La première fois qu'Andrew Ference a vu Zdeno Chara, il n'a pas été particulièrement impressionné. De l'autre côté de la glace se trouvait un géant dégingandé et maladroit, un jeune qui venait de traverser l'océan pour jouer avec les Cougars de Prince George dans la Ligue de hockey de l'Ouest. Un jeune qui, à 19 ans, n'avait pas encore réalisé ce qu'il pouvait faire ou représenter dans le monde du hockey.
Chara laisse derrière lui un héritage de gagnant
Le défenseur aura laissé sa marque chez les Bruins et dans la LNH au cours de sa carrière de 24 saisons

© Brian Babineau/Getty Images
Ference, alors âgé de 17 ans et défenseur des Winter Hawks de Portland, a eu un aperçu du joueur qu'était Chara et il n'en a pas fait de cas.
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« Il n'était pas un joueur que tu observais en te disant que tu avais devant toi un futur joueur de la LNH », a raconté Ference qui, 14 ans plus tard, allait défiler avec Chara dans les rues de Boston pour célébrer la conquête de la Coupe Stanley des Bruins en 2011.
« Il avait le gabarit, mais il n'était pas un bon patineur. Il n'avait pas beaucoup d'habiletés. Il était robuste, mais il n'y avait rien qui te faisait dire, "Oh, mon dieu, ce gars est un futur membre du Temple de la renommée". »
Et pourtant, c'est exactement ce en quoi le défenseur s'est transformé : un futur membre du Temple de la renommée. C'est du moins le constat après l'annonce de mardi quant à la retraite de Chara après une carrière de 24 ans dans la LNH, une carrière qui s'étend sur quatre décennies et plusieurs époques de hockey.
« De quoi a-t-il besoin de plus dans sa carrière? a demandé son ancien coéquipier David Backes. Le record du plus de matchs joués est peut-être la dernière chose qui lui manque. […] Il a déjà le record du plus de matchs joués par un défenseur. C'est un gars qui fait partie du mont Rushmore des défenseurs de tous les temps. »
Durant cette carrière légendaire, le géant de 6 pieds 9 pouces et 250 livres - le plus grand joueur à avoir joué dans la LNH - a disputé 1680 matchs, un sommet chez les défenseurs et le septième plus grand total parmi tous les joueurs de l'histoire. Il a inscrit 680 points (209 buts, 471 passes) et a remporté le trophée Norris à titre de meilleur défenseur de la LNH en 2008-09 (finaliste à six reprises). Il a participé à six occasions au Match des étoiles, établissant au passage un record du tir le plus puissant (108,8 mph) lors du concours d'habiletés en 2012. Il a disputé 200 matchs des séries éliminatoires de la Coupe Stanley et a terminé sa carrière avec une moyenne de temps de glace par rencontre de 23:44 en saison régulière.
Il était une force de la nature.
Mais il n'a pas commencé en haut de l'échelle.
L'été suivant la première saison de Chara en Amérique du Nord, Ference a vraiment découvert le joueur et la personne alors que les deux se sont entraînés ensemble à Edmonton. Il a constaté le travail que faisait Chara au gym, ses efforts, sa détermination. L'idée d'une possible émergence a commencé à faire surface.
« C'est là qu'il a vraiment démontré son éthique de travail, ce qu'il faisait pour se développer, a dit Ference, qui a joué avec Chara pendant sept saisons à Boston. À mon avis, ce que nous allons retenir le plus de lui est qu'il est devenu une vedette à force de travail. Il n'était pas un phénomène quand il était jeune ni un joueur dominant. Il n'était pas entouré des meilleurs entraîneurs ou de gens pour l'aider. Il était probablement plus entouré par des gens qui voulaient qu'il se batte davantage et qu'il impose la loi. »
Il est devenu bien plus que cela.
Au cours de sa carrière d'un quart de siècle, Chara aura joué pour quatre équipes, mais en majeure partie avec les Bruins. Il a été le capitaine des Bruins pendant 14 saisons et les a menés à la finale de la Coupe Stanley à trois reprises (2011, 2013, 2019), remportant la Coupe au terme d'une série épique en sept matchs contre les Canucks de Vancouver en 2011.
« C'est vraiment difficile de trouver les mots pour décrire ce qu'il signifie pour l'organisation, la ville et la carrière de plusieurs gars », avait commenté en 2020 le défenseur des Blues de St. Louis Torey Krug, qui a joué pendant neuf saisons avec Chara à Boston. « Il était le professionnel et le Bruin de Boston par excellence. Et si tu veux être un Bruin, tu dois te soumettre aux standards qu'il a établis. Il influence beaucoup de gars à jouer avec autant de détermination que lui. »
Quand Chara a signé un contrat avec les Bruins le 1er juillet 2006, après cinq saisons dans l'uniforme des Islanders de New York et quatre dans celui des Sénateurs d'Ottawa, il a déclaré qu'il voulait « mener cette équipe en montrant l'exemple avec mon éthique de travail, ma détermination, mon dévouement et ma discipline ».
C'était un euphémisme.
« En ce qui concerne l'héritage qu'il laisse aux Bruins de Boston, il s'inscrit parmi les meilleurs et les plus grands », a affirmé le directeur général Don Sweeney, qui peut se permettre de parler des grands défenseurs des Bruins, ayant joué pendant 12 saisons avec Raymond Bourque. « Il a vraiment changé la culture de ce groupe quand il est arrivé ici, il a remporté la Coupe Stanley et il était un champion dans cette ville sur la glace comme en dehors.
