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Guy Carbonneau est sorti à l'extérieur pour répondre au téléphone, ne reconnaissant pas l'indicatif régional 416, et en moins d'une minute, il était en larmes.

« Mon épouse est sortie et elle m'a trouvé en train de pleurer, et elle pensait que ma mère était peut-être décédée », a raconté Carbonneau, se rappelant les événements du 25 juin. « C'était Lanny et John, et ils m'ont demandé comment se déroulait ma journée. Je leur ai répondu : "On dirait bien que ça va aller encore mieux à partir de maintenant." »
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À l'autre bout du fil, c'était le président du Temple de la renommée du hockey, Lanny McDonald, qui appelait de Toronto avec John Davidson, le président du comité de sélection du Temple, pour informer Carbonneau qu'il ferait partie des membres intronisés avec la cuvée 2019.
« Il y a beaucoup d'émotions, a dit Carbonneau. Tu ne rêves pas à ça, mais quand ça se produit, c'est énorme. L'appel a duré environ cinq minutes, assez pour que Lanny et J.D. aient le temps de me féliciter. »

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Il y a longtemps que Carbonneau avait cessé de se demander quand il allait recevoir l'appel du Temple de la renommée. Quarante ans après avoir été le choix de troisième ronde (44e au total) des Canadiens de Montréal au Repêchage 1979 de la LNH, et 19 ans après avoir joué le dernier de ses 1318 matchs dans la LNH, il fera son entrée au Temple de la renommée.
L'homme de 59 ans a remporté la Coupe Stanley à trois reprises et le trophée Selke, remis à l'attaquant qui excelle le plus dans l'aspect défensif du jeu, en 1988, 1989 et 1992. Il a inscrit 663 points (260 buts, 403 passes) en 19 saisons dans la LNH.
Carbonneau est l'un des cinq enfants de Mary Ferguson, qui sera à l'intronisation au Temple de la renommée de son fils, et du défunt Charles-Aimé Carbonneau, qui est décédé il y a 20 ans, six semaines avant que Carbonneau ne soulève la Coupe Stanley pour la troisième fois. Il est né et a grandi à Sept-Îles, au Québec, une petite ville portuaire sur les rives du fleuve Saint-Laurent à environ 900 kilomètres au nord-est de la ville où il est devenu une vedette. Pour un jeune garçon, le Forum de Montréal semblait inaccessible, tant sur le plan géographique que sur celui d'une carrière de hockeyeur.

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Repêché en 1976 par Chicoutimi dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), Carbonneau est parti de la maison à l'âge de 16 ans pour jouer à plus de 500 kilomètres de chez lui, dans une ville célèbre pour être le lieu de naissance de Georges Vézina, un pionnier chez les gardiens des Canadiens.
« Jean Béliveau est le nom que j'entendais souvent quand j'étais petit », a-t-il dit au sujet de la légende des Canadiens, qui a remporté la Coupe Stanley à 10 reprises comme joueur de centre et qui a été capitaine. « En grandissant, c'était Yvan Cournoyer, Henri Richard et le démon blond (Guy Lafleur). »
Carbonneau a dominé la LHJMQ lors de la troisième de ses quatre saisons avec Chicoutimi, terminant avec 141 points (62 buts, 79 passes) en 72 matchs.
« Le jour du Repêchage 1979, j'ai reçu un appel du prof Caron ou de Claude Ruel », s'est-il remémoré, en parlant de Caron, dépisteur des Canadiens et directeur général adjoint, et de Ruel, directeur du développement des joueurs de Montréal. « Ils m'ont demandé si être repêché par les Canadiens me rendrait heureux, et c'est tout. Je suis donc allé jouer au golf à Chicoutimi. »

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Au beau milieu de la ronde de golf, quelqu'un a trouvé Carbonneau sur l'allée d'un trou pour l'emmener au chalet où il y avait un téléphone. Selon ce qui était rapporté par plusieurs stations de radio au sujet du modeste repêchage, tenu dans un hôtel de Montréal, Carbonneau venait d'être sélectionné par les Canadiens.
« J'ai terminé ma ronde, mais je n'ai aucune idée de mon score », a-t-il lancé avec un sourire.
Carbonneau n'avait jamais mis le pied dans le mythique Forum avant à son premier camp d'entraînement avec les Canadiens à l'automne 1979, alors qu'il se préparait pour sa dernière saison avec Chicoutimi à l'âge de 19 ans.
« À Sept-Îles, les matchs du samedi soir étaient diffusés à la télévision, mais honnêtement, je préférais jouer au hockey plutôt que le regarder », a-t-il mentionné.
Il n'y avait pas de camps de perfectionnement ou de camps de recrues à l'époque, pas de journées d'évaluation ou de matchs intraéquipe. Carbonneau s'est simplement présenté au Forum pour le camp d'entraînement. Il se rappelle avoir été impressionné « par toute l'histoire de l'équipe. »
Les photos des membres du Temple de la renommée au-dessus des bancs dans le vestiaire sont gravées dans sa mémoire, alors que son portrait rejoindra ceux des autres le 20 novembre au Centre Bell, deux jours après son intronisation. Ce soir-là, alors que les Canadiens accueilleront les Sénateurs d'Ottawa, il verra son nom être ajouté sur les murs de la section supérieure de l'aréna, l'anneau d'honneur qui souligne la contribution des joueurs et bâtisseurs des Canadiens.

