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LAS VEGAS - Ç'a commencé tout simplement. George McPhee, qui était alors le directeur général des Capitals de Washington et est maintenant le directeur général des Golden Knights de Vegas, est monté sur le podium du RBC Center à Raleigh, en Caroline du Nord, et il a prononcé une phrase qui allait changer le parcours de l'équipe et du joueur : « Avec le premier choix du Repêchage 2004 de la LNH, les Capitals de Washington ont le plaisir de sélectionner Alexander Ovechkin ».
Il y a eu des accolades. Il y a eu des cris de joie. C'était là le début d'une histoire qui allait prendre 14 années à écrire, 14 années de succès et d'échecs, de productions titanesques de buts et de déchirantes éliminations en séries, de moments crève-coeur et marquants.

Il était l'avenir de la concession, le joueur qui devait donner aux Capitals une Coupe Stanley dont l'équipe rêvait et qu'elle attendait depuis longtemps, le joueur qui devait transformer une formation qui n'avait jamais été championne. Et bien qu'il ne soit plus ce jeune joueur rempli de promesses, alors qu'il a atteint le cap des 600 buts et des 1000 matchs et qu'il aura bientôt 33 ans, il est maintenant quelque chose de meilleur. Il est un champion. Il est un vainqueur de la Coupe Stanley. Il est, enfin, le joueur qu'il était toujours censé devenir.
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Alex Ovechkin a effacé les déceptions du passé et il incarne désormais l'avenir auquel il était promis, maintenant que ces 16 victoires signées en séries éliminatoires de la Coupe Stanley, dont la plus récente est survenue jeudi lors du cinquième match de la Finale contre les Golden Knights, lui confèrent une bague de championnat, le curriculum vitae d'un gagnant et un statut de joueur légendaire. C'est cette dernière victoire, durant laquelle il a marqué son 15e but des séries, qui lui a valu de décrocher le trophée Conn-Smythe en tant que joueur le plus utile à son équipe dans les séries, de susciter les louanges de ses pairs et d'obtenir le droit de rejeter du revers de la main toutes les critiques qu'on lui a dirigées au fil des ans.
« Ça veut tout dire », a-t-il déclaré.
Et voilà. Tout est là, dans ces quelques mots. Tout le travail, ainsi que la soif et la frustration, toutes ces années quand on l'a remis en question et blâmé. Il manquait une ligne à sa biographie, elle a maintenant été écrite.
C'est la seule chose qui manquait.
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Encore et encore, les Capitals ont fait tout ce qu'ils devaient faire en saison régulière, si bien qu'ils ont même remporté le Trophée des Présidents en 2016 et 2017. Ovechkin a fait tout ce qu'il devait faire en saison régulière, lui aussi, comme en font foi ses 1122 points (607 buts, 515 passes) en 1003 matchs en carrière dans la LNH.
Mais tout ça ne s'était jamais avéré suffisant, ni pour l'équipe ni pour le joueur. Étant donné que l'excellence d'Ovechkin sur la patinoire ne faisait pas de doute, il a continué de souffrir de la comparaison avec des joueurs comme Sidney Crosby, capitaine des Penguins de Pittsburgh qui a remporté la Coupe Stanley à trois reprises, avec des joueurs qui avaient cimenté leur grandeur en soulevant le trophée le plus convoité du hockey.

Ovechkin a été promu au poste de capitaine le 5 janvier 2010, à l'âge de 24 ans, et il a alors reçu un honneur qui, croyait-on, allait vite être suivi par un championnat. Mais il aura plutôt fallu attendre huit autres années. Maintenant, Ovechkin peut se targuer d'être le troisième capitaine européen, et le premier capitaine russe, à avoir soulevé la Coupe.
« Le fait d'avoir été un formidable marqueur de buts, d'avoir remporté le titre des marqueurs, mais d'avoir été incapable de franchir l'étape suivante avant cette année… Je suis certain qu'il est grandement soulagé, a affirmé Nicklas Lidstrom, le premier capitaine européen à avoir remporté la Coupe, avec les Red Wings de Detroit en 2008. Je suis certain qu'il ressent beaucoup de satisfaction d'avoir franchi ce pas, surtout parce qu'au moment où il est devenu capitaine, on le considérait comme un meneur de l'équipe. Maintenant, il a montré à tout le monde qu'il l'est. »
Il est devenu le meneur comme ils le croyaient capable de devenir.
Il les a menés au-delà des Penguins, les amenant du même coup à dompter des démons intérieurs, avec cette victoire au deuxième tour éliminatoire dans l'Association de l'Est.
Il les a menés au-delà de Tampa Bay, alors qu'il participait à la Finale de l'Association de l'Est pour la première fois.
Il leur a permis d'avoir le dessus sur l'équipe Cendrillon qu'était Vegas, et de vivre un moment qui avait jusqu'ici échappé aux partisans (et aux joueurs) des Capitals, au point où ceux-ci se demandaient s'ils allaient le vivre un jour.
« Il a vécu pas mal de choses, a souligné l'attaquant des Capitals Brett Connolly avant le cinquième match. Évidemment, il a eu beaucoup de succès sur le plan personnel, mais tout ça venait avec beaucoup de critiques provenant de l'extérieur. … Il réussit ça et ensuite, on ne le voit pas du tout de la même façon, c'est certain. Toutes ces critiques disparaissent. La discussion à son sujet prend alors une tout autre allure. »

