Lorsqu'on lui demande s'il changerait quelque chose à son parcours jusqu'à présent, la réponse de Lacroix est simple.

« Pas un seul jour. C'est la façon dont je voulais le faire; c'est la façon dont je l'ai fait, a-t-il affirmé. J'ai fait des erreurs en cours de route, mais nommez-moi quelqu'un qui n'en a jamais fait. Bien sûr, on en tire des leçons. »

« Des regrets?, s'est-il demandé. Pas du tout. »

Bien que la voix de Lacroix puisse sembler être son arme principale, il identifie son outil le plus affûté en pointant ailleurs.

« Si vous voulez être un bon annonceur, vous devez parler, bien sûr, mais vous devez aussi beaucoup écouter, a déclaré Lacroix. Pour parler de la bonne façon, il faut écouter, et le fait d'écouter les partisans et les gens qui m'entourent me rend meilleur. »

Quand les partisans des Canadiens parlent, Michel Lacroix les écoute.