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« Lors de mon premier entraînement au camp, Guy Lafleur et Steve Shutt étaient mes ailiers. Je n'ai pas touché à la rondelle. Si je l'avais fait, je ne l'aurais pas voulu », a-t-il affirmé à propos des deux attaquants qui ont aidé les Canadiens à remporter un quatrième championnat consécutif en 1978-79 avec un total combiné de 206 points (89 buts, 117 passes).
Carbonneau a impressionné les dirigeants des Canadiens, qui lui ont dit de retourner dans les rangs juniors et de se concentrer sur son jeu défensif. Il l'a fait en obtenant 182 points (72 buts, 110 aides) en 1979-80. Il est retourné deux autres fois au camp des Canadiens, étant chaque fois rétrogradé dans le club-école de Montréal dans la Ligue américaine de hockey (LAH) en Nouvelle-Écosse. Chaque fois, on lui a demandé de travailler sur son jeu dans les deux sens de la patinoire.
Après avoir obtenu 88 points en 1980-81 et 94 points en 1981-82, Carbonneau s'est demandé s'il aurait un jour sa chance à Montréal.
« À ce moment-là, je voulais jouer dans la LNH ou être échangé », a-t-il affirmé.

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Puis, en septembre 1982, les Canadiens ont échangé les attaquants Doug Risebrough et Doug Jarvis pour faire de la place à Carbonneau. Mais sa première saison dans la LNH a été un défi, et ce n'est pas peu dire. L'entraîneur Bob Berry a critiqué publiquement le centre recrue, qui avait été un prolifique marqueur dans les rangs juniors et mineurs professionnels, mais qui se retrouvait dans un rôle de soutien à jouer très peu de minutes.
C'est quand Jacques Lemaire a succédé à Berry avec 17 matchs à jouer à la saison 1983-84 que la carrière de Carbonneau a décollé.
« Nous avions plusieurs blessés, et j'ai commencé à écouler des punitions avec Bob, a-t-il raconté. Les choses allaient bien. Mais quand Jacques est arrivé, il m'a dit ceci : "J'aimerais que tu affrontes les meilleurs joueurs adverses, c'est le plan que j'ai pour toi. Mais tu devras faire attention." »
Carbonneau a assumé pleinement son rôle défensif, ne voyant jamais cela comme un désaveu par rapport à son talent offensif. Joue bien sans la rondelle, se disait-il, et les occasions en attaque vont se présenter. Si ce n'était pas pour lui, ce serait pour ses ailiers.

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« J'aurais pu insister pour que les Canadiens fassent de moi un marqueur de buts, quelqu'un qui met des points au tableau, a-t-il souligné. Mais tout ce que je voulais, c'était jouer. Être sur la glace, pas sur le banc. Ce rôle défensif m'a donné la chance de jouer 20 minutes par rencontre. »
Carbonneau absorbait des connaissances chaque jour de Bob Gainey, le capitaine des Canadiens de 1981 à 1989. Gainey a gagné le Selke lors des quatre premières années où il a été décerné (1978 à 1981) et lui, Carbonneau et le rude Chris Nilan formaient un trio robuste à Montréal.
Carbonneau a gagné le premier de trois championnats de la Coupe Stanley en 1986. Il a pris la relève comme capitaine des Canadiens à la retraite de Gainey, partageant cet honneur avec le défenseur Chris Chelios en 1989-90, puis assumant seul les responsabilités à partir de 1990, jusqu'à ce qu'il soit échangé aux Blues de St. Louis après la saison 1993-94. Carbonneau était capitaine quand les Canadiens ont remporté la Coupe en 1993, leur 24e et plus récente conquête.
La Finale de la Coupe Stanley 1993 contre les Kings de Los Angeles a été le moment décisif de sa carrière.

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Le centre Wayne Gretzky avait obtenu quatre points (deux buts, deux mentions d'aide) dans le match no 1, une victoire de 4-1 de Los Angeles au cours de laquelle la Merveille avait déjoué tous ses couvreurs chez les Canadiens.
« Laisse-moi m'occuper de Gretzky », a lancé Carbonneau à l'entraîneur Jacques Demers avant le match no 2, et Demers l'a fait chaque fois que les confrontations de trios le permettaient.
Lors des quatre parties suivantes, Gretzky a ajouté trois points (un but, deux passes).
« C'est ce qui m'a défini, car c'est ce que je suis, a fait valoir Carbonneau. Mon plan était de m'occuper de Gretzky, histoire que les attaquants Kirk Muller et Vincent Damphousse soient libres de faire ce qu'ils voulaient. Si je ne marquais pas, ça ne me dérangeait pas. Mais si Wayne ne marquait pas, nos chances étaient meilleures de gagner et Kirk et Vinnie pouvaient s'occuper de l'attaque sans se soucier de lui. J'ai toujours eu confiance en mes moyens. »

