Sevigny Ducks French

La LNH et Canards Illimités Canada s'associent pour raconter l'histoire de joueurs actuels et anciens de la LNH, et expliquer comment l'accès aux patinoires extérieures communautaires et au plein air a contribué à façonner leur amour pour le sport. Aujourd’hui, pour le huitième épisode de cette série d’articles, le parcours de Richard Sévigny, un gardien qui s’est mis à jouer au hockey au parc de son quartier et qui n’a jamais cru en ses chances d’atteindre la LNH.

D’aussi loin qu’il puisse se souvenir, Richard Sévigny a toujours été fasciné par le hockey. Et c’est tout près de chez lui, dans un parc du quartier Rosemont, à Montréal, que le parcours plutôt improbable de l’ancien gardien des Canadiens de Montréal et des Nordiques de Québec a commencé.

Sévigny avait 5 ou 6 ans la première fois qu’il a reçu de l’équipement de hockey. Ce fut l’un des deux éléments déclencheurs qui l’ont poussé à devenir gardien de but.

« Un Noël, dans le temps de Jacques Plante, j’avais reçu des jambières de gardien, s’est-il souvenu. À l’époque, ces jambières avaient environ un pouce d’épaisseur. On jouait au hockey dans le passage à la maison. J’ai toujours eu une fascination pour le métier de gardien de but. »

Mais un autre événement marquant a vraiment convaincu le jeune Richard de se diriger vers la position dans le demi-cercle bleu, alors qu’il était âgé de 8 ans.

« En fait, j’ai voulu être gardien de but parce que je ne savais pas très bien patiner. La première fois que je suis embarqué sur la glace au parc Père-Marquette, mon frère me suivait derrière. J’ai pris une fouille (une chute) et mon frère a reçu mon bâton dans l’œil. Il s’est retrouvé à l’hôpital. »

La fascination pour ce sport de glace s’est cependant installée bien avant cette première expérience malheureuse avec des patins dans les pieds. À l’âge de 6 ans, Sévigny partait seul, chaque dimanche, pour se rendre en autobus au Centre Paul-Sauvé, coin Beaubien/Pie-IX, pour aller voir du hockey junior.

« Il y avait un gros aréna de 3-4000 places – il n’existe plus aujourd’hui. J’allais voir les matchs de la Ligue métropolitaine, a raconté Sévigny. J’ai toujours été fasciné par le hockey. J’en ai mangé du hockey, et j’ai eu la chance de vivre dans ce milieu-là par après. Je suis très chanceux. »

Sévigny 12 ans

Richard Sévigny à l'âge de 12 ans.

Est ensuite venue la routine des allers-retours au parc Père-Marquette et à l’aréna portant le même nom, à distance à pied de chez lui.

« Tous les soirs, l’hiver, j’avais ma routine. J’arrivais chez moi à 16 h 30, je faisais mes devoirs et je soupais. À 18 h pile, je partais pour l’aréna Père-Marquette pour aller voir du hockey de 18 h à 21 h. Je regardais le cadran à l’aréna, et quand l’aiguille frappait les 21 heures, je retournais chez moi.

« Ç’a été ma routine quotidienne du lundi au vendredi, de l’âge de 8 ans jusqu’à 16 ans. Le samedi, il n’y avait pas de hockey, je trouvais ça plate. Alors j’allais patiner au parc. J’étais toujours dehors. »

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C’est à 8 ans que Sévigny s’est retrouvé dans une équipe pour la première fois. Il a appris à la dure.

« Il n’y avait pas d’équipes pour les 7-8 ans, ça commençait à 9 ans. Je me suis donc retrouvé à aller jouer avec des plus vieux que moi, s’est-il rappelé. Ce n’était pas évident. Quand ils ont 10 ans et que toi tu en as 8, ça fait déjà une grosse différence. Mais il fallait commencer quelque part, et ce n’est pas toujours facile quand tu débutes dans quelque chose. »

Sévigny avait un certain talent inné, mais il était, de son propre aveu, quelque peu délinquant. Il n’était pas nécessairement prêt à mettre tout le sérieux pour gravir les échelons dans le hockey mineur.

Sévigny midget

Richard Sévigny, au centre dans la rangée du bas, à l'âge de 15 ans dans le Midget A.

« À 15 ans, à ma première année midget, j’avais les cheveux jusqu’au milieu du dos et je jouais avec mes chums à De Lorimier, un regroupement de deux paroisses. Le monsieur qui s’occupait du AA, un certain M. Trottier, était quelqu’un de très sévère. Pour jouer dans son équipe, tu devais avoir les cheveux coupés et il fallait que tu marches droit. Je ne voulais rien savoir.

« J’ai commencé à comprendre à ma deuxième année midget que si je désirais avancer dans le milieu du hockey – sans nécessairement me rendre loin, mais au moins avoir la chance de jouer dans le AA – je n’aurais pas le choix de me faire couper les cheveux. Alors j’ai pilé sur mon orgueil et je me suis retrouvé avec les Élites de Rosemont. »

Sevingy AA

Richard Sévigny dans le Midget AA avec les Élites de Rosemont.

Rarement perdre quelques poils sur la tête aura été aussi payant. L’année suivante, Sévigny était repêché par les Castors de Sherbrooke dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Il gagnera un championnat dès son arrivée à Sherbrooke, en 1974-75, et un autre deux ans plus tard.

Sévigny se fait alors remarquer. Il devient un choix de septième ronde des Canadiens, au 124e rang, au repêchage amateur de 1977.

