La LNH et Canards Illimités Canada s'associent pour raconter l'histoire de joueurs actuels et anciens de la LNH, et expliquer comment l'accès aux patinoires extérieures communautaires et au plein air a contribué à façonner leur amour pour le sport. Aujourd’hui, une visite chez Rogatien Vachon, qui revient joyeusement sur sa jeunesse lors de laquelle il s'amusait sur les patinoires extérieures de Palmarolle, au Québec, en route vers une carrière qui le mènerait à trois conquêtes de la Coupe Stanley et un trophée Vézina avec les Canadiens de Montréal ainsi qu'une place au Temple de la renommée du hockey.
Vachon profite de sa retraite en se souvenant de ses débuts à Palmarolle
La carrière du gardien membre du Temple de la renommée s'est amorcée sur les étangs de l'Abitibi

La meilleure histoire d’échappée de la carrière de Rogatien Vachon remontait au 18 février 1967. Le gardien recrue de 21 ans des Canadiens a disputé son premier match dans la LNH au Forum de Montréal contre les Red Wings de Detroit et il a fait son premier arrêt sur un lancer du légendaire Gordie Howe qui avait réussi à s’échapper.
Toutefois, la suivante pourrait la détrôner et elle remonte à encore plus loin. C’était par un beau printemps sur un étang gelé à la ferme laitière familiale de Palmarolle, situé en Abitibi-Témiscamingue au Québec.
« Avec le soleil du printemps, il y avait de l’eau qui s’accumulait sur la glace, mais on continuait à jouer, s’est remémoré Vachon. J’étais dans les buts, parce que j’étais toujours dans les buts, et mon frère Anicet s’est échappé.
« Mais avant d’arriver à moi, la glace a cédé sous ses patins et il s’est retrouvé dans l’étang. On l’a sorti de là. Il était détrempé de la tête aux pieds. Puis, on est retournés à la maison. C’était assez loin, donc à notre arrivée, il était complètement gelé. Il pouvait à peine bouger les jambes. »
Vachon et tous ceux qui avaient participé à cette partie qui était tombée à l’eau ont pris une grande grille de métal et ils l’ont placée par-dessus l’énorme poêle qui chauffait toute la maison. Puis, Anicet s’est étendu sur la grille.
« Il est resté là une demi-heure pour se réchauffer », a poursuivi Vachon en riant. « C’était drôle. »
Gordie Howe a donc eu de la chance lors de son échappée.
D’une certaine manière, Vachon a bouclé la boucle, même s’il ne joue plus au hockey sur des étangs gelés. Aujourd’hui, à 80 ans, il habite sur une ferme du Montana avec son fils et sa belle-fille, Nick et Renee, ainsi que leur fille, Chloe.
Vachon est à plus de 3000 kilomètres au sud-ouest de Palmarolle et il profite de la vie en campagne après une carrière dans la LNH qui l’a mené à Montréal, Los Angeles, Detroit et Boston de 1967 à 1982.
Comme pour plusieurs de ses contemporains, jouer dehors a marqué la jeunesse de Vachon. Il conserve d’excellents souvenirs de ces parties interminables interrompues par quelques pauses pour se dégeler les doigts et les orteils.
Il est un des trois fils et quatre filles de Joseph et Lucia Vachon. Les enfants ont grandi sur une ferme laitière à Palmarolle, un village agricole de l’Abitibi-Témiscamingue situé à 680 kilomètres au nord-ouest de Montréal.
« Par chance, ils sont encore tous là », a révélé Vachon au sujet de ses frères et sœurs.
Joseph Vachon avait 15 vaches laitières dans sa ferme, de même que des moutons, des cochons et des chevaux de trait avant d’avoir un tracteur.
C’est sur cette ferme que vers l’âge de cinq ans, Rogatien Vachon a joué au hockey pour la première fois. C’était une partie improvisée sur une patinoire que ses frères et ses cousins avaient fabriquée en transportant de l’eau du puits de la ferme.
« Ma mère n’était pas très contente parce qu’on avait presque vidé le puits pour faire la patinoire, a-t-il raconté. L’eau était pour les animaux qui passaient l’hiver dans l’étable.
« On a arrosé une petite section du terrain et on jouait là-dessus. Pour une raison ou une autre, j’étais toujours le gardien. J’étais le plus petit, alors ils m’ont mis dans les buts et ils ont dit : "On ne veut pas que tu te fasses mal, alors tu vas être le gardien." Je suis resté là et j’ai failli mourir de froid. »
Les buts étaient formés de tas de neige qui servaient de poteaux. Il fallait récupérer les rondelles dans les bancs de neige et parfois, ils les retrouvaient seulement au printemps.
En guise d’équipement, Vachon portait des mitaines épaisses et des catalogues attachés devant ses tibias comme jambières.
