Dans l'épisode no 5 de Rendez-vous CH, Trevor Timmins, le vice-président, personnel des joueurs des Canadiens, parle entre autres de son travail, du repêchage et des espoirs de l'équipe.

Marc Denis : En compagnie de Trevor Timmins, vice-président, personnel des joueurs. En ville à quelques heures, quelques jours du début du Championnat mondial de hockey junior, à quel point est-ce important pour toi d'être présent ici?
Trevor Timmins : C'est un des événements de dépistage les plus importants de l'année. Autant du point de vue du recrutement amateur que semi-professionnel. Par exemple, il y a des espoirs d'élite pour le prochain repêchage de la LNH. Si on regarde le repêchage de l'an dernier, des noms comme Matthews, Puljujärvi, Laine, Juolevi se sont tous démarqués dans ce tournoi. Et aujourd'hui, ce sont des jeunes qui se démarquent dans la LNH. Alors il y en a quelques-uns comme ça cette année. Malheureusement, il n'y en a pas avec Équipe Canada ni avec les États-Unis, mais il y a de très bons espoirs finlandais et suédois, il y en un Tchèque et un Suisse qui seront tous des choix de premier tour en 2017. Mais aussi, d'un point de vue de recrutement professionnel, plusieurs joueurs de ce tournoi ont déjà été repêchés. Alors au bout du compte, on peut peut-être parler à une équipe à propos d'une transaction future et vraiment à long terme, peut-être même de l'autonomie d'un joueur. On fait des rapports et on regarde aussi ces joueurs pour ajouter des informations dans nos notes.
MD: Vous allez également regarder les espoirs des Canadiens qui jouent dans ce tournoi. Un d'entre eux jouera pour Équipe Canada, à la maison, soit Noah Juulsen. Comment s'est-il amélioré après une saison difficile il y a un an ?
TT : Noah, que nous appelons aussi «Juules», a connu toute une saison avec les Silvertips d'Everett. C'est leur capitaine, leur leader et on s'attend à ce qu'il fasse la même chose avec Équipe Canada. On se fiera beaucoup à lui. C'est un vétéran. Il avait malheureusement été l'un des derniers retranchés l'an dernier et avait dû faire le long voyage de retour de la Finlande. Mais il est en santé cette année et il est prêt à y aller. On s'attend à ce qu'il aide le Canada, en espérant qu'il rapporte l'or.
MD : En quelques mots, quelle est son identité comme défenseur ?
TT : C'est un défenseur ultra compétitif. Il fait tout. Il apporte de l'offensive, il est défensif, c'est très difficile de l'affronter, il bloque des tirs, il est facile à diriger, les entraîneurs l'aiment vraiment. Je pense qu'on va le voir faire un peu de tout sur la glace; avantage numérique et désavantage numérique. Juste être une présence calmante, mais aussi physique à la ligne bleue du Canada.
MD : Toujours au sujet d'Équipe Canada, deux joueurs ont tout juste failli faire cette équipe et l'un d'entre eux est probablement sorti de nulle part pour plusieurs. Michael McNiven a été un des trois gardiens invités au camp d'entraînement. Malheureusement, il n'est pas de la formation. Est-ce que c'est plutôt une surprise ou une déception qu'il ne porte pas les couleurs du Canada?
TT : Le fait d'être un des trois derniers gardiens choisis par Équipe Canada est important. Et avec une blessure, il est de retour. Il n'a pas vraiment d'historique avec Équipe Canada, mais ce n'est pas une surprise. Il a connu une très bonne première moitié de saison. Il a été extraordinaire quand la OHL a joué contre les Russes en novembre et il a fait bonne impression auprès des dirigeants d'Équipe Canada. Ce n'est donc pas une surprise. Il est très athlétique, a une bonne grandeur et son développement se fait comme on l'espérait. Éventuellement, il sera dans notre système, en espérant qu'il nous aide dès l'an prochain.
MD : Un jeune défenseur est aussi passé bien près. Victor Mete n'a pas fait l'équipe, mais il a laissé une très bonne impression.
TT : Certainement. Victor est le genre de joueur qu'on aurait tendance à tasser parce qu'il n'est pas grand. Mais il est large et c'est un bon défenseur. Il est bon dans les deux sens, c'est un excellent patineur et il est très difficile de le battre à un contre un. Je pense qu'il a bien fait ici. C'était impressionnant qu'un jeune défenseur comme lui se rende aussi loin au camp et je suis certain qu'on va le revoir l'an prochain s'il continue à jouer comme ça.

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MD : Je ne peux m'empêcher de parler d'un joueur qui a commencé l'année ici à Montréal. Mikhail Sergachev sera un défenseur important avec la Russie. Comment a-t-il fait à son retour à Windsor dans les juniors et à quoi t'attends-tu de lui au Championnat du monde ?
TT : Quand un joueur quitte son équipe de la LNH, surtout après avoir joué quelques matchs, il y a un ajustement à faire. Il n'a pas fait exception. Il a eu besoin d'un peu de temps, mais il est passé à travers et son jeu est de retour là où il devrait être. C'est vraiment important pour lui d'avoir beaucoup de temps de glace, de jouer sur le jeu de puissance, en désavantage numérique, d'avoir la chance d'aller loin en séries éliminatoires et de jouer au tournoi de la Coupe Memorial - son équipe organise le tournoi cette année. Il va jouer beaucoup de hockey cette saison. Nous avons été très impressionnés par son camp. Nous espérons seulement qu'il ne fera pas trop mal à Équipe Canada lorsqu'elle affrontera la Russie.