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Évidemment, Gretzky ne lui en a pas tenu rigueur pour toujours, et il a envoyé un message texte élogieux à Carbonneau lorsqu'il a été élu au Temple de la renommée.
« Je ne me souviens pas de ce que Wayne m'a dit lors de la poignée de main après la Finale, a lancé Carbonneau en riant. Il m'a cependant dit dans son message texte qu'il était heureux pour moi. C'est la beauté de notre sport. Nous tentons tous d'atteindre le même objectif, et c'est de gagner. Pour gagner, chaque personne doit faire quelque chose de différent. De mon côté, je devais bien jouer défensivement. Au fil des ans, dans tous les messages vocaux et les messages textes que j'ai reçu, l'une des choses qui reviennent le plus souvent est la notion de respect. »
Carbonneau a disputé la saison 1994-95 à St. Louis. Ce ne fut pas facile de déménager avec son épouse, Line, ainsi que ses deux jeunes filles, Anne-Marie et Kristina, surtout que ce ne fut essentiellement qu'une courte escale. Il a toutefois bien aimé son passage à St. Louis, qui a pris fin lorsqu'il a été échangé aux Stars de Dallas, qui allaient devenir sa dernière équipe dans la LNH. Acquis par son ancien compagnon de trio Gainey, qui agissait alors comme directeur général des Stars, Carbonneau a mis la main sur son troisième championnat en 1999.
Il a disputé une dernière campagne en 1999-2000, et il a pratiquement jeté tout son équipement après la défaite des Stars en six matchs en Finale de la Coupe Stanley contre les Devils du New Jersey.

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« J'ai dit à tout le monde : "Les gars, je vous remercie. Ce fut un beau parcours, mais c'est terminé pour moi", a raconté Carbonneau. Cette année-là, j'avais dit à mon épouse à Noël que c'était fini. Les journées de match, j'étais comme un enfant. Mais entre les parties, je n'avais aucune patience. Je n'avais pas de plaisir. Je ne voulais pas passer une autre saison comme ça. »
Sa dernière campagne fut toutefois mémorable pour une raison spéciale. L'un de ses coéquipiers chez les Stars en 1999-2000, et futur capitaine de Dallas Brenden Morrow, a épousé Anne-Marie Carbonneau en 2002, et le couple a aujourd'hui trois enfants. Les deux filles de Carbonneau vivent à Dallas, et Morrow devrait jouer avec son beau-père dans le match de la Classique des légendes Haggar du Temple de la renommée au Scotiabank Arena le 17 novembre dans le cadre du week-end d'intronisation au Temple à Toronto.
En 2006, les chemins de Gainey et de Carbonneau se sont à nouveau croisés. Gainey, alors directeur général des Canadiens, embauche Carbonneau pour diriger l'équipe dont ils ont tous les deux été capitaines, avant de le congédier alors qu'il restait 16 parties à la saison 2008-09. Son dossier derrière le banc a été de 124-83-23, et il a mené les Canadiens au premier rang de l'Association de l'Est en 2007-08 avec une récolte de 104 points.

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Carbonneau a récemment signé un contrat de trois ans avec le réseau de télévision RDS, où il agit à titre d'analyste en studio. Le réseau a placé à son horaire le match des Canadiens contre les Blue Jackets de Columbus le 19 novembre, soit le soir suivant les quatre jours de festivités de la fin de semaine d'intronisation du Temple de la renommée, ce qui fera en sorte qu'il va être debout de l'aube jusqu'à tard dans la nuit.
Il a blagué que les négociations pour qu'il obtienne sa soirée de congé n'avaient rien donné, alors Carbonneau va travailler ce soir-là, avant de se retrouver sur la glace du Centre Bell le soir suivant afin que son intronisation soit célébrée par l'équipe et les partisans au cours d'une cérémonie avant le match. Il va ensuite prendre des vacances bien méritées avec son épouse.
« Quand j'étais petit et que j'ai commencé à aimer le hockey, mon rêve était de jouer dans la LNH, a expliqué Carbonneau. Je ne pense pas qu'un enfant rêve d'être intronisé au Temple de la renommée. C'est une chose qui vient plus tard. Après avoir pris ma retraite, j'ai pris du recul et j'ai commencé à réfléchir à ce que j'avais accompli. J'ai eu la chance de remporter la Coupe Stanley trois fois et le trophée Selke à trois reprises. À un certain moment, j'étais le meilleur de ma profession. Je me suis dit que j'avais une chance. Une petite chance. »
Depuis qu'il a reçu cet appel émotif en provenance de l'indicatif régional 416, Carbonneau sera le premier à dire que cette attente de deux décennies en a valu la peine.
Photos: Dave Stubbs/HHoF Images/Getty Images