Montoya-famille

Quand Manuel Silva a tout abandonné derrière lui à Cuba pour embarquer avec sa petite famille sur un paquebot cargo, jamais il n'aurait cru qu'un jour, son petit-fils jouerait pour les Canadiens de Montréal.

L'histoire de la famille d'Al Montoya - Alvaro de son véritable prénom - est captivante.
Deux ans après l'échec du débarquement de la Baie des cochons - opération de 1961 qui visait à faire débarquer à Cuba 1400 exilés qui avaient été entraînés aux États-Unis par la CIA dans le but de renverser le nouveau gouvernement de Fidel Castro -, Manuel Silva avait deux choix : rester à Cuba et faire partie de la révolution ou laisser ses terres, sa profession d'avocat et son ranch pour aspirer à un monde meilleur.
«C'était un homme avec tous les talents. Mais il a cru que la meilleure chose à faire était de tout sacrifier pour sa famille. C'est comme ça qu'il s'est retrouvé à vendre des fraises sur le bord de la rue à Miami», raconte le gardien réserviste des Canadiens.
Sa mère, Irene, n'avait alors que 10 ans. Pour elle, cette aventure sur le bateau était tout simplement «la journée la plus cool de sa vie».
«Elle n'était pas au courant de l'aspect politique et de tout ce qui se passait. Mon grand-père leur a grandement facilité la vie», souligne Montoya, qui porte le nom de famille de son père, même si ce dernier, un chirurgien cardiaque, n'a jamais vraiment fait partie de sa vie.
Manuel Silva, qui a laissé tomber quelques-uns de ses prénoms en arrivant en sol américain, aura finalement remporté son pari. Son épouse, Berta, et lui ont trouvé du boulot à Chicago et c'est là où ils ont élevé leurs enfants.
«Tout ce que ma mère, son frère et sa sœur devaient faire, c'était se concentrer sur leurs études. Mes grands-parents s'occupaient du reste. Ils ont tous travaillé fort et ma mère est devenue médecin, sa sœur dentiste et son frère architecte», dit-il avec fierté.
L'importance des études, c'est aussi une valeur qu'Irene Silva a transmise à ses quatre fils.
«Le hockey peut te mener quelque part, mais c'est l'école qui te mènera loin. C'est pour ça que dans ma tête, la raison pour laquelle je jouais au hockey, c'était que ça me permettait d'aller à l'école», explique l'Américain de 31 ans, qui a fait ses études à l'Université du Michigan.
Son frère David, de quatre ans son aîné, a joué au football universitaire à la United States Naval Academy et possède maintenant sa propre compagnie à Chicago. Leurs frères jumeaux Carlos et Marcos ont également bien réussi dans la vie. Le premier est propriétaire d'un gym alors que le deuxième est dentiste. Plusieurs de ses cousins et cousines sont aussi devenus médecins.
Pour Montoya, sa mère est une véritable «Superwoman». Ses frères et lui tiennent à lui redonner dès qu'ils en ont l'occasion.
«Elle nous a élevés seule, même si elle a évidemment eu de l'aide. Mais on l'a vue se lever à 6h pour aller travailler une douzaine d'heures et quand même réussir à assister à nos entraînements. Alors on se disait ''Tout ce qu'on a à faire, c'est d'aller à l'école, et elle nous offre cette vie''. On a été témoin des sacrifices qu'elle a faits chaque jour de notre vie. On n'en méritait pas tant», poursuit-il.

Montoya

Du sang latin
Même s'il a grandi à Chicago, Montoya n'a pas oublié ses racines. Sa langue maternelle est l'espagnol, il aime bien danser et raffole de la nourriture cubaine.
«La bouffe cubaine est fantastique. Mes mets préférés sont le bistec empanizado, qui est comme un steak pané et la ropa vieja. On parle de fèves, de plantain, de bananes, tous ces repas que l'on retrouve principalement durant les fêtes», précise le numéro 35.
Des fête et des réunions de famille, il y en a souvent chez les Silva-Montoya. Et elles sont bruyantes!
«Dans notre culture, on a des grosses réunions. Ça parle fort, on est beaucoup et tout le monde s'aime. D'ailleurs, ils étaient une vingtaine chez moi l'autre fois lorsque je les ai appelés avec FaceTime!» dit-il en riant.
Montoya voue un respect sans borne à sa mère et à ses grands-parents. Il espère pouvoir léguer à son tour à ses enfants, Camila (3 ½ ans) et Henry (presque 2 ans) - qui se fait parfois appeler Enrique! - les mêmes valeurs.
«Si j'avais une chose à leur enseigner, ce serait : ''respecte-toi et respecte les autres''. L'amour est la chose la plus importante. Notre famille est basée sur l'amour et la gentillesse», mentionne-t-il.
À la maison, Montoya parle espagnol avec ses enfants, même s'il avoue lui-même discuter avec sa mère en «spanglish».
«Ma fille le maîtrise bien mais là, on ajoute le français. Alors maintenant, elle ne fait qu'utiliser des mots espagnols en disant qu'ils sont français, ce qui est vraiment adorable», ajoute-t-il.
Dans les marchés précédents où il a joué, comme dans l'État de New York et en Floride, Montoya s'impliquait le plus possible auprès des communautés hispanophones. S'il en a la chance, il le fera également à Montréal.
«Je suis probablement le seul dans la LNH qui parle espagnol. C'est un rôle incroyable que je peux jouer. Si je peux ouvrir les portes de ce sport à cette communauté-là, je vais le faire. C'est un privilège que d'être ici en tant que minorité», conclut-il.