MD: Tu diriges un gros groupe chez les Canadiens de Montréal. C'est évidemment une de tes passions de parler des espoirs, que ce soit ceux de l'organisation ou d'ailleurs. Combien de gens supervises-tu ? Je ne sais pas combien de personnes qui regardent ceci à la maison réalisent la charge de travail des recruteurs amateurs et semi-professionnels.
TT : Nous passons à travers un cycle, spécialement du côté amateur. Ça commence avec le jour suivant le repêchage jusqu'au jour du repêchage. Chaque année, c'est un nouveau groupe de joueurs, d'espoirs. Nous apprenons à connaître tous les joueurs durant les mois d'été, à l'automne et en janvier. Ensuite, on sépare ceux qui ont le potentiel d'accéder à la LNH du reste du groupe et ceux qui se retrouveront sur notre liste. Lorsque nous connaissons à peu près tout le monde, nous nous préparons pour le repêchage. Une fois qu'il a lieu, tout est à recommencer. Je mets beaucoup d'accent sur notre recrutement par région. Nous avons 16 recruteurs dispersés à travers différentes régions dans le monde. Par exemple, nous avons des recruteurs en Finlande, en Suède, en Russie, en République tchèque, dans la région de Boston, du Minnesota, deux recruteurs à temps plein dans la LHJMQ, trois en Ontario - incluant moi-même - et quatre dans l'Ouest. Nous avons beaucoup de gens à travers le monde. Nous essayons de trouver la perle rare. Observer les joueurs les mieux cotés, c'est le travail le plus facile. Chercher, trouver les autres, peut-être au nord de la Russie, dans une école secondaire ou dans une ligue de deuxième division et apprendre à les connaître, c'est le travail plus difficile. La chose la plus difficile, c'est la projection. Nous cherchons des joueurs qui pourraient jouer dans la LNH. Ce n'est pas ce qu'ils sont capables de faire aujourd'hui, c'est ce qu'ils vont faire dans le futur - que ce soit dans deux, trois, quatre, cinq ou six ans. Tout le monde connaît les espoirs de haut niveau, ceux qui sont sélectionnés au premier tour. Leurs chances de percer sont plus grandes que ceux choisis aux cinquième, sixième et septième tours. Les recruteurs qui voient ces joueurs, que ce soit huit, neuf, 10, 11 ou 12 fois dans une saison doivent faire leurs devoirs. Un bon exemple est Brendan Gallagher. Il n'était pas un espoir de grand calibre à son année de repêchage. Nous avions un recruteur à Vancouver, Vaughn Karpan, qui est avec une autre équipe maintenant. Il le voyait souvent. Il a vraiment accroché sur lui. Je l'ai appuyé. Brendan avait beaucoup de prises contre lui. Il n'était pas gros, n'était pas un très bon patineur, mais il avait deux très bonnes qualités qui lui ont permis de se rendre là où il est aujourd'hui : il peut marquer et il est combattif. C'est ce qui l'a mené à la LNH.
MD : Restons avec l'exemple de Brendan Gallagher. Tu le vois jouer à l'âge de 17 ans et tu prévois le voir jouer dans la LNH, être un bon joueur dans la LNH, à 22 ans. Combien de tes recruteurs - tu as mentionné Vaughn Karpan - lorsqu'il a commencé à être sur votre liste, l'ont vu jouer cette année-là avant le repêchage ?
TT : Ça dépend toujours où nous voyons le joueur dans notre échelle, à quel tour nous croyons qu'il va sortir. Si c'est dans les trois premiers, ça pourrait être moi-même. Deux autres recruteurs de la région et d'autres du Québec pourraient également aller le voir jouer. Ça dépend de la qualité du joueur. La direction observe aussi les joueurs, spécialement ceux des deux premières rondes. Marc Bergevin, l'an dernier, a fait beaucoup de travail avec nous en deuxième moitié de saison, avec Rick Dudley, Larry Carriere et Scott Mellanby. Ces gars-là sont venus nous aider.
MD : C'est un effort d'équipe.
TT : C'est un effort d'équipe, exactement. Au bout du compte, quelqu'un doit se lever et prendre les dernières décisions. Ça repose sur mes épaules, mais c'est un effort de groupe. Nous observons beaucoup les joueurs. Je dis toujours à nos recruteurs : « Tu es payé pour ton opinion, alors je veux l'entendre». On ne ridiculise celle de personne. Ils sont payés pour ça. Tu ne veux pas avoir des recruteurs qui s'entendent tous sur ce que le patron dit. J'apprécie l'opinion de tous et nous travaillons en équipe.
MD : Et tu prends la décision finale.
TT : Quelqu'un doit le faire.
MD : J'ai l'impression qu'on pourrait parler encore longtemps. Tu es passionné par ton travail. Merci beaucoup.
TT : Merci, Marc.