« J’ai été repêché par les Canadiens, mais à cette époque, il y avait 12 gardiens dans l’organisation, alors mes chances de faire l’équipe étaient aussi grandes que de gagner le million. »

Cette année-là, en 1977, sort le film culte Slap Shot. Ça sonne une cloche pour Sévigny. Il ne croit pas en ses chances d’atteindre la LNH, mais le visionnement du film lui donne envie de tenter l’expérience du hockey semi-professionnel.

« En toute honnêteté, je n’ai jamais pensé pouvoir me rendre jusqu’à la LNH, a avoué Sévigny. Le simple fait de me rendre au niveau junior majeur, c’était déjà beaucoup pour moi. À ce stade-là, tout ce que j’espérais était de pouvoir jouer une année semi-pro. En voyant ce film-là, on se disait : "Ça a l’air drôlement le fun ce qui se passe dans le milieu du hockey". J’espérais vivre au moins une année à ce niveau-là. »

Le gardien de 5 pieds 8 pouces a reçu trois offres pour aller jouer dans les rangs universitaires. Il a finalement atterri au Michigan dans la Ligue internationale avec les Wings de Kalamazoo, une équipe affiliée aux Red Wings de Detroit.

« On m’avait donné une chance, mais j’ai été coupé. Je me suis retrouvé chez moi pendant deux semaines à ne plus rien faire, je pensais que ma carrière était terminée, a raconté Sévigny. L’équipe a procédé à un changement d’entraîneur et j’ai reçu un appel. C’est de cette façon que ma carrière professionnelle a commencé. »

Sévigny revient dans le giron des Canadiens en 1978-79, alors qu’il évolue pour les Voyageurs de la Nouvelle-Écosse, dans la Ligue américaine.

Le Montréalais obtient sa première chance dans la grande ligue la saison suivante. Le 13 novembre 1979, Sévigny saute dans l’action d’un match de la LNH lorsqu’il vient en relève à Denis Herron en première période lors d’un duel contre les Blues à St. Louis. Il repousse 22 des 23 tirs dirigés vers lui pour signer sa première victoire dans l’uniforme des Canadiens.

Le Tricolore représente une véritable dynastie à l’époque. L’équipe vient de remporter la Coupe Stanley lors des quatre saisons précédentes.

Sevigny Forum

« C’étaient les années de Ken Dryden et de Michel Laroque (devant le filet), les années de plusieurs monuments à Montréal. Ken a pris sa retraite, et des portes se sont ouvertes, a dit Sévigny. La première fois que je me suis retrouvé dans le vestiaire des Canadiens, j’étais assis entre Ken Dryden et Guy Lafleur. C’est plutôt impressionnant quand tu as vu ces vedettes-là à la télévision.

« Je me demandais ce que je faisais là, mais c’est comme ça que ç’a commencé. »

À sa première saison complète à Montréal, en 1980-81, Sévigny a remporté le trophée Vézina en compagnie de ses acolytes Michel Laroque et Herron. À cette époque, le Vézina était remis aux gardiens de l’équipe ayant accordé le moins de buts en saison régulière.

Il passera au total huit saisons dans la LNH, cinq avec les Canadiens et trois avec les Nordiques, conservant un dossier de 80-54 et 20 verdicts nuls en 176 matchs. Il a également pris part à quatre rencontres des séries éliminatoires de la Coupe Stanley.

Sévigny ne s’enfle jamais la tête avec le fait d’avoir joué dans la Ligue nationale. Homme de nature modeste, il se dit tout simplement chanceux.

« Quand je reparle de ça, je dis toujours aux gens que j’ai été extrêmement chanceux, car je ne pourrais pas refaire ma vie de la même façon, a-t-il soulevé. Je ne pourrais pas revivre ce que j’ai vécu. Aujourd’hui, ce sont de vrais athlètes. Les gardiens modernes font tous un pied de plus que moi.

« J’ai eu la plus belle vie, je suis très chanceux. Le hockey m’a apporté beaucoup. »

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La fascination pour son sport ne l’ayant jamais quitté, Sévigny est demeuré très près du monde du hockey une fois sa carrière de joueur terminée. Il a travaillé pendant 20 ans dans le milieu scolaire – quatre ans au Collège de Montréal et 16 ans au Collège l’Assomption – en s’impliquant dans divers programmes de hockey.

Aujourd’hui âgé de 68 ans, Sévigny, qui habite maintenant sur le bord du fleuve Saint-Laurent à Sorel, enfile encore les jambières de temps à autre.

« Je joue encore avec les anciens (Canadiens), mais je suis sur le point d’accrocher mes patins. Si ce n’est pas moi qui le fais, c’est quelqu’un d’autre qui va me dire de le faire!

« J’arbitre beaucoup dans la région de Sorel, a-t-il poursuivi. Je suis très impliqué dans l’arbitrage en Montérégie, je suis sur la glace pratiquement six jours sur sept. C’est important de rester occupé. Ça garde l’esprit jeune. Si tu ne bouges pas et que tu restes les deux pieds sur le pouf, c’est là que tu vas vieillir. Ça va être le début de la fin. »

Vers la fin d’un appel téléphonique d’une vingtaine de minutes, Sévigny souligne que le temps passé dehors a façonné les gens de sa génération, une qualité qui se perd malheureusement, selon lui.

« J’ai passé mes étés à jouer dehors au parc. Les enfants de la génération d’aujourd’hui, ce n’est pas la même chose, a-t-il dit. On ne voit plus personne dans les cours d’école après les heures de classe. Dans mon temps, c’était le contraire. On était toujours là. »