Les huit enfants marchaient plus de trois kilomètres au milieu d’immenses bancs de neige pour se rendre à l’école.
« Il y avait une patinoire extérieure au village. Alors parfois, avec mes frères et mes cousins, on sortait de la ferme pour aller à la patinoire du village », a-t-il poursuivi.

© Denis Brodeur/Getty Images
Mieux encore, il y avait un grand étang qui était accessible seulement après une longue marche à partir de la ferme. C’est cet étang qui a failli engloutir le frère de Vachon.
« On avait l’impression qu’il s’étendait sur des kilomètres », a expliqué Vachon à propos de l’étang. « C’était tellement grand. La glace était belle et épaisse en hiver. On pouvait patiner dessus sur des kilomètres. »
À 12 ans, le jeune gardien jouait dans une ligue relativement organisée à Palmarolle. Vêtu de son gros chandail de laine, le plus jeune du groupe affrontait des équipes formées de fermiers qui avaient deux fois son âge, voire plus, « parce qu’ils avaient besoin d’un gardien. »
Trois ans plus tard, Joseph Vachon a vendu la ferme et la famille a déménagé dans la ville minière de Rouyn-Noranda, à environ 60 kilomètres au sud de Palmarolle.
Cette région était une pépinière de hockeyeurs. Plusieurs grands joueurs y sont nés et y ont donné leurs premiers coups de patin. Des joueurs tels que les membres du Temple de la renommée David Keon et Jacques Laperrière et Pierre Turgeon, de même que son frère Sylvain Turgeon, Dale Tallon, Réjean Houle et de nombreux autres joueurs de la LNH.
En 1961, à l’âge de 16 ans, Vachon jouait à un niveau intermédiaire à Rouyn et il recevait de 50 à 60 lancers par matchs. L’époque où il gelait sur la patinoire familiale en jouant devant les vaches et où il rentrait de l’étang après le coucher du soleil à Palmarolle lui semblait bien loin.
Gilles Laperrière, le frère de Jacques qui a patrouillé la ligne bleue des Canadiens, était à Montréal quand il a entendu parler d’un jeune gardien prometteur que l’équipe devrait recruter.
Les Canadiens ont envoyé Scotty Bowman, le dépisteur assigné à l’est du Canada à l’époque, observer ce jeune joueur. Celui qui allait devenir l’entraîneur le plus victorieux de l’histoire de la LNH a aimé ce qu’il a vu.
Vachon était impatient de signer le formulaire qui lui permettait de s’entendre avec une équipe de la LNH, mais sa mère Lucia avait des doutes.
« On a eu de la difficulté à convaincre la mère de Rogatien de le laisser partir pour la vilaine grande ville », avait déclaré Bowman aux journalistes après le premier match du gardien en 1967.
Vachon en rit aujourd’hui.
« Oui, ma mère hésitait, s’est-il souvenu. Elle craignait que je ne survive pas à Montréal, mais tout s’est bien passé. »
Vachon a joué avec les Monarchs de Notre-Dame-de-Grâce de Bowman au niveau junior A, le Canadien junior à Thetford Mines ainsi que les équipes semi-professionnelles des As de Québec et des Apollos de Houston.
Il a fait ses débuts dans la LNH au Forum après avoir été rappelé de Houston dans la Ligue centrale à la suite d’une blessure à Gump Worsley et des performances en dents de scie du gardien auxiliaire Charlie Hodge.
Le gardien acrobatique de 5 pieds 8 pouces et 165 livres a aidé les Canadiens à remporter la Coupe Stanley en 1968, 1969 et 1971. Lors de la saison 1967-68, il a partagé avec Worsley le trophée Vézina, qui était alors remis à l’équipe qui avait accordé le moins de buts pendant l’année.
Puis, Ken Dryden est arrivé. Celui qui a mené l’équipe à la conquête du titre en 1971 en remportant le trophée Conn-Smythe avant même d’avoir disputé sa première saison complète dans la ligue allait s’imposer devant le filet des Canadiens dans les années 70. Vachon a donc demandé à être échangé et son vœu a été exaucé le 4 novembre 1971 lorsqu’il a été envoyé aux Kings en retour du gardien Denis DeJordy, des défenseurs Dale Hoganson et Noel Price et de l’attaquant Doug Robinson.
Vachon a passé presque sept saisons à Los Angeles, puis deux avec les Red Wings et deux autres avec les Bruins avant de prendre sa retraite en 1982. En 795 matchs de saison régulière dans la LNH, il a conservé un dossier de 353-293 et 128 parties nulles avec une moyenne de buts accordés de 3,00, un pourcentage d’arrêts de ,896 et 51 blanchissages. En 48 matchs de séries éliminatoires, il a présenté une fiche de 23-23 avec une moyenne de buts accordés de 2,77, un pourcentage d’arrêts de ,907 et deux jeux blancs.