« Il détient le record du plus grand nombre de matchs joués par un défenseur dans l'histoire de la Ligue nationale de hockey, et c'est un record qui pourrait bien ne jamais être battu. En tant qu'individu, il est une personne vraiment spéciale sur et en dehors de la glace. »
What a player.
— Boston Bruins (@NHLBruins) September 20, 2022
What a leader.
What a career.
What a legacy. pic.twitter.com/iT8jnG2F3w
Il allait changer la philosophie de l'organisation, marquant ainsi une nouvelle ère du hockey à Boston, aux côtés de Patrice Bergeron, qui a succédé à Chara à titre de capitaine. C'était une signature qui a des répercussions encore aujourd'hui, deux ans s'étant écoulés depuis la dernière fois où il a porté l'uniforme jaune et noir, et qui semble destinée à perdurer dans le futur.
« Ça explique pourquoi les Bruins ont été une équipe aussi compétitive pendant aussi longtemps. Ces gars-là ont inculqué des habitudes fantastiques aux jeunes joueurs qui sont arrivés », a noté l'ancien attaquant des Bruins Rich Peverley en parlant de Chara et de Bergeron. « Le leadership qu'ils ont tous les deux apporté est tout simplement remarquable. »
La carrière de Chara va effectivement bien au-delà des statistiques.
Fils de Zdenek, un lutteur olympique gréco-romain, Chara a grandi sous le régime communiste en Tchécoslovaquie, et est né alors que le pays était sous l'autorité des Soviétiques. Il parle au moins sept langues, il a obtenu son permis de courtier immobilier du Massachusetts en 2015 alors qu'une blessure au genou lui a donné du temps libre, et il a remporté le concours de tractions des Bruins à l'âge de 40 ans en 2017. Il est un excellent cycliste et un passionné de cyclisme, a un faible pour le pain aux bananes et est une personne qui aurait probablement été aussi à l'aise en tant que PDG d'une compagnie qu'en tant que capitaine dans la LNH.
Il est devenu le capitaine des Bruins avant même de jouer un match à Boston, et sa mise sous contrat a motivé Marc Savard à rejoindre l'équipe au même moment. C'était le signe que les Bruins étaient prêts pour une nouvelle ère, huit mois après l'échange de Joe Thornton aux Sharks de San Jose. Moins de cinq ans plus tard, les Bruins allaient soulever la Coupe, faisant de Chara le deuxième capitaine né en Europe à triompher (après Nicklas Lidstrom des Red Wings de Detroit en 2008) dans la LNH.
Chara allait forger l'équipe à son image, soit un groupe hargneux qui n'avait aucune excuse pour ne pas travailler aussi fort que son capitaine.
« Il est le point de référence ultime des Bruins de Boston, et ça explique pourquoi il a poussé tellement de gars autour de lui à tendre vers l'excellence, a ajouté Krug. Les gens essaient toujours de travailler plus fort que Zdeno, mais ça n'arrive pas. Quand les gens essaient, ça signifie qu'ils atteignent leur potentiel, et c'est ce qui force les autres à donner le meilleur d'eux-mêmes. »
Ils ne pouvaient pas ralentir la cadence. Ils ne pouvaient pas prendre une journée de congé. Ils n'avaient pas vraiment le choix.
« Nous n'avions pas le choix », a soutenu l'attaquant Shawn Thornton, qui a joué avec Chara pendant sept saisons et qui est maintenant directeur des revenus des Panthers de la Floride, en 2020. « Nous devions être capables de regarder le grand gaillard dans les yeux. »
Il refusait de laisser les joueurs de première année des Bruins être surnommés des recrues et il travaillait plus fort qui n'importe qui, même s'il avait le double de l'âge de certains de ses coéquipiers. Il a été le mentor de plusieurs jeunes défenseurs, de Dougie Hamilton à Brandon Carlo en passant par Chalie McAvoy.
« C'est un vrai professeur dans l'âme », a dit Ference.
McAvoy, né en 1997, a été jumelé à Chara, né en 1977, lors de ses trois premières saisons dans la LNH. Il attribue une grande partie du mérite à Chara pour son développement.
« En tant que jeune joueur, je devais simplement réaliser à quel point il faut se surpasser chaque jour », a mentionné McAvoy quand Chara a quitté les Bruins en 2020. « Il y a tellement de choses à savoir, c'est difficile. Mais je sais que je peux mettre à profit tout ce que j'ai appris de lui. Je vais en quelque sorte pouvoir donner au suivant et aider les jeunes à mon tour, comme il l'a fait pour moi. »
Un impact persistant.
Et ils croient tous qu'il y a plus à venir pour Chara. Plus de célébrations, plus de reconnaissance. Pour ce qu'il a fait pour les Bruins et pour l'impact qu'il a eu sur le hockey. Même si Ference n'aurait jamais imaginé tout cela lorsqu'il a vu Chara à l'œuvre pour la première fois il y a plusieurs années.
« Il est premier au scrutin pour le Temple de la renommée à mon avis », a estimé Peverley.
Article écrit en collaboration avec la journaliste de NHL.com Tracey Myers et la correspondante indépendante Jessi Pierce

















