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Choix de premier tour des Nordiques de Québec au repêchage de 1993, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons et il est aujourd’hui actionnaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 32 filets de la Ligue.

Les Jets de Winnipeg devraient revoir leurs manières de faire avec leur gardien vedette Connor Hellebuyck et profiter du coussin qu’ils ont présentement au sommet du classement de l’Association de l'Ouest pour le ménager dans le dernier segment de la saison.

Cette réflexion m’est venue d’une recherche maison que j’ai effectuée à propos des 10 derniers gardiens no 1 qui ont soulevé la Coupe Stanley.

Soixante-dix fois dans les 10 dernières années, un gardien a disputé plus de 60 matchs lors d’une même saison.

Pourtant, jamais une telle utilisation ne s'est soldée par une conquête de la Coupe Stanley pendant cette période.

À l’inverse, plusieurs équipes ont réussi à remporter les grands honneurs avec un portier très peu employé en saison. Hill n’avait disputé que 27 rencontres avant de soulever la Coupe Stanley avec les Golden Knights de Vegas en 2023. Jordan Binnington n’en avait disputé que 32 avec les Blues de St. Louis en 2018-19 et Matt Murray, 13 avec les Penguins de Pittsburgh en 2015-16.

N’importe quel gardien de la LNH est capable d’être « sur son X » pendant un parcours éliminatoire, si les circonstances s’y prêtent. Mais à choisir, il vaut mieux avoir un gardien reposé qu’un gardien taxé.

Plusieurs équipes ont déjà compris les méfaits d’une surutilisation d’un même gardien si elles espèrent faire long feu en séries. C’est probablement pourquoi les hommes masqués utilisés pendant 60, 65 et 70 matchs sont maintenant de plus en plus rares dans la LNH. D’un autre côté, il est tellement difficile pour les équipes de se tailler une place en séries de nos jours que certaines d’entre elles n’ont pas le luxe de reposer leur gardien no 1, surtout si l’auxiliaire n’est pas à la hauteur. La solution parfaite n’existe pas.

Mais Hellebuyck et les Jets, eux, semblent faire fi de notre ère et continuent d’utiliser abondamment le portier même s’ils sont confortablement installés au sommet de leur association.

Qu’il n’en tienne qu’à la saison, l’équipe manitobaine n’a aucune raison de changer sa manière de faire – les Jets ont participé aux séries éliminatoires lors de quatre des cinq campagnes où Hellebuyck voyait de l’action plus de 60 fois. Et cette année, même si l’Américain de 31 ans est grandement occupé, les Jets ont remporté 39 de leurs 55 matchs (39-14-3) et se dirigent vers la meilleure saison de leur histoire.

COL@WPG: Hellebuyck bloque 22 tirs dans une victoire des Jets

C’est une fois en séries que ça se corse.

Depuis leur finale de l’Ouest de 2018, les Jets n’ont franchi le premier tour qu’une fois; ils ont été balayés par les Canadiens de Montréal au deuxième tour des séries de 2021. En 2024 et 2023, l’équipe a respectivement affiché un rendement de 52 et 46 victoires, mais chaque fois, elle a subi l’élimination d’emblée après cinq rencontres.

Lorsqu’Hellebuyck joue plus de 60 matchs en saison, il n’est plus le même en séries. Il n’a su accoter qu’une fois son taux d’efficacité de la saison, le printemps venu (,913). Il s’en est bien tiré lors du parcours des siens jusqu’en finale de l’Ouest en 2018, avec une efficacité de ,922, mais depuis deux ans, c’est pénible. En 2023, il a bloqué 88,6 % des rondelles dirigées vers lui (,886) et en 2024, 87 % (,870).

Ce n’est pas uniquement une question de gardien lorsque vient le temps d’aborder les insuccès des Jets en séries, mais les dernières années nous montrent que l’utilisation abondante d’un même portier n’est pas synonyme de succès. Ce n’est pas vrai que pour Hellebuyck.

Voilà donc un premier indice sur lequel peuvent s’appuyer les Jets s’ils ne veulent pas faire faux bond à nouveau. Car avec la saison qu’ils sont en train de connaître, les hommes de Scott Arniel font croître les attentes, qui seront plus élevées que jamais à leur endroit lorsqu’arrivera la fin avril. Ils n’auront pas droit à l’erreur.

S’ils appliquaient ma stratégie, Arniel et le reste de son personnel auraient le défi de la faire comprendre à Hellebuyck et à ses coéquipiers. Lorsque tu es un gardien, tu veux disputer le plus de matchs possible. J’en sais quelque chose, ayant vécu trois saisons de plus de 60 matchs avec les Blackhawks de Chicago. Ça doit être encore plus vrai pour Hellebuyck, qui se dirige tout droit vers le trophée Vézina pour la troisième fois de sa carrière (34-7-2, 2,06; ,925).

Avec neuf points d’avance sur les Oilers d’Edmonton (34-17-4), leurs plus proches poursuivants dans l’Ouest, les Jets ont le luxe de faire jouer Eric Comrie davantage au retour de la pause de la Confrontation des 4 nations.

S’ils décident de finir la saison avec la même répartition du travail et qu’ils subissent une autre élimination hâtive en séries, les Jets devront peut-être penser à se tourner vers un autre auxiliaire qui insufflerait une encore plus grande confiance à l’équipe que Comrie et qui serait en mesure de disputer de 30 à 35 matchs par saison.

Même lorsqu’on connaît beaucoup de succès, il y a toujours place à la réflexion lorsqu’on évolue dans une ligue aussi compétitive que la LNH. Parlez-en aux Jets.

Propos recueillis par Gabriel Duhamel, pupitreur LNH.com