Mathieu Schneider

MONTRÉAL - S'il y a une personne qui comprend ce que vit Mikhail Sergachev depuis quelques semaines, c'est bien Mathieu Schneider.

Lorsqu'il a été sélectionné au neuvième rang du dernier repêchage, au KeyBank Center de Buffalo, jamais Sergachev n'aurait pensé qu'il y effectuerait ses débuts dans la LNH à peine trois mois plus tard.
Cela va de soi puisque seulement trois autres défenseurs âgés de 18 ans avaient réussi pareil exploit au cours des presque 107 années d'existence du Tricolore. Le dernier avant lui était un jeune Américain originaire de New York, qui avait été choisi au troisième tour de l'encan amateur de 1987 du nom de Mathieu Schneider. Et comme Sergachev trois décennies plus tard, Schneider ne s'attendait aucunement à vivre son baptême dans la Ligue nationale aussi rapidement.
« Je n'avais aucune idée que je débuterais la saison suivante [après le repêchage] dans la LNH. Je me suis présenté au camp avec aucune attente. J'arrivais d'une équipe junior qui n'étais pas particulièrement forte. Je crois que ça m'a avantagé parce que j'ai pu être utilisé à profusion à Cornwall », se rappelle Schneider, qui avait amassé 36 points en 63 sorties avec les Royals à sa première saison dans la Ligue de l'Ontario. « Quand je suis arrivé à Montréal, j'ai offert de solides performances et c'est à ce moment que pour la première fois de ma carrière, je me suis dit que j'avais une véritable chance d'évoluer dans la LNH. Avant cela, je laissais le hasard dicter les choses. »
Ayant principalement obtenu cette audition parce qu'un poste à la ligne bleue s'était ouvert en raison d'un accident de polo qu'avait subi Larry Robinson l'été précédent, les performances de Schneider au cours du camp d'entraînement avaient incité l'entraîneur-chef Jean Perron à lui donner une véritable chance de se faire valoir dans la cour des grands. S'il n'était utilisé que sporadiquement par son entraîneur, le simple fait d'avoir été dans l'entourage du Tricolore avec autant de grands joueurs lui aura permis d'en apprendre beaucoup sur ce qu'il devait faire pour avoir du succès dans la Ligue.

Mathieu Schneider

« J'étais submergé par les émotions lorsque j'ai fait mon entrée dans le vestiaire la première fois. À cette époque, il y avait des gars comme Larry, Chris Chelios, Guy Carbonneau et Bob Gainey, qui était le capitaine. Je les regardais jouer à la télévision à Hockey Night in Canada l'année précédente et je voulais être comme eux », indique celui qui était devenu le 8 octobre 1987, le troisième plus jeune joueur dans l'histoire des Canadiens à disputer un match.
« Une des histoires que j'adore le plus raconter aux jeunes implique Larry, qui était mon héros dans ma jeunesse. Une fois après un entraînement, nous sommes restés sur la glace et avons patiné durant 30 à 40 minutes supplémentaires. Lorsque nous avons terminé, j'ai commencé à ramasser les rondelles, mais il est venu m'aider. Je lui ai dit que c'était un boulot de recrue, mais il m'avait répondu "Mathieu, nous faisons tout en équipe ici". Je n'en croyais pas mes oreilles, poursuit Schneider.
« C'était très spécial et c'était significatif pour moi. Ce joueur légendaire ramassait des rondelles avec moi. Ce genre de moment m'a marqué. Vous vous sentez obligé de le transmettre aux jeunes qui vous suivent. C'est ce qui rendait le fait d'être un Canadien de Montréal si spécial. »
Toutefois, cette audition n'aura duré que quatre rencontres - en plus d'en avoir regardé deux du haut de la galerie de presse - à la suite du retour en santé plus vite que prévu de Robinson et de l'acquisition de Larry Trader au cours des premières semaines du calendrier régulier. À son retour à Cornwall, Schneider a poursuivi son apprentissage dans les rangs juniors durant deux campagnes en plus de passer une demi-saison dans la Ligue américaine, à Sherbrooke. À son retour dans la LNH en décembre 1989, à l'âge de 20 ans, il est le premier à admettre qu'il était beaucoup plus à l'aise sur la glace face aux meilleurs au monde.
« Lorsque j'y repense, 18 ans, c'était vraiment jeune, particulièrement pour un défenseur. Accéder à la LNH à partir des rangs juniors est une grosse, grosse marche. Les attaquants peuvent s'acclimater un peu plus facilement, ils ne sont pas visés par l'adversaire aussi rapidement. Je crois que les défenseurs s'adaptent plus tard dans leur carrière », souligne Schneider, qui donne beaucoup de crédit à l'ancien entraîneur des défenseurs Jacques Laperrière pour avoir fait de lui un défenseur complet, alors qu'il était davantage axé sur l'attaque à ses débuts.
« J'étais beaucoup plus prêt lorsqu'on m'a rappelé la deuxième fois, confesse-t-il. Quand j'ai atteint la LNH, je savais que j'étais de calibre. Pendant combien de temps allais-je y rester ? Là était la question ! »

Mikhail Sergachev

Au total, il aura disputé 1289 rencontres dans la LNH - dont 383 avec les Canadiens -, en plus d'aider le Tricolore à remporter la coupe Stanley en 1993. De par ses fonctions au sein de l'Association de joueurs, Schneider est bien au fait de la réalité dans laquelle se retrouve Sergachev. Avec maintenant trois matchs chez les professionnels derrière la cravate, le jeune défenseur russe ne sait toujours pas s'il passera le reste de la campagne à Montréal ou s'il retournera avec les Spitfires de Windsor.
Face à cette situation où la seule chose que Sergachev puisse contrôler est son jeu sur la glace, Schneider espère que la recrue des Canadiens demeurera dans l'entourage du grand club encore un peu plus longtemps. Ainsi, il pourra compter sur quelque chose qu'il ne retrouvera pas ailleurs : des vétérans pour l'aider.
« J'espère qu'il restera [à Montréal] plus longtemps que moi ! Si je pouvais lui donner un conseil, ce serait d'écouter les vétérans, les gars avec de l'expérience dans le vestiaire, conclut l'homme aujourd'hui âgé de 49 ans. Écoute-les, observe-les, apprends d'eux et ne tente pas d'en faire trop. C'est très important. Ça fait partie de l'apprentissage pour devenir un professionnel ; vous apprenez de vos erreurs pour vous améliorer. »