Francis Bouillon (2)

MONTRÉAL - En juin 1992, Francis Bouillon était ignoré au repêchage de la LHJMQ. Ce mercredi 5 avril 2017, le Panthéon du hockey junior québécois lui ouvrira ses portes.

Depuis la première fois où il a chaussé des patins, Bouillon a toujours dû lutter pour obtenir une chance de démontrer son savoir-faire au hockey. Peu importe le niveau. Les partisans des Canadiens en ont justement été témoins durant longtemps alors que le robuste défenseur a travaillé avec acharnement pour garder son poste à la ligne bleue année après année.
Mais bien avant d'aboutir à Montréal, il a été un des défenseurs les plus complets de la Ligue de hockey junior majeur du Québec au cours des années 1990, où il a fait la pluie et le beau temps avec le Titan de Laval et ensuite les Prédateurs de Granby.
Vingt-et-un ans après avoir complété sa dernière campagne au sein du circuit Courteau, Bouillon sera officiellement intronisé au Temple de la renommée de la LHJMQ, quelque chose qu'il était loin de se douter qu'il atteindrait un jour.
« C'est tout un honneur. J'ai été surpris, souvent c'est un honneur qui revient à des joueurs qui ont réussi beaucoup sur le plan individuel. Moi de mon côté, c'était plus collectif. Je pense que la coupe Memorial a joué pour beaucoup. J'ai aussi été un exemple pour plusieurs ; un jeune qui obtient un essai dans les rangs juniors et qui réussit à faire sa place. Durant tout mon cheminement, toutes les mentions que j'ai reçues, il n'y avait rien d'individuel. C'était toujours collectif », indique celui qui complète la cuvée 2017 du Panthéon en compagnie Brad Richards, Jean-Sébastien Giguère, Gaston Therrien et Luc Lachapelle, à titre posthume.

Francis Bouillon

Cet accomplissement est encore plus extraordinaire puisque lors de son année d'éligibilité au repêchage de la LHJMQ, celui qui était alors âgé de 16 ans avait été ignoré par les 11 formations du circuit. Alors qu'il se préparait à évoluer au niveau junior AA, l'entraîneur-chef du Titan, Bob Hartley, l'a appelé pour l'inviter au camp d'entraînement de son équipe, qui commençait trois jours plus tard.
S'il était sceptique au départ, Bouillon voyait cette opportunité comme une bonne occasion de se mettre en forme pour sa saison dans le junior AA. Faisant bonne impression durant le camp, il a réussi à convaincre Hartley de le garder à temps plein à Laval. Ce qu'il a fait pour persuader son patron : rester soi-même et ne jamais reculer devant rien.
« En passant du Midget au Junior majeur, je savais que je serais un des plus jeunes et un des plus petits, mais j'ai toujours eu du caractère. Il n'y a jamais personne qui m'a vraiment intimidé, mais quand je regardais des gars comme John Kovacs ou Brant Blackned, je trouvais qu'ils étaient des monstres ! », confie en riant l'ancien défenseur, qui mesurait 5'8" à son arrivée à Laval.
« Ma mère me l'avait dit avant le camp, que si je voulais faire l'équipe il faudrait que je brasse les gens et que je démontre mon caractère. Là-dessus, j'étais prêt. J'ai grandi dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et c'est triste à dire, mais si t'étais plus faible que les autres, tu te faisais manger la laine sur le dos. »
Il avait peut-être du cran, mais Bouillon est toujours demeuré respectueux envers ses adversaires et ses coéquipiers. Particulièrement à l'endroit des vétérans qu'il a côtoyés à son arrivée. C'est pour cette raison que les plus vieux l'ont toujours apprécié et qu'ils n'ont jamais hésité à le défendre. Parmi eux, son ancien capitaine, Martin Lapointe.
« Il a toujours été un peu réservé et il ne parlait pas beaucoup. Il faisait toujours du temps supplémentaire pour s'améliorer. Il savait très bien se défendre et il a surpris plusieurs joueurs dans la Ligue junior majeur du Québec avec sa force, souligne Lapointe, qui a mis la main sur la coupe du Président avec Bouillon en 1992-1993. La première fois que je l'ai rencontré, il m'avait surpris. Dans notre temps, les gars étaient un peu plus gros et les petits joueurs devaient vraiment se démarquer. Durant les entraînements quand tu arrivais dans le coin en même temps que lui, tu ressentais beaucoup son centre de gravité et il était assez solide sur ses patins ! Il était très fort naturellement. »
Faisant partie d'une des puissances de la LHJMQ, Bouillon a également remporté le championnat de la Ligue en 1993-1994, prenant part au tournoi de la Coupe Memorial pour une deuxième année consécutive, cette fois à titre d'équipe hôtesse. Mais comme ce fut le cas la première fois, les Lavallois sont repartis bredouilles.