Sur la scène internationale, Vachon a aidé le Canada à remporter la Coupe Canada en 1976 avec une moyenne de 1,39, un pourcentage d'arrêts de ,940 et deux blanchissages en sept matchs. Il a été sélectionné dans l'équipe d'étoiles en plus d’être nommé meilleur gardien du tournoi et joueur le plus utile du Canada.

© Lewis Portnoy/Hockey Hall of Fame
À sa retraite, il est retourné à Los Angeles pour occuper les fonctions de consultant des gardiens de but, d'entraîneur adjoint, deux fois d'entraîneur-chef intérimaire et de président de l'équipe avant de démissionner de son poste d'ambassadeur en 2008.
C'est lorsqu'il occupait le poste de directeur général de 1984 à 1992 que les Kings ont fait les manchettes, lorsque le propriétaire de l'équipe Bruce McNall a acquis Wayne Gretzky des Oilers d'Edmonton dans une transaction spectaculaire le 9 août 1988.
Trente-quatre ans après son dernier arrêt, le Temple de la renommée l'a appelé en 2016. Vachon avait depuis longtemps abandonné tout espoir d'entendre le téléphone sonner.
« Ça a été un grand moment de fierté », a-t-il confié à propos de son admission au Temple de la renommée. « On regarde en arrière et on se dit : “'Bon, je suis au Temple de la renommée. Combien de joueurs ont joué au fil des ans et combien sont ici?'' Le pourcentage est tellement faible. Vous vous sentez privilégié de faire partie d'un groupe aussi spécial. »
Nicole, son épouse depuis 44 ans, est décédée neuf mois avant son intronisation. Il est resté dans leur maison du quartier de Venice, à Los Angeles pendant quelques années de plus jusqu’à ce que l’appel de la nature se fasse sentir.
Après avoir vécu plusieurs décennies dans la grande ville, Vachon est retourné à la campagne au début de l'année 2021, quittant la frénésie et les embouteillages de Los Angeles après plus de 40 ans pour s'installer sur un terrain de huit acres sous le grand ciel paisible du Montana, où il partage une maison spacieuse avec Nick, Renee et Chloe.
Calvin Vachon, le fils de 20 ans de Nick et Renee, est gardien de but cette saison pour l'Université Alaska-Fairbanks dans la NCAA.
« Je me sens très bien ici, a affirmé Vachon. Je peux sortir fumer mon cigare, tondre la pelouse, travailler dans le jardin et respirer l'air frais quand je le désire. »
Les chandails de chacune de ses quatre équipes de la LNH sont encadrés dans la maison. Le numéro 30 de Vachon a été retiré par les Kings en 1985, le premier à recevoir cet honneur à Los Angeles.
De petits souvenirs de sa carrière de hockeyeur parsèment la maison, mais Vachon est aujourd'hui plus heureux que jamais dans sa chemise en flanelle. Le hockey appartient désormais au passé, et sa vie est désormais centrée sur sa famille et la campagne, loin des lumières de la ville où il évoluait dans la LNH.
« Mon veston du Temple de la renommée est dans un placard », a-t-il raconté peu après avoir déménagé au Montana. « J'en suis très fier, mais vous savez, je ne l'ai pas portée depuis le week-end de mon intronisation. »
Vachon passe ses journées à jouer au golf, à pêcher à la mouche, à s'occuper des animaux – il adore son rôle de « gardien... de chèvres » – ou à ne rien faire du tout.

© Courtesy Renee Vachon
Il garde dans son cœur une forte attache pour le Québec rural, 75 ans après avoir puisé de l'eau dans le puits d'une ferme pour aider ses frères à construire une patinoire.
En 1994, Palmarolle a donné à son aréna le nom de son fils le plus célèbre, l'aréna Rogatien Vachon, en utilisant son nom complet. En 2005, une exposition permanente a été inaugurée dans le foyer de l'aréna afin de présenter la vie et la carrière de cette légende locale.
Vachon a envoyé aux responsables de ce modeste musée des souvenirs qu'ils ont ajoutés à leurs propres coupures de presse, statuettes, photos et trophées miniatures. Ce musée est devenu une attraction populaire pour les résidents et même une destination qui vaut le détour pour les visiteurs de passage en Abitibi.
Aujourd'hui, Vachon considère comme mémorable son parcours dans le monde du hockey, qui a commencé sur une petite patinoire et un grand étang.
« C'était fantastique », a-t-il lancé à propos de ses débuts en plein air. « Je garde de très bons souvenirs de cette période, sans savoir à l'époque où cela me mènerait. »






