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Martin Gerber était aux premières loges la dernière fois qu'un gardien recrue a aidé son équipe à remporter la Coupe Stanley.
En 2006, Gerber, qui s'alignait alors avec les Hurricanes de la Caroline, a perdu le poste de gardien partant aux mains de la recrue de 22 ans Cam Ward à l'occasion du deuxième match du premier tour en séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Et à l'exception de deux départs et d'une victoire en Finale de l'Association de l'Est, Gerber a surtout passé son temps à regarder Ward aider les Hurricanes à remporter championnat, puis à décrocher lui-même le trophée Conn Smythe à titre de joueur le plus utile à son équipe dans les séries.

Dix ans plus tard, le gardien recrue Matt Murray a guidé les Penguins de Pittsburgh à une victoire près de rafler la Coupe Stanley. Les Penguins ont une avance de 3-1 sur les Sharks de San Jose en Finale de la Coupe et ils pourraient remporter la série quatre de sept s'ils s'imposent lors du cinquième match, jeudi, au Consol Energy Center à Pittsburgh (20h HE; TVA Sports, CBC, NBC).
Tout comme Ward, Murray a brièvement perdu son poste de gardien partant pendant la finale d'association. Comme Ward, Murray a signé plus de victoires à son premier parcours en séries qu'il ne l'avait fait au cours du calendrier régulier qui a précédé.
En parlant à Gerber de la façon dont Ward avait géré la situation en 2006, il devient clair que les similitudes entre les deux gardiens ne se terminent pas là.
« Il ne se préoccupait pas de ce qui se passait autour de lui », a déclaré Gerber au cours d'une conversation téléphonique en provenance de sa Suisse natale, où l'homme de 41 ans continue de jouer dans les rangs professionnels cinq années après qu'il eut mis un terme à sa carrière de 229 matchs et sept saisons dans la LNH avec les Ducks d'Anaheim, les Hurricanes, les Sénateurs d'Ottawa, les Maple Leafs de Toronto et les Oilers d'Edmonton.
« Il ne faisait que chercher à jouer et il gardait son calme, comme s'il avait fait ça toute sa vie. »
En discutant avec différents gardiens de la LNH du cheminement de Murray en séries, on a constaté que ceux-ci restent généralement prudents face au battage médiatique qui ont amené certains à le comparer à des gardiens comme Patrick Roy et Ken Dryden, deux membres du Temple de la renommée du hockey qui ont eux aussi remporté la Coupe Stanley en tant que recrues. Certains ont préféré ne pas commenter, affirmant que son succès est davantage attribuable à la façon dont jouent les Penguins en défensive. Mais même si Murray ne succède pas à Ward à titre de lauréat du Conn Smythe, reste qu'il a impressionné plusieurs de ses homologues en raison de son calme.
« La chose qui m'impressionne le plus, c'est la façon dont il a géré certaines situations très difficiles », a affirmé le gardien du Wild du Minnesota Devan Dubnyk.
Dubnyk a donné deux exemples. Premièrement, lorsque Murray a perdu le poste de partant aux mains de Marc-André Fleury lors du cinquième match de la Finale de l'Association de l'Est, avant de revenir et de remporter les sixième et septième affrontements de la série contre le Lightning de Tampa Bay. Et deuxièmement, lorsqu'il a accordé le filet égalisateur sur un tir de loin et perdu en prolongation à l'occasion de la troisième rencontre de la Finale de la Coupe Stanley contre les Sharks, pour ensuite rebondir et signer la victoire à l'étranger lors du quatrième affrontement.
« Tu vois la façon dont il réagit après les buts et on dirait que le moment où l'autre équipe marque, tout comme la façon dont l'autre équipe marque, n'a aucun impact sur son comportement. Il continue d'avoir la tête haute et on n'a jamais l'impression qu'il se dit, 'Oh non, je n'arrive pas à croire ce qui vient d'arriver', a décrit Dubnyk. Il ne commence pas à jouer comme une poule sans tête s'il encaisse un but ou deux. Il ne se met pas à pourchasser le jeu, ni à glisser partout. Il a l'air du même gardien à tous les matchs, pendant tout le match. Que la rondelle entre dans le filet ou non, il a l'air du même gardien et ses coéquipiers savent exactement ce qu'il va leur donner à tous les matchs ; c'est ce que tu veux de la part de ton gardien partant. »
Cette stabilité sur le plan émotif a également impressionné d'autres gardiens de la LNH. Ce n'est pas toujours facile d'y arriver dans le contexte des séries. Tout le monde parle de la nécessité d'augmenter le niveau d'intensité, tandis que l'attention médiatique se décuple à chaque ronde éliminatoire. Mais pour un gardien, essayer plus fort n'est pas nécessairement la meilleure recette pour connaître du succès.
« Quand tu es une recrue et que tu te retrouves en séries, parfois tu veux en faire plus qu'il est nécessaire d'en faire, a souligné le gardien des Blues de St. Louis Jake Allen. Je trouve que [Murray] est resté fidèle à sa façon de jouer, il a été égal à lui-même tout au long des séries et ç'a fonctionné. Ç'a fonctionné pour lui à tous les niveaux où il a joué et ça continue de fonctionner pour lui dans la LNH et en Finale de la Coupe Stanley. Qu'il n'ait pas modifié sa façon de jouer et qu'il ait fait confiance à sa capacité de bien jouer, c'est un élément important de son succès. »
À l'instar de Murray la saison dernière, Allen a été nommé gardien par excellence dans la Ligue américaine de hockey avant d'obtenir son premier départ en séries éliminatoires de la Coupe Stanley - dans son cas, au printemps 2015 avec les Blues. Après avoir bien commencé et partagé les honneurs des quatre premiers matchs contre Dubnyk et le Wild au premier tour éliminatoire dans l'Association de l'Ouest, Allen a reconnu qu'il a « presque trop essayé » alors que les Blues ont subi la défaite lors des deux derniers affrontements de la série.
« C'était une erreur de ma part, mais ça m'a permis d'en tirer une leçon », a-t-il dit.
Cette courbe d'apprentissage, le gardien des Hurricanes Eddie Lack l'a connue lui aussi lorsqu'il s'est retrouvé devant le filet des Canucks de Vancouver face aux Flames de Calgary au premier tour des séries du printemps 2015.
« En tant que gardien, ton approche doit être qu'il s'agit d'un match comme les autres, a noté Lack. Mais en même temps, dans ton for intérieur, tu sens que c'est une occasion spéciale et tu veux en profiter au maximum. »
Peu importe ce que certains pensent du rôle qu'il a joué dans les succès des Penguins ce printemps, Murray a montré qu'il a su comment trouver le bon équilibre à ce niveau à son premier parcours en séries de la Coupe Stanley. C'est ce qui impressionne ses confrères.
« Les émotions sont davantage à fleur de peau, mais plus tu absorbes tout ça et tu te laisses affecter par ça, moins ça va aider ta cause, a indiqué Dubnyk. Tu veux faire le vide, même si c'est de plus en plus difficile à faire au fil des séries. La pression augmente et certains n'y arrivent pas. Certains gardiens apprennent à le faire. De toute évidence, il a réussi à le faire à un jeune âge dans le contexte le plus difficile qui soit, et c'est impressionnant. »