Ou, comme l'a dit l'attaquant Devante Smith-Pelly, « Il est un des plus grands joueurs de l'histoire, maintenant son héritage est cimenté à 100 pour cent ».
C'est à ça que les Capitals s'attendaient lorsqu'ils l'ont repêché, quand le propriétaire Ted Leonsis a dit à Ovechkin qu'ils allaient vivre cette aventure ensemble, qu'ils allaient gagner, et ce, avant même qu'Ovechkin enfile les patins pour la première fois avec les Capitals. Il a fallu 14 ans pour tenir cette promesse.
« Il le méritait, a déclaré Leonsis. Personne n'a travaillé plus fort que lui. Personne n'a été plus loyal. Il a vraiment beaucoup, beaucoup de caractère, c'est une belle personne. Toute sa famille, la façon dont il a été élevé… L'intégrité qu'il a. La façon dont il est revenu cette saison, tellement concentré sur la mission d'aller chercher la Coupe. Nick Backstrom et lui, personne ne le méritait plus qu'eux. »
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Ovechkin avait l'air si jeune à l'époque, lorsque McPhee a lancé cette phrase. Il n'avait pas encore sa carrure d'homme, il n'avait pas encore de cheveux gris. Tout était à venir, toutes les promesses et la douleur, même s'il ne le savait pas encore. Maintenant, il le sait.
Il sait ce que ç'a pris pour se rendre jusqu'ici, à quel point il a dû changer sa façon de jouer, à quel point il a dû changer sa façon d'être. On a pu le remarquer ces dernières saisons, quand il s'est mis à faire preuve d'un engagement sans précédent en défensive, à bloquer des tirs, à adapter sa façon de jouer en général avec une conviction qu'on n'avait jamais vue chez lui.
Et c'est peut-être à ce moment-là que ses proches ont réalisé que ça s'en venait.
« Il a toujours été très bon, mais il a changé, je pense, ces deux dernières années, a affirmé l'attaquant Jay Beagle, son coéquipier depuis huit saisons. Tu peux le voir. Ce printemps, on pouvait vraiment voir qu'il était prêt à tout faire ce qu'il fallait faire - loin de la rondelle, à bloquer des tirs, tous ces petits jeux qu'on ne remarque pas d'habitude. »
Ils ont remarqué. Et ils ont vu que, peut-être, enfin, ils allaient avoir droit à leur moment. Ils avaient vu, comme l'a dit le défenseur John Carlson, Ovechkin «évoluer » et devenir, comme l'a dit Connolly, « le joueur le plus complet qu'il ait jamais été depuis le début de sa carrière ».
Ça, ça s'est cimenté l'été dernier quand l'entraîneur Barry Trotz est allé rencontrer Ovechkin en Russie peu après le mariage de ce dernier. L'entraîneur lui a fait remarquer qu'il allait devoir modifier sa façon de jouer encore plus, qu'il allait devoir s'entraîner autrement et travailler autrement après avoir connu une saison 2016-17 au cours de laquelle il avait marqué 33 buts seulement, après avoir atteint le cap des 50 filets lors des trois campagnes précédentes.
« Alors il fait quoi ? a lancé Trotz. Il amorce la saison avec sept buts à ses deux premiers matchs. Il y a des joueurs dans cette Ligue qui ne marquent même pas sept buts en une saison et lui, il en a sept en deux rencontres. Il a donc dicté le ton parce qu'on avait dit bien des choses à son sujet, mais je pense qu'il a beaucoup de fierté et il s'est simplement dit, ' Vous savez quoi ? Je vais vous montrer que vous avez tous tort.' Et c'est ce qu'il a fait. »
L'histoire a donc changé, elle s'est rebrassée et transformée. On a effacé les passages où on doutait d'Ovechkin, où on refusait de lui donner le crédit qu'il méritait et de l'élever au rang des plus grands parmi les plus grands. Il est devenu un joueur qui a su mettre un point final à son parcours, même s'il lui reste encore plusieurs années à jouer.
« Je suis sûr qu'il est soulagé, c'est un peu la rédemption pour lui d'avoir réussi après toutes ces années, a affirmé Lidstrom. Et aussi, beaucoup de joie, parce qu'il a enfin tout gagné. »
Tout ça était bien en évidence, jeudi, quand on a vu Ovechkin pousser des cris, toucher constamment au trophée qu'il convoitait tant, et jurer qu'il n'avait pas réussi ça tout seul. Mais il avait réussi.
Il avait réussi.
« Je ressens tout simplement de grandes émotions en ce moment, a dit Ovechkin. Je ne sais pas comment l'expliquer. C'est tout simplement quelque chose de spécial. Je suis juste très content. Je sais que plusieurs des membres de ma famille qui sont décédés étaient avec moi aujourd'hui. Ils m'ont beaucoup aidé. C'est quelque chose de spécial. »
Quatorze années après que les Capitals eurent repêché Ovechkin, 13 saisons après le début d'une carrière qui le mènera jusqu'au Temple de la renommée, un joueur qui avait toujours mérité de soulever la Coupe a obtenu l'occasion de le faire. Il a changé le cours de son histoire, il a modifié son héritage, il a tout changé.
Ce n'était, au bout du compte, pas plus compliqué que cela.