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MONTRÉAL -- Un lancer frappé passe tout juste à côté de la tête de Kim St-Pierre.

Stoïque face au premier tir foudroyant d'Alex Kovalev, St-Pierre se concentre à arrêter le tir suivant.
Et le suivant. Et le suivant encore.
À la fin de la séance d'entraînement, les murmures entre les joueurs des Canadiens se transforment en série de compliments pour la gardienne invitée.
Elle ne l'a pas eu facile ce jour-là, et c'est exactement ce qu'elle voulait.
« C'est ce que j'aimais le plus », raconte St-Pierre. « Les joueurs y allaient à fond. C'était super. J'étais vraiment fière de ce moment. »
La majorité des joueurs du Tricolore n'était même pas au courant qu'ils faisaient face à la deuxième femme à prendre part à une séance d'entraînement d'une équipe de la LNH.
La réaction a été unanime : elle était une excellente gardienne, la même conclusion que d'autres avaient eue en la regardant jouer.
Pour l'athlète de Châteauguay qui était une grande partisane des Canadiens, c'était un rêve devenu réalité.
À l'instar de plusieurs gardiens et gardiennes de l'époque, elle mettait sa mitaine et son masque dans le salon en regardant les matchs des Canadiens.
Elle imitait son joueur préféré, Patrick Roy, alors qu'il effectuait des arrêts spectaculaires à répétition.
Elle avait même fait un travail à l'école portant sur l'échange de Roy au Colorado.
Bref, elle était obsédée par le hockey.
Le court passage de St-Pierre avec les Canadiens n'était qu'un des chapitres de la carrière de St-Pierre qui figure parmi les plus grandes du hockey au Canada.
En lisant la liste qui relate ses plus grands faits d'armes, nous ne pourrions que rêver de connaître autant de succès qu'elle.
Trois médailles d'or olympiques, neuf médailles au Championnat du monde, dont cinq d'or, deux coupes Clarkson, et trois autres médailles d'or à la Coupe des quatre nations.
Oh, et elle vient d'être intronisée au Temple de la renommée du hockey, devenant ainsi la huitième femme et la première gardienne de but à recevoir cet honneur.

Des centaines de femmes mériteraient d'accéder à ce club sélect. Malgré le virage important au niveau de la perception de ceux et celles qui devraient rejoindre le panthéon du hockey, ce changement s'effectue lentement.
Mais sans des joueuses comme St-Pierre, ce changement n'aurait peut-être jamais eu lieu.
Son ascension vers les plus hauts niveaux du sport ne s'est pas déroulée sans difficulté, sans compter le fait que le hockey féminin au pays ne pouvait pas compter sur énormément de ressources.
St-Pierre, l'une des gardiennes les plus dominantes de son époque, n'a pas joué avec des femmes avant l'âge de 18 ans. Même si son parcours demeure impressionnant, il nous rappelle aussi que la plupart des joueuses que nous encourageons chaque quatre ans aux Jeux olympiques ont atteint ce niveau en raison de leur détermination et de leur volonté.
Dorénavant, elle représente l'exemple parfait pour la prochaine génération de joueuses qui rêvent de rayonner de fierté en recevant une médaille d'or autour du cou.
« Honnêtement, Kim St-Pierre est un ange », décrit Caroline Ouellette, une coéquipière de longue date de la gardienne. « Elle était toujours positive, toujours de bonne humeur, et elle était toujours prête à écouter les autres. Son empathie lui permettait de remarquer si quelqu'un n'allait pas bien et elle était tellement généreuse avec son temps. »

Kim St-Pierre Credit BrianBahrGettyImages

Crédit photo : Brian Bahr / Getty Images
Il y a des choses auxquelles St-Pierre dira toujours oui.
D'abord, de gagner des matchs de hockey, parce que, en termes de statistiques, elle n'a fait que gagner.
Maintenant, sa mission est différente. Le ton de sa voix passe de modeste à optimiste lorsqu'elle se met à parler de la réaction des étudiants qui touchent l'une de ses médailles d'or.
« C'est notre devoir d'enseigner à la prochaine génération, de leur apprendre et de les motiver », révèle St-Pierre. « La persévérance est la clé et je prends ce rôle très à cœur. »
Elle veut fournir le genre de soutien que chaque jeune Canadien mérite et elle y parvient grâce à une approche axée sur la santé mentale et un épanouissement sportif, au lieu de tout concentrer sur le hockey.
Il ne fait aucun doute que le hockey fait partie de notre culture nationale. Ce sport fait partie de notre histoire depuis les années 1850, alors que les Micmacs situés en Nouvelle-Écosse fabriquaient les premiers bâtons de hockey modernes.
Il y a toutefois un revers à la médaille en ce qui concerne l'importance que nous accordons à ce sport, particulièrement lorsqu'il est question des jeunes joueurs qui essaient d'avancer dans la vie.
Le hockey est plaisant, le hockey est une échappatoire, le hockey amène une structure.
Mais la vie d'un jeune ne peut pas seulement se résumer au hockey.
« Je savais que plusieurs jeunes filles regarderaient la cérémonie d'intronisation », explique St-Pierre. « Ça veut dire que je dois continuer de promouvoir le hockey féminin parce qu'il n'est pas encore là où il devrait être. »
« Mais je les ai toujours encouragées à pratiquer différents sports, pas seulement le hockey. Souvent, le hockey devient sérieux trop rapidement. Ça peut décourager plusieurs enfants et ils lâcheront le sport sur une mauvaise note. L'important est de s'assurer qu'ils aient du plaisir, qu'ils travaillent fort et ensuite, de bonnes choses se produiront. Ce n'est pas juste une question d'atteindre la LNH ou de remporter une médaille d'or. Le hockey est une école de vie qui devrait t'aider à développer des amitiés, de la discipline et du soutien. »
« Il ne faut pas que la prochaine génération laisse le hockey vers l'âge de 14 ou 15 ans en raison de la pression et du stress qui se rattachent au sport. Ça ne mène pas vers un esprit sain. Les parents doivent prôner l'amour du sport et éviter de rajouter de la pression. De nos jours, les jeunes mettent déjà beaucoup trop de pression sur leurs épaules. »
« Demandez-leur s'ils ont eu du plaisir. Dites-leur que vous aimez les voir jouer. Soyez dans le hockey pour les bonnes raisons. Soyez là pour les jeunes. »
St-Pierre a encore beaucoup à donner dans le monde du hockey.

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Crédit photo : Brian Bahr / Getty Images
Elle est actuellement à l'emploi de RDS en tant qu'analyste, mais si l'opportunité se présente, elle aimerait obtenir un poste décisionnel dans le sport.
« Le hockey est ma passion », affirme St-Pierre. « Les femmes commencent à percer dans la LNH et je crois que ce serait un défi incroyable pour moi. »
« Le hockey me manque et je serais ouverte à diverses offres. Je crois que ce serait fantastique de faire partie des opérations hockey d'une équipe de la LNH. »
En raison de son talent, de ses accomplissements et de sa formation en kinésiologie, il est difficile d'imaginer St-Pierre, une femme si inspirante, sans emploi dans la LNH pour encore très longtemps.
« Elle est tellement une bonne personne qui va toujours te donner de l'énergie et qui va t'aider à rester sur le droit chemin », selon Ouellette. « Elle est en mesure de rester calme dans plusieurs situations, sur la glace, mais aussi en dehors de celle-ci. Elle est la joueuse ultime et sait comment collaborer avec autrui. Elle est toujours très positive, ce qui crée de très bonnes relations. Et ces bonnes relations se transforment en équipes tissées serrées.
« Kim serait un atout pour n'importe quelle équipe de hockey professionnel. »
Elle est qualifiée pour ce type d'emploi, déterminée et est l'une des têtes les plus intelligentes du sport.
Mais en attendant un appel de la LNH, elle se concentre sur un autre aspect, quelque chose qui requiert énormément d'effort et de force.
Les jeunes gardiens et gardiennes de but du monde entier n'ont plus besoin de rêver de devenir uniquement les prochains Patrick Roy, Dominik Hasek ou Carey Price.
Maintenant, ils peuvent rêver de devenir la prochaine Kim St-Pierre.