Lapointe Bouillon Therrien

À la suite de sa troisième année avec le Titan, le défenseur qui a vu le jour à New York a pris le chemin des Cantons-de-l'Est en compagnie de quelques-uns de ses coéquipiers et de l'entraîneur-chef Michel Therrien, lorsque les frères Morrissette ont mis la main sur les Bisons de Granby, qu'ils ont renommé Prédateurs peu longtemps après son acquisition.
Alors âgé de 20 ans et devenu un des meilleurs défenseurs du circuit, l'expérience qu'avait acquise Bouillon au cours de ses trois premières campagnes lui a permis de devenir un leader respecté de tous. C'est pour cette raison que dès ses premiers jours avec sa nouvelle équipe, il a été nommé capitaine des Prédateurs et son entraîneur lui a confié un mandat bien précis dès le mois d'août de cette année-là : devenir le premier joueur de la LHJMQ depuis Guy Lafleur en 1971 à soulever la coupe Memorial. Ne connaissant pas beaucoup ses nouveaux coéquipiers, le défi était intimidant selon le principal intéressé.
« J'étais un peu intimidé. Dans mon cheminement dans les juniors, j'avais toujours été un gars gêné qui gardait un profil bas. Je m'extériorisais quand j'étais sur la glace. Lorsque j'étais dans la chambre, je ne parlais jamais, j'étais calme. Quand Michel m'a rencontré et m'a nommé capitaine, c'est venu me chercher et je savais que je devais jouer un plus grand rôle dans le leadership. Au début je ne savais pas si j'allais être capable de faire intégrer tous les nouveaux au groupe, mais ça a super bien été », admet Bouillon, qui s'est également illustré sur le plan individuel en 1995-1996, étant choisi au sein de la deuxième équipe d'étoiles de la Ligue.
Les Prédateurs ont tout balayé sur leur passage cette année-là, remportant successivement les titres de la saison régulière et des séries éliminatoires. Granby a par la suite accédé au tournoi de la Coupe Memorial - la troisième fois de la carrière de Bouillon.
Comptant sur plusieurs joueurs vedettes au sein de la formation, le calme et la capacité de rassembler les autres de Bouillon ont été d'une importance capitale dans l'éventuelle conquête du titre canadien par les Prédateurs. Selon son ancien coéquipier Georges Laraque, c'est ce qui a fait la différence et qui leur a permis de mettre fin à la disette de 25 ans du Québec à cet événement annuel.
« Son rôle dans notre conquête de la coupe Memorial était le plus important. Ce n'était pas la première fois qu'une équipe junior était remplie de joueurs étoiles pour les séries. C'était une combinaison de plusieurs vedettes de plusieurs équipes différentes qui étaient réunies à Granby. Des fois quand il y a plusieurs égos différents ensemble, il peut y avoir beaucoup d'indiscipline. Lui en tant que capitaine, un gars posé et tout un leader, il gardait l'équipe unie en tout temps », atteste l'ancien homme fort des Prédateurs, qui avait connu Bouillon plusieurs années avant lorsque les deux étaient dans le programme Sports-Études à l'École Édouard-Montpetit

Bouillon Laraque

« Personne ne s'est pris plus important qu'un autre parce que notre capitaine prêchait par l'exemple par la façon qu'il travaillait et qu'il se donnait. On continuait de travailler parce que notre capitaine montrait l'exemple. »
Lorsqu'il a complété sa carrière dans les rangs juniors en mai 1996, Bouillon l'a fait de la plus belle façon possible en soulevant la coupe Memorial. Ironiquement, il l'a fait avec une équipe qui n'a pas voulu de lui lorsque son avenir au hockey était incertain après avoir été ignoré au repêchage de la LHJMQ quelques années plus tôt.
« Pas longtemps après le repêchage, on était allés en camping à Granby. Ma mère m'a dit qu'on devrait aller voir les gens des Bisons pour voir s'ils pouvaient m'offrir un essai. Je n'en revenais pas. Mon côté fonceur vient beaucoup de ma mère. On est finalement allés faire un tour à l'aréna. Toutes les portes étaient fermées sauf une. On est rentrés à l'intérieur et un monsieur est venu nous voir. Ma mère m'a présenté et m'a dit que je n'avais pas été repêché et elle voulait voir si je pouvais obtenir un essai », raconte Bouillon au sujet de sa première visite à l'Aréna Léonard-Grondin, en 1992.
« Le monsieur - qui était un des gestionnaires du bâtiment - m'a montré les trios sur un tableau et m'a dit que tout était complet. Ironiquement, j'ai abouti là quatre ans plus tard, je suis devenu capitaine des Prédateurs et j'ai gagné la coupe Memorial. À mon arrivée à Granby en 1995, ce monsieur-là était encore là et il se souvenait très bien de moi »
Homme de fer de la LHJMQ à un certain temps avec une séquence de 164 matchs consécutifs de disputés, auteur de 143 points en quatre saisons - saison régulière et séries inclues -, double champion de la coupe du Président et champion de la coupe Memorial, ce sont toutes des réalisations que personne n'aurait pensé voir sur le curriculum vitae de Bouillon un jour. Pourtant, elles le sont.
Aujourd'hui âgé de 41 ans, l'ancien porte-couleur du Tricolore aura marqué à sa façon le hockey junior québécois au cours de son adolescence. Il a pavé la voie à plusieurs joueurs qu'on jugeait trop petit pour réussir dans un monde de géants et il l'a fait à sa façon. Mais comme il l'a toujours fait durant sa longue et fructueuse carrière au hockey, il veut partager cet honneur avec ceux qui l'ont aidé à se rendre au bout de ses rêves.

Francis Bouillon

« J'ai toujours été un gars d'équipe et je n'ai rien remporté seul. La seule chose qui vient de moi est la persévérance. J'ai obtenu ma chance et je l'ai saisi. C'est pourquoi je mérite tout ce qui m'est arrivé. Encore là, je veux partager ça avec tous mes coéquipiers. J'ai toujours dit que le hockey est un sport d'équipe. C'est le plus beau sport d'équipe qui existe », conclut